jeudi 20 février 2025
Révélation de la presse polonaise : la décision est prise. Jean-Paul II sera bienheureux ; le 2 avril 2010, cinq ans après sa disparition. C’est ce qu’en réfère le quotidien polonais Dziennik, selon lequel la décision aurait déjà été prise. « Ce serait une nouvelle très belle », a commenté au quotidien Rzeczpospolita, le père Tadeusz Pieronek, qui s’occupe à Cracovie de la phase diocésaine du procès de béatification, ouvert seulement un mois après la mort du Pape polonais survenue le 2 avril 2005.
Le procès en béatification de Jean-Paul II s’est conclu, deux ans après sa mort. Mais seul Benoît XVI prendra la décision.
Enquête sur le Saint des Saints
Jean-Paul II n’est pas devenu « santo subito » (saint tout de suite), comme le réclamait la foule durant ses obsèques, mais il est déjà - tout juste deux ans après son décès - dans l’antichambre de la béatitude.
Le procès diocésain en béatification, au cours duquel ont été rassemblés tous les écrits publics et privés du défunt Pape ainsi que les témoignages sur « l’héroïcité des vertus du serviteur de Dieu » - c’est le terme employé, au cours d’une cérémonie solennelle qui s’était déroulé à Saint-Jean de Latran. Les actes, qui remplissent trois caisses de documents scellés à la cire, sont désormais entre les mains de la Congrégation pour les Causes des Saints. Mais une seule autorité prendra la décision : le Pape Benoît XVI.
Suspens ?
Pas vraiment. Même dans la protestante Angleterre, on ne trouve pas un seul bookmaker prêt à parier un penny sur le « recalage » de Karol Wojtyla. La bataille ne se joue donc pas sur l’issue du procès, mais sur sa durée. Si Mère Teresa a été béatifiée six ans après son décès, Charles de Foucauld a attendu... près de quatre-vingt-dix ans. Quant au frère franciscain perpignanais Angelo Del Pas, il patiente depuis 1625. Le « bon Pape » Jean XXIII fut fait bienheureux trente-sept ans après sa mort, mais le controversé Pie XII piétine toujours. Ils sont des milliers à remplir ainsi les 400 pages de l’Index ac status causarum, l’annuaire des candidats à la béatification.
Jean-Paul II ne devrait pas connaître ce sort. La vox populi ne fut pas la seule à exiger dès sa mort une accélération des procédures. Durant le conclave, de nombreux Cardinaux remirent au doyen du Sacré Collège, un certain Joseph Ratzinger, une pétition en faveur d’une béatification expresse. Devenu Benoît XVI, celui-ci sembla vouloir les satisfaire en décidant, le 13 mai 2005, 24e jour anniversaire de l’attentat perpétré contre Jean-Paul II, l’ouverture de l’enquête diocésaine pour accélérer, suivant le communiqué du Vatican, « la marche du Pape Wojtyla vers la gloire des autels ».
Le nouveau Pape accordait ainsi une dispense à la procédure de canonisation - établie par Sixte Quint en... 1588 -, qui interdit l’ouverture du procès dans les cinq premières années suivant la mort du présumé saint. Au cours de l’histoire récente, seule Mère Teresa avait bénéficié d’une telle faveur. Dans la foulée, les plus optimistes prévoyaient une béatification immédiate, et peut-être même une canonisation, durant les JMJ de Cologne en août 2005. Espoirs déçus. La Sainte Église romaine a toujours eu l’éternité devant elle. Mais pas le lobby polonais, qui a fait de la béatification de Jean-Paul II une urgente cause nationale. Le Cardinal Stanislaw Dziwisz, secrétaire de Jean-Paul II durant trente-neuf ans, en est arrivé à dénoncer les révélations sur le passé collaborationniste de l’Église polonaise avec les communistes comme un complot « antibéatification ».
Miracle ?
