lundi 17 mars 2025
Mgr Anatole Milandou, Archevêque de Brazzaville à la messe chrismale
Après avoir célébré avec beaucoup d’enthousiasme et de ferveur les 40 ans de la mort du Cardinal Émile BIAYENDA, nous voici réunis de nouveau pour répondre à notre devoir annuel de la Messe Chrismale, messe au cours de laquelle nous allons renouveler nos engagements sacerdotaux et au cours de laquelle je vais aussi bénir les huiles qui vont servir aux différentes fonctions liturgiques qui les requièrent, au cours de cette année.
Plus qu’un devoir, nous sommes rassemblés pour prier et pour confier à Dieu nos personnes, nos soucis, nos joies et tous ceux qui comptent sur nos prières, en dépit de nos limites.
J’aimerais, pour cette Année 2017, insister pour ce Jeudi Saint sur cette belle et exaltante affirmation de l’extrait du Livre du prophète Isaïe que nous venons d’entendre :
« Qui les verra pourra reconnaître la descendance bénie du Seigneur ».
Il s’agit de ceux qui sont appelés « Prêtres du Seigneur », « Servants de notre Dieu ».
En affirmant : « Qui les verra pourra reconnaître la descendance bénie du Seigneur », nous nous rendons bien compte que ceux qui sont ordonnés prêtres sont invités à un témoignage de vie qui renvoie à la bénédiction divine dont ils sont les authentiques et réels porteurs. Il n’est pas question de se lancer dans des démonstrations de vérité, de cohérence, de fraternité et j’en passe. Mais, il est particulièrement important, pour les prêtres, d’être remarquables par leur être et leur agir. C’est une découverte spirituelle entraînante et enrichissante qui doit être faite par ceux qui s’approchent d’eux ou qui répondent à leur appel en tant que pasteurs.
J’ai rappelé tout à l’heure que nous avons célébré les 40 ans de la mort du Cardinal Émile BIAYENDA. C’est une figure emblématique de notre Église Catholique qui est au Congo. Mieux, c’est un modèle de prêtre, à l’instar du Curé d’Ars, qu’il nous faut imiter dans la fidélité, dans la cohérence, dans l’obéissance, dans l’humilité et dans la promptitude à faire le bien. Nous avons entendu les témoignages éloquents sur sa vie, sa spiritualité qui a été beaucoup inspirée par celle de Saint Jean-Marie VIANNEY, le Curé d’Ars. Mgr Pascal ROLAND, Évêque de Belley-Ars, n’a pas hésité à relayer, dans son homélie prononcée le 22 Mars dernier, cette question combien éloquente et significative : « N’a-t-on pas affirmé qu’Émile Biayenda était ‘le curé d’Ars Africain ?’ Ce n’est pas, poursuit-il, par hasard que sur le sous-main placé sur le bureau du Cardinal Émile Biayenda se trouve une image du saint curé d’Ars ! Il est évident que saint Jean Marie Vianney a constitué un modèle, un idéal, pour Émile Biayenda ; et qu’il existe donc une sorte de filiation spirituelle entre ces deux ministres du Christ ».
Si rappelons-nous ce que je vous ai dit le 22 mars dernier. Si c’est pour un simple prestige que nous voulons avoir un saint en Biayenda, alors nous sommes à côté de la plaque. Si nous avons un Saint, c’est pour que nous, surtout les prêtres, que nous nous mettions à l’imiter, à imiter ses vertus comme lui il a cherché à imiter le Curé d’Ars.
En ce jour où nous nous apprêtons à renouveler nos promesses sacerdotales, il n’est pas superflu de revenir sur ce que doit être l’ossature de notre identité sacerdotale ou de notre témoignage de vie en tant que prêtres, sur notre engagement à paître le troupeau de Dieu ou son Peuple. Chaque année, j’ai pris l’habitude de nous rappeler l’un ou l’autre aspect de notre identité sacerdotale.
Aujourd’hui, comme je viens de l’énoncer explicitement, je n’aimerais pas donner une définition de l’identité du prêtre. Mais, j’aimerais surtout insister sur le témoignage que le prêtre est appelé à donner en tant que « alter Christus » (un autre Christ, dans le sens d’être oint) non seulement dans la célébration eucharistique, mais aussi et surtout dans sa vie de tous les jours.
