dimanche 29 septembre 2024
La dernière partie de la prière pour la cause de béatification et de canonisation du Cardinal Émile Biayenda est aussi formulée : « … accorde à ton serviteur, le Cardinal Émile Biayenda, la grâce d’être glorifiée parmi les élus du ciel, lui qui par ses vertus et le sacrifice de sa vie, a témoigné sur terre, du véritable amour de Dieu et du prochain. Par Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen ! +. Alors, nous allons scruter l’enseignement de l’Église sur le bonheur des saints au ciel et ses implications pour les chrétiens.
Dans sa pédagogie de Mère et d’Éducatrice (Mater et Magistra), l’Église nous présente, pour l’épanouissement de notre vie chrétienne, la Toussaint comme une fête qui console et stimule notre marche vers le ciel. En ce sens que cette fête a pour toile de fond de nous faire percevoir la gloire et le bonheur dont jouissent les saints au ciel, et de fortifier notre espérance en la vie éternelle, auprès de Dieu. De ce point de vue, la question du bonheur se trouve soulignée et paraît pertinente pour les chrétiens.
De tous les chrétiens, quelque- uns ont retenu notre attention sur la question du bonheur au Ciel. Pour Saint-Augustin : « la vie heureuse, n’est-ce pas cela même que tous désirent, et que personne au monde ne se refuse à désirer ?+ (cf. confessions X.20.29. B.A. p.195). Emboîtant le pas à Augustin, Blaise Pascal affirme que l’homme « veut être heureux et ne veut être qu’heureux et ne peut pas ne pas vouloir l’être + (cf. Les pensées. 169).
Tout porte à croire que la question du bonheur est une question existentielle. Qu’en dit la Bible ?
Pour l’Ancien Testament, le bonheur est symbolisé par une longue vie, réussie, féconde en progéniture, riche en troupeaux, en vignes et figuiers (Jb 1,1-5). De fait, le livre de la Sagesse se présente comme une école de bonheur très concret : « Mon fils ne te refuse pas le bonheur présent + (Si 14,14). Seulement, pour accéder à ce bonheur, il faudrait suivre les voies divines (Ps 1,1), craindre le Seigneur (Ps 1,12), écouter la sagesse (Pr 8,34), prendre soin du pauvre (Ps 1,12) ; et exercer la justice.
En réalité, la pédagogie du bonheur évoqué dans la Bible consiste à nous ouvrir vers le bonheur éternel, c’est-à-dire, à connaître et à aimer Dieu de toute éternité. Cette expérience de la vision béatifique est interprétée par Saint Irénée de Lyon en ces termes : « il est impossible de vivre sans la vie, et il n’y a de vie que par la participation à Dieu, et cette participation à Dieu consiste à voir Dieu et à jouir de sa bonté. Les hommes verront donc Dieu afin de vivre, devenant immortels par cette vue et atteignant jusqu’à Dieu (…) car la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procure la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui vivent Dieu ! + (cf contre les hérésies N. 20.5.6.7., trad. A. Rousseau. Cerf, Paris. 1984, p. 472-474).
En clair, que signifie cette pensée d’Irénée ?
La pensée d’Irénée est explicite. Il n’est pas question pour l’homme de devenir incorruptible, immortel pour prétendre voir Dieu. Au contraire, c’est la vision de Dieu qui rend l’homme vivant. « Les hommes verront Dieu, afin de vivre, devenant immortels par cette vue + (Ibidem). Cette vision qui fait le bonheur des saints ne survient pas de l’extérieur, mais, l’homme verra Dieu dans l’autre vie, parce qu’il sera en Dieu.
En vérité, personne ne peut jouir du bonheur céleste ou contempler Dieu dans sa majesté si elle ne se trouve pas illuminée et vivifiée par Dieu lui-même. Vivant en Dieu dans l’au-delà, l’homme est rendu immortel, éternel et participe par le fait même à la splendeur de Dieu : « Car de même que ceux qui vivent la lumière sont dans la lumière et participent à sa splendeur, de même ceux qui voient Dieu sont en Dieu et participent à sa splendeur. Or, vivifiante est la splendeur de Dieu. Ils auront donc part à la vie, ceux qui voient Dieu + (Ibidem) ; il en découle que la question du bonheur, plus qu’une question terrestre, elle débouche sur le sens spirituel et l’enjeu éternel de notre existence, une existence que les Saints prolongent au ciel dans le bonheur éternel ; il en sera de même pour Biayenda.
