Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« Je veux marcher avec cet ancien, cet aîné qu’est pour moi le cardinal Émile Biayenda »

Mgr Yves Marie MONOT

A la demande de Mgr Yves Marie MONOT, évêque de OUESSO, nous vous proposons une nouvelle version de cette interview déjà publiée dans le numéro 110 de décembre 2008.

La Mémoire Biayenda : Excellence, depuis votre ordination épiscopale, le 7 septembre 2008, c’est pour la première fois que la chrétienté de Brazzaville vous a rencontré de façon particulière. Que représente pour vous cette cérémonie ?

Mgr Yves Marie MONOT : Merci à vous, la Mémoire Biayenda. Que représente, pour moi cette célébration vécue en Église ? Toute sa signification se trouve dans le fait que l’Église particulière de Brazzaville a voulu dire sa communion avec celle de Ouesso qui vient de recevoir un nouveau pasteur, un nouveau berger Elle a désiré célébrer cette communion d’Église dans la joie.

Je remercie Mgr l’Archevêque ainsi que l’Archidiocèse de Brazzaville, dans lequel j’ai travaillé douze années en tant que curé de Sainte Marie de Ouenzé et de Saint Augustin de la Tsiémé, pour leur accueil fraternel. J’ai été très heureux de venir célébrer, en Église famille, cette action de grâce, convaincu qu’elle portera son fruit de communion entre nous qui sommes ensemble, au service de l’Église du Congo et de l’Église universelle.

La M.B. : Père évêque, nous vous connaissons comme un grand dévot du Cardinal Émile Biayenda. Maintenant que vous êtes membre à part entière de l’épiscopat du Congo, quel sera votre apport dans le processus de la Cause du Cardinal Biayenda ?

Mgr Y.M.M. : Un grand dévot du cardinal ? Je veux plutôt me laisser accompagner par cet aîné, marcher avec cet « ancien » au sens ecclésial de ce mot dont nous parle souvent l’apôtre Paul. Je l’ai dit : j’ai toujours eu une grande estime pour notre vénéré pasteur Émile Biayenda et J’aime rendre compte du témoignage qu’il a porté parmi nous en se configurant au Christ Jésus, jusque dans sa passion, jusqu’au bout de l’amour.

Si dans la dévotion dont vous parlez, nous y mettons la communion de pensée, la communion de cœur, la disposition à vivre du Christ avec le témoin, alors oui, je suis de cette dévotion.

Quant à mon apport à la Cause du Cardinal, vous le dites bien vous-même : ce sera avec mes frères évêques, en Église, attentifs ensemble à discerner, à accueillir ce que le Seigneur veut faire dans les personnes, dans les cœurs par l’intercession de « Tat’ Émile - Papa Biayenda ».

La M.B. : En tant que pasteur, avez-vous un témoignage particulier sur le cardinal que vous pouvez mettre à la portée du Peuple de Dieu ?

Mgr Y.M.M. : Comme d’autres, j’ai apporté, en son temps, quelques faits de sa vie qui m’ont marqué ; ils se sont ajoutés à beaucoup. Aujourd’hui, il nous faut continuer, en Église, à travailler sa pensée, ses convictions de foi à travers sa vie, ses écrits. Vous le faites à « la Mémoire Biayenda ». Merci. Continuons à chercher comment Émile Biayenda a vécu sa vie d’homme, son sacerdoce, son épiscopat ?

Comment a-t-il conduit l’Église particulière de Brazzaville, l’Église du Congo, dans les conditions sociopolitiques du moment ?

Quelle a été sa participation à la responsabilité de l’Église universelle durant son cardinalat, jusqu’au sacrifice de sa vie ? Soyons aussi attentifs aux personnes qui cheminent spirituellement avec le serviteur de Dieu. Il y a là toute une source de témoignages à apporter à la Cause.

Plus qu’un souhait, une demande : il nous faudrait dès maintenant pouvoir disposer d’un recueil varié de ses faits et paroles de vie afin d’animer spirituellement nos diocèses : que membres du clergé, personnes consacrées, laïcs, nous puissions trouver nourriture dans le témoignage de vie de notre aîné et que nous puissions le faire mieux connaître autour de nous.

La M.B. : Lors de notre dernière interview (cf n°88 février 2007), vous nous avez dit que la fécondité du témoignage du cardinal est manifeste en beaucoup de gens. Peut-être avez-vous quelques exemples ?