C’est pourquoi il nous faut donner un contenu à ce témoignage. Ce contenu n’est pas à chercher ailleurs que dans les textes liturgiques qui ont été soumis à notre méditation. Pour être de la descendance bénie du Seigneur, le prêtre doit se reconnaître dans les actions suivantes :
- Annoncer la bonne nouvelle aux humbles ;
- Guérir ceux qui ont le cœur brisé ;
- Proclamer aux captifs la délivrance, aux prisonniers leur libération ;
- Proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ;
- Consoler tous ceux qui sont en deuil.
Fort d’un tel contenu, le prêtre est simplement invité à se laisser guider par l’Esprit de Dieu, à se mettre à l’écoute et à la mise à exécution de la Parole de Dieu. Le reste pourra aisément suivre.
C’est l’occasion de nous rappeler avant tout l’importance de la préparation et du soin à prendre pour célébrer la messe. Beaucoup d’entre nous semblent s’éloigner de ce qu’il faut observer dans la célébration de la très Sainte Eucharistique. Nous n’avons pas le droit de bâcler la célébration eucharistique. Il importe de vivre l’Eucharistie lorsqu’on la célèbre. Le Saint Pape Jean-Paul l’a affirmé avec netteté lorsqu’il révèle que « l’Église vit de l’Eucharistie » (titre de l’une de ses dernières Lettres encycliques, sinon la dernière).
Pour sa part, Le Pape François, dans le premier document de son Pontificat, document qui fait écho au Synode sur la nouvelle évangélisation, affirme, par exemple pour l’homélie, ce qui suit : « La préparation de la prédication est une tâche si importante qu’il convient d’y consacrer un temps prolongé d’étude, de prière, de réflexion et de créativité pastorale... Certains curés soutiennent souvent que cela n’est pas possible en raison de la multitude des tâches qu’ils doivent remplir ; cependant, j’ose demander que chaque semaine, un temps personnel et communautaire suffisamment prolongé soit consacré à cette tâche, même s’il faut donner moins de temps à d’autres engagements, même importants... Un prédicateur qui ne se prépare pas n’est pas ‘spirituel’, il est malhonnête et irresponsable envers les dons qu’il a reçus ». (Pape François, Evangelii gaudium (la joie de l’Évangile), n°145)
Au verbe voir, il faudrait donc ajouter le verbe écouter, en ce sens que « qui les écoutera pourra reconnaître la descendance bénie du Seigneur » pour paraphraser Isaïe.
La bénédiction du Seigneur que le prêtre est censé refléter et transmettre, mérite respect de sa part et délicatesse dans la vie qu’il mène et dans les mots qu’il prononce. Aussi, le prêtre est-il cette personne qui vise l’excellence dans la mesure du possible, non pas en comptant seulement sur ses propres efforts, mais aussi en laissant une place de choix à la prière. Celle-ci est un moment privilégié où le prêtre, seul ou en communauté, fait l’expérience de l’intimité divine en s’abandonnant entre les mains de Celui qui l’a appelé à Son service. Car, à la suite du Christ, en plus du contenu que révèle Isaïe dans la première lecture écoutée et, en plus, de la reprise du même contenu par Saint Luc dans l’Évangile entendu, il y a une dimension importante de la mise à part du prêtre qu’il faut mettre en relief : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ».
En effet, le prêtre est ordonné par l’imposition des mains et la prière consécratoire, complétée par l’onction du Saint Chrême, Chrême qui sera béni tout à l’heure pour devenir « Saint Chrême ». Cette consécration doit être protégée par une vie saine, sainte et pieuse, une vie de témoignage à la hauteur de l’appel reçu et répondant aux exigences de l’identité et de la mission du prêtre.
Puisse le Seigneur Jésus-Christ nous aider à dire fructueusement et dignement cette antienne, qui est l’antienne d’ouverture à cette messe : « À celui qui nous aime, Jésus Christ, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père : à lui, gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen » (Apocalypse 1, 6)
Monseigneur Anatole MILANDOU, Archevêque de Brazzaville
Homélie du Jeudi Saint 2017 : Messe Chrismale
(Cathédrale Sacré Cœur, le 13 Avril 2017)
Dans la même rubrique