jeudi 29 août 2024
Les commissaires étaient là, debout, penauds l’un de deux balançant un lot de clé sous ses doigts pour se donner une certaine contenance.
C’est seulement ce jour-là que j’entendis par la lecture du juge d’instruction, le contenu du fameux tract. ça devrait être un manifeste de mécontentement des fonctionnaires provoqués par une affaire de leurs allocations familiales ; le juge s’étonna ironiquement que ce furent des prêtres qui se chargèrent de cela. Car, jamais, il n’avait encore su que les prêtres touchaient des allocations familiales. Les commissaires commencèrent, évidemment, à se fâcher, mais toujours est-il que le juge nous déclara, pour son compte, exemptés de toute culpabilité et qu’on avait tous souffert sans mériter cela. Les commissaires sortirent furieux et l’on nous remit à la maison d’arrêt. Cela allait durer jusqu’au 24 Mars 1965, 11h30.
Entre-temps l’avocat touché prouva sans peine notre innocence.
L’Ambassadeur de Suisse résident à Léopoldville, intervint assez énergiquement pour son sujet qui était le Père Robyr. Monseigneur MBEMBA continua à multiplier ses démarches.
A partir de ce jour également, il fut permis qu’on vienne nous rendre visite.
Monseigneur vint, ce fut un très grand réconfort moral. Beaucoup d’autres Pères, religieux et religieuses. Beaucoup de fidèles et d’amis viennent nous rendre visite apportant chacun quelque chose à manger. Les parents : papa, mes frères, mes belles sœurs, mes neveux et nièces viennent évidemment et obtiennent même des permissions permanentes. Un matin, on téléphona que nous sortirions ce jour-là, ce fut le mercredi, 24 mars 1965, la veille de l’Annonciation qu’eut lieu notre relâchement à 11h30 exactement. Monseigneur vint lui-même nous chercher dans sa voiture et nous conduisit à l’Évêché où il nous garda pour notre repos.
Nos compagnons d’épreuves furent aussi relaxés à la grande joie de leur famille. Babi et son compagnon y furent retenus pendant de nombreux mois encore.
Voilà ce qui m’était arrivé, il y a exactement aujourd’hui trois ans. Je me suis décidé à transcrire cela pour mon compte personnel. Je ne garde rancune contre personne. De tout mon cœur, j’ai voulu pardonner à ceux qui m’ont infligé cette injustice, en pensant au Christ pardonnant du haut de la croix, après 3 ans. Je sens cependant encore combien tout cela a opéré de coupure dans ma vie.
Oui, une nette coupure, un changement que je sens très bien en moi-même et cela sans doute jusqu’à la fin de ma vie. J’aurai pu être supprimé de cette terre, en ces circonstances, mais, voilà que j’y suis encore. Cela me fait sentir davantage combien mon existence actuelle était un don “ au carré ” du Seigneur, au point de vue physique des séquelles : diminution de sensation de mes doigts, diminution considérable de la mémoire, difficulté de regrouper les idées pour procéder d’une manière ordonnée, fatigue et malaise de la tête ; Les médecins consultés et les examens médicaux passés en Janvier 1967, à l’hôpital Grange Blanche, à Lyon, du 11 au 20 janvier 1967, n’ont rien révélé d’anormal cependant. Qu’il en soit ainsi !
Marie ma bonne mère, merci !
“In Manus tuas Domine Commando spiritum meum”
Abbé Émile Biayenda
Lyon le 9 février 1968
Chers Fils, Chère Fille,
Car en devenant Prêtre, j’ai donné totalement ma vie au CHRIST ; MON MAÎTRE. Il m’a conduit au milieu de vous pour que je sois, à son exemple, Votre Pasteur.
Jésus-Christ est venu parmi nous, non pour se faire servir, mais pour nous servir, en nous aimant jusqu’au sacrifice de la Croix.
Car en LUI, j’ai mis mon espérance et je n’ai jamais été déçu.
“J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi”. (2 Tim.4,7)
Le Sang du Christ répandu pour nous tous est le sang de la paix et de la vie. Comme mon Maître, mon sang versé est un sang de paix et de vie.
Car je te demande de porter dans ta famille, dans ton quartier, les fruits de ma mort : la paix et l’amour.
Tu respectes et vénères dignement ma dépouille mortelle. Respecte, avec plus de dignité encore, mon sacrifice et ma volonté.
Que, par la grâce de Notre Dieu, mon sacrifice sanctifie notre terre congolaise ; qu’il pacifie ton cœur blessé ; et qu’il unifie tous nos frères et nos sœurs du Congo.
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