Mgr Yves Marie MONOT

Mgr Y.M.M. : Je le disais à cette occasion, je le redis ci-dessus, nombre de frères et de sœurs non seulement prient le cardinal, demandent son intercession dans les difficultés qu’ils rencontrent, mais aussi vivent la communion au quotidien avec ce témoin de la foi. Fécondité de grâces pour les personnes qui se confient à lui dans la prière, fécondité du cœur pour celles qui cherchent à faire correspondre leur vie aux valeurs évangéliques qui ont animé la vie du cardinal et qui veulent en porter témoignage.

L’exemple de vie du Cardinal nous évangélise et nous invite à annoncer cet Évangile vécu au Peuple de Dieu, aux Églises et Communautés ecclésiales vivant l’œcuménisme ainsi qu’aux personnes de bonne volonté désirant être artisans de réconciliation, d’unité, de paix au cœur des situations de notre pays et d’ailleurs.

La M. B. : Maintenant que vous avez pris solennellement possession de votre territoire comme évêque, pouvons nous espérer que la prière au Cardinal et la méditation de son témoignage de vie trouveront place dans l’animation spirituelle de votre diocèse ?

Mgr Y.M.M. : Ouesso, vous le savez, est assez éloigné de Brazzaville (900 km) et de ce fait ce qui est vécu à Brazzaville ou Pointe-Noire ne raisonne pas immédiatement dans les départements des extrêmes.

Si à Brazzaville, le témoignage de vie du cardinal est présenté chaque année à la méditation de l’Église, en particulier au mois de mars, pour nous, « L’Année du Cardinal », en 2007-2008, a été l’occasion de retrouver ce Père commun dans la foi, de nous mettre à l’écoute de ce témoin qui a su servir l’Église et son pays jusqu’au bout.

Nous avons approfondi notre relation avec lui dans la connaissance de sa vie, l’accueil de son témoignage et la prière. Comment allons-nous continuer ? Cela dépendra de nous et ... de vous qui pouvez nous aider pour cette animation spirituelle !

Pour le moment, nous sommes fidèle : à la prière du mardi « pour la béatification et la canonisation », dans chacune de nos paroisses : Souanke, Sembé, Pokola, Ngombé, Mokéko, Ouesso. Mais nous aimerions aller plus avant dans l’animation spirituelle, et pour cela, il nous faut ce ou ces petits livrets dont je parlais plus haut, présentant les faits et les paroles de vie du cardinal, les prières retenues par l’Église, invitant à la conversion des comportements, à la vie évangélique avec notre aîné... Un petit exemple concret. Je célébrais la messe, à la cathédrale de Ouesso, pour la rentrée de l’enseignement catholique diocésain. J’avais trouvé, dans le livret de l’Abbé Tsiakaka Adolphe que je remercie pour ce travail, une parole forte du cardinal sur l’éducation que j’ai présentée et développée à l’homélie.

A la fin de la messe, des enseignants, des parents d’élèves sont venus me remercier, me demandant ce texte que voici : « Enfanter un homme conscient, libre, responsable, social, capable d’aimer, capable d’efficacité et de discrétion, capable ... dans l’exemple et le travail. Voilà l’œuvre d’éducation que nous avons tous à réaliser ensemble : Famille, État, Église dans le respect mutuel de nos droits et de nos devoirs, dans la seule volonté de former des hommes ».

Vous voyez, avec de telles phrases, vraies paroles de vie, le cardinal devient pour nous un de ces témoins qui nous montrent le chemin, nous pouvons le dire : un maître spirituel. N’est-ce pas une telle animation qui s’est faite à partir des écrits de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus ou encore de bienheureux plus contemporains comme Daniel Brottier, Charles de Foucauld ...

Autre point, à propos des prières proposées par l’Église : nous disons habituellement la « prière de béatification et de canonisation du Cardinal Émile Biayenda ». L’Église nous y invite actuellement. Mais je pense qu’il ne faut pas oublier « la prière d’intercession au cardinal ».

Elle me semble très importante car elle dit, de manière profonde, le témoignage qu’il a porté et elle nous invite à en vivre. Nous connaissons cette prière :
« Seigneur Jésus tu nous avais donné comme Pasteur de ton Église le bon Cardinal Émile Biayenda. Par ses vertus, il a été notre modèle et notre joie » ; ici, nous situons bien l’enjeu : ce que nous souhaitons qu’il soit pour l’Église : notre modèle parce que c’est ce qu’il a été de son vivant. Dans la phrase suivante, je me permets de faire une petite modification : non pas « Par sa foi, il était le chemin qui conduit vers le Père ». Mais plus précisément, « par sa foi, il nous a montré le chemin qui conduit vers le Père ». Pour nous, chrétiens, le chemin, c’est Jésus-Christ. Oui, Émile cardinal Biayenda nous a montré Jésus, le chemin du Père, non seulement par son enseignement de la foi, ce qui est le ministère propre de l’évêque, mais encore par son témoignage, se donnant pleinement jusqu’à la mort.