Pour des raisons tant spirituelles que politiques, Jean-Paul II avait transformé le Vatican en « fabrique à saints ». Le Pape polonais à lui tout seul a consacré 1.339 bienheureux et 482 saints, plus d’un quart de ceux qui furent faits au cours de toute l’histoire de la chrétienté. Il pensait que les peuples ont besoin de modèles. Un missionnaire persécuté dans la Chine du XVIIe siècle, un prêtre se sacrifiant à la place d’un père de famille dans un camp de concentration, une mère préférant mourir en accouchant plutôt qu’avorter : Jean-Paul II a illustré, à travers les saints et les bienheureux qu’il a décrétés, les vertus de la foi telles qu’il les entendait. Mais, sous le nouveau pontificat, l’heure est à la déflation. Depuis son élection, Benoît XVI s’est limité à 49 bienheureux et 9 saints.
N’entre pas qui veut dans ce panthéon céleste. Pour être béatifié, puis canonisé, il faut chaque fois satisfaire un critère essentiel : la reconnaissance d’un miracle. L’Église s’est fondée sur les miracles du Christ, et le plus important d’entre eux : la Résurrection. Cette croyance reste un pilier de la foi. Et les fidèles en ont besoin. Le docteur Patrick Theillier, directeur du Bureau médical de Notre-Dame de Lourdes, vient ainsi de recevoir un couple de catholiques venus plaider la cause d’une musulmane qui, disaient-ils, avait été guérie « miraculeusement » d’une sarcoïdose, maladie entraînant des troubles neurologiques et cutanés forts, après son passage au sanctuaire. Ce genre de dossiers, le docteur Theillier en étudie une cinquantaine par an. Peu sont retenus. Sur les 7.200 guérisons étonnantes examinées depuis cent cinquante ans à Lourdes, 2.000 n’ont pas reçu d’explications médicales et 67 ont été reconnues comme miraculeuses par l’Église.
Victoire du rationalisme ?
« Il devient difficile d’établir un miracle de nos jours, constate le docteur Theillier, les examens sont de plus en plus nombreux, les maladies sont surtraitées. La médecine reconnaît des rémissions spontanées de maladies graves, elle ne le faisait pas il y a cinquante ans ». Sans connaître son dossier, nombre de médecins ont ainsi exprimé leurs doutes sur le « miracle » que constituerait la guérison spontanée de la religieuse française Marie-Simon-Pierre de la maladie de Parkinson, l’un d’eux soutenant que ses symptômes correspondaient davantage à un phénomène d’identification mystique au Pape parkinsonien qu’à une véritable dégénérescence nerveuse.
L’époque est suspicieuse. Et, pour qualifier un miracle, l’Église n’a pas modifié ses critères établis par le Cardinal Lambertini, futur Benoît XIV, en... 1738.
Critères restrictifs
« Stricto sensu, la maladie ne devrait pas avoir eu de traitement, précise le docteur Theillier, il faut que la guérison soit instantanée, mais surtout un fait extraordinaire ne suffit pas : il faut aussi qu’il y ait un prodige avec une signification spirituelle ». Sœurs Marie-Simon-Pierre, qui affirme avoir été guérie par l’intercession de Jean-Paul II, répond-elle à cette définition ? Aux médecins de la Consulta medica, au Vatican, de se prononcer. Après enquête et examens d’un collège de médecins - un psychiatre expert près la Cour de cassation, deux neurologues professeurs d’université, un médecin neurologue et un graphologue -, l’évêque du diocèse d’Aix-en-Provence et d’Arles a envoyé son dossier à Rome. Il a rejoint les nombreux « miracles » attribués à Jean-Paul II et recueillis par Mgr Slawomir Oder, postulateur de la cause de l’ancien Pape - le rapporteur de l’enquête, en somme.
Ce miracle tomberait à pic. Il honorerait une religieuse atteinte du même mal qui avait, sous le regard ému du monde entier, terrassé le Pape. Et il promeut une congrégation, les Petites Sœurs des maternités catholiques, dévouée à un combat dont Jean-Paul II avait fait une cause forte : la protection de la vie.
Jérôme Cordelier, Dominique Dunglas
(Rome)
Dans la même rubrique