Quand le Seigneur aura accordé à son serviteur le Cardinal Émile Biayenda, la grâce d’être glorifié parmi ses élus du ciel, Lui qui, par ses vertus et le sacrifice de sa vie, a témoigné sur terre du véritable amour de Dieu et du prochain ; voici ce que seront la joie et la mission du bon cardinal Émile Biayenda au ciel.
Aussi vrai que notre cœur est inquiet, tant qu’il ne repose en Dieu, dit Saint Augustin dans les confessions, il n’en demeure pas moins que Dieu est notre vrai et définitif bonheur. « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est inquiet tant qu’il ne repose en toi+ (cf confessions 1.1.1. B.A. 13, p. 273). Ce bonheur qui prend source en Dieu, c’est ce que les saints expriment au ciel, c’est ce que notre cher et bon Cardinal Émile Biayenda vivra au Ciel, dès qu’il sera béatifié et canonisé par l’Église militante. A cette fin, le bonheur de notre futur élu du Ciel sera triple. Biayenda sera heureux au ciel, d’abord par son propre bonheur d’avoir parcouru le chemin de la vie jusqu’à son aboutissement au martyre ; ensuite par la vision plénière qu’il aura de Dieu, enfin, il sera heureux du bonheur des autres.
Il sied de noter aussi que les saints font la joie au Ciel, du fait du bonheur de Dieu lui-même. Et si tant est que les saints sont les témoins fidèles de Dieu, à l’heure de leur passage de ce monde au Père jusqu’à leur demeure éternelle au Ciel, cela signifie que l’idéal de la sainteté exprimé par Jésus dans le Sermon sur la Montagne concerne tous les membres de l’Église. C’est donc à tout enfant de Dieu que Jésus dit : « soyez parfait comme votre Père céleste est parfait + (Mt 5,48).
Suivre l’exemple du bon Cardinal Émile Biayenda, dans la pratique des vertus, nous le devons et nous le pouvons, car notre futur élu du Ciel a vécu sur terre dans les mêmes conditions spatio-temporelles que vous. A nous tous d’implorer la grâce de la pratique des béatitudes, comme les Saints de notre planète.
Les béatitudes (Mt 5,48) nous montrent le chemin du bonheur dont jouissent les saints et nous exhortent à la sainteté. Selon le Christ, les Saints ce sont les doux, les humbles, les affligés, les miséricordieux, les pauvres et les persécutés.
L’idéal de la sainteté exprimé par les béatitudes ne met pas à l’abri de la souffrance. Cependant, ce n’est pas n’importe quel état pénible qui est béatifié, mais la persécution rencontrée dans une vie fidèle à Jésus-Christ, à cause de la justice. De ce point de vue, « la foi dans la vie éternelle ne rend pas la vie terrestre insignifiante. Bien au contraire : ce n’est que si la mesure de notre vie est l’éternité, que notre vie sur terre est grande elle aussi, et qu’elle possède une valeur immense + (cf J. Ratzinger, « La nouvelle évangélisation +, 19 décembre 2000. ORF nÝ s1, p.4).
A l’instar des Saints, appliquons-nous à imiter Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu et à pratiquer toutes les vertus chrétiennes qu’il nous a enseignées, tant par ses exemples que par ses paroles : l’humilité, la douceur, la patience, la charité, la pureté, la modestie. Ces vertus en un mot qu’il préconise dans les béatitudes.
Alors, la Toussaint, fête de l’espérance est à replacer dans la dynamique du mystère du salut : le mystère du Christ mort, ressuscité pour tous les hommes et le mystère de l’Église qu’est le mystère du rassemblement des rachetés dans le Royaume. Jésus a donc accompli toutes les aspirations de l’homme au bonheur, mais selon une vie paradoxale, celle des béatitudes. Et, celui qui la refuse connaît le véritable malheur.
Au contraire, celui qui met le Christ au cœur de sa vie, qui l’écoute et qui demeure vigilant, est appelé à participer aux noces de l’Agneau dans la cité céleste : « Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur + (Ap.14,13). Les Saints comprennent que le véritable bonheur, ce ne sont pas les dons de Dieu, mais c’est Dieu lui-même qu’ils voient face à face. Puisse le Seigneur accroître notre espérance en la gloire des saints et nous donner de saisir à la suite des Saints et des ancêtres bienheureux que la vie nous est donnée pour chercher Dieu, la mort pour le trouver et l’éternité pour le posséder.
Abbé Séraphin Koualou-Kibangou,
sur notes de l’Abbé Nazaire Mabanza
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