Cette phrase se traduit bien en lingala : « komipesa mobimba tee na liwa ». La suite explicite ce que nous venons de dire : « tu l’as rendu semblable à toi, victime innocente mourant sur la croix » : sa configuration à Jésus !

Ceci étant, peut venir la demande de grâces : « Seigneur Jésus, par le sacrifice du bon cardinal, accorde-nous les grâces que nous te demandons avec confiance ».

N’oublions pas cette prière qui nous met en condition d’accueil du témoignage de « Papa Émile » afin que nous devenions de meilleurs témoins du Christ Jésus.

La M.B. : Votre aîné dans l’épiscopat, Mgr Ernest Kombo, d’heureuse mémoire, nous avait dit : si nous considérons que Biayenda est un martyr quelconque, comment voulez vous que Rome avance.Mais si nous considérons que Biayenda est un modèle, un exemple à suivre, Rome marchera. Alors, Père Évêque, Biayenda est-il un martyr quelconque ou un martyr de la foi ?

Mgr Y.M.M. : Je ne sais pas exactement en quels termes Mgr Ernest Kombo a exprimé sa pensée ; peut-il y avoir des martyrs « quelconques », qu’ils soient des martyrs de la foi ou des martyrs pour toute autre cause ? Donner sa vie, accepter de mourir pour ... touche au plus profond de notre commune humanité.

Mais je puis comprendre la provocation que Monseigneur ait pu mettre dans sa formulation pour mieux interpeller. Permettez que j’élargisse le propos.

Biayenda est-il un martyr, un témoin de la foi ? C’est la conviction de notre Église locale et c’est ainsi qu’est présentée sa cause de béatification et de canonisation.

Biayenda est-il un modèle, un exemple à suivre ? Tout ce que nous venons de dire plus haut va dans ce sens : oui, Biayenda est aussi et profondément un homme de l’Évangile qui a pris le chemin de la sainteté jusqu’à donner sa vie par le martyre ; rappelons que, pour l’Église, le martyre est la marque, le sceau tout particulier du cardinalat (la traditionnelle couleur rouge le rappelle). Dans l’attente du jugement de l’Église, Chrétiens du Congo, nous disons ce que nous avons perçu du témoignage de notre Aîné et présentons, dans la prière, cette cause qui nous tient à cœur tant nous percevons la valeur humaine, évangélique et ecclésiale de ce témoin.

La M.B. : Que va attendre du nouvel évêque de Ouesso que vous êtes le journal « la Mémoire Biayenda » ?

Mgr Y.M.M. : Je renverse la question : ce que je viens de vous dire résume ce que j’attends de la Mémoire Biayenda. Ce que vous faites pour la cause du cardinal est généralement de qualité. Merci à vous tous qui faites paraître « la Mémoire Biayenda » ! Mais, avec vos collaborateurs, du clergé et autres, et pourquoi pas avec un délégué de chaque diocèse (cf. l’Année du Cardinal), je pense qu’il faut que nous suscitions encore plus d’intérêt pour la cause et pour la fécondité de son témoignage, en mettant à la portée du peuple de Dieu sa vie, sa voie de spiritualité. Faisons connaître « Tat’ Émile ». Par l’action de l’Esprit, la fécondité de sa vie se répandra pour le bien de l’Église et de notre peuple.

Un exemple tout banal : Au réfectoire de l’évêché de Ouesso, vous pouvez trouver la collection de « la Mémoire Biayenda » avec la Semaine Africaine et autres. De temps en temps je remarque que les numéros diminuent voir disparaissent. Je pense que tel ou tel article a dû correspondre à l’attente d’un de nos prêtres venant de l’intérieur du diocèse ou d’une autre personne. Je n’en suis pas étonné. Je remplace ces numéros S’il y avait ces livrets dont j’ai parlé plus haut, ils partiraient aussi. Ouvriers apostoliques de l’intérieur, nous manquons de ces supports qui permettent une bonne animation de notre peuple. Travaillons ensemble à les faire naître pour le bien de nos diocèses, de notre Église, de notre pays.

La M.B. : Avez-vous un vœu à adresser au peuple de Dieu ?

Mgr Y.M.M. : A nous tous, je « nous » dis : « Prenons le chemin de la sainteté. Bonne route, sur le chemin de Jésus, avec Tata cardinal (notre père dans la foi et le témoignage) ».

Grégoire YENGO DIATSANA


 
 
 
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