Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

45ème anniversaire de la mort d’un père : Monseigneur Théophile Mbemba

L’Église Catholique du Congo en général et l’Archidiocèse de Brazzaville en particulier, célèbre les 45 ans de la mort de son premier archevêque, Mgr Théophile Mbemba, décédé le 14 juin 1971. La vraie façon de rester fidèle à la mémoire de ce pasteur, est de prendre une ferme résolution et de rester fidèles à tout ce qu’il nous a enseigné, notamment, le respect du sacré, de la famille et particulièrement des veuves et des orphelins. Comment son successeur, Mgr Émile Biayenda a-t-il vécu cette dure épreuve ?

L’obéissance est une vertu qui n’a jamais perdu sa place dans la vie de Monseigneur Biayenda ; il quitte Brazzaville, prend le repas de midi à Mindouli et atteint la paroisse St Théophile de Kindamba, à 17 heures. La joie de l’accueil et l’instruction des confirmands allègent son fardeau de pensées tendues vers le cher Ya Mbemba, malade. Est-ce pour longtemps ? Il ne le peut : les 285 confirmations finies, ce dimanche 13 juin, après le repas, il faut repartir pour Brazzaville. Il passe la nuit à Mindouli, n’ayant pas d’autres nouvelles de Brazzaville.

Mgr Théophile Mbemba Le lundi matin14 juin, alors qu’il a fini de célébrer la messe et se tient encore devant le Saint-Sacrement pour l’action de grâce, on vient lui annoncer le décès de Monseigneur Théophile Mbemba, survenu à 5h du matin. Tout va aller très vite : « Sans plus rien demander, nous précipitons, en pleurs, le départ pour Brazzaville… A Kinkala, nous prenons une tasse de café à la mission et continuons notre chemin pour arriver à l’évêché vers 11h. Le corps de notre vénéré frère a été lavé et habillé en habits épiscopaux et déposé encore à la sacristie. J’arrive, je l’embrasse et nous pénétrons dans le chœur de la Cathédrale archicomble de monde en prière et bientôt en sanglots. Monseigneur sera ainsi, jusqu’à minuit où nous procéderons à la mise en bière…La veillée priante et émouvante continuera toute la nuit. La messe des funérailles aura lieu demain, à 15heures, sur la place de l’Archevêché. Yaya bien aimé, reposez en paix ! ».

Les trois premières pages de l’hebdomadaire « La Semaine » seront consacrées à ce deuil, avec des titres comme : «  La mort d’un père, Monseigneur Mbemba, archevêque de Brazzaville » ; « Brazzaville fait d’émouvantes funérailles à son archevêque défunt, Mgr Théophile Mbemba » ; « Une vie exemplaire ». Plus de vingt mille personnes assistent à la messe des funérailles.

Le Gouvernement de la République Populaire du Congo était représenté par Me Aloys Moudileno-Massengo, ministre de la Justice et de l’Information. C’est M. le Ministre qui lit le message du Président de la République du Congo et décore, à titre posthume, Mgr Théophile Mbemba, le faisant « Commandeur du mérite congolais ». Dans son message, le Commandant Marien Ngouabi a souligné le sens de la dignité et de la responsabilité du défunt ; mais plus son esprit conciliateur entre l’Église et l’État : « Il s’en va, dit-il, en laissant derrière lui aucun fossé entre son Église et l’État ». Plusieurs pays amis du Congo étaient représentés à la cérémonie par leurs Ambassadeurs.

Entouraient Mgr Biayenda, Coadjuteur de Mgr Mbemba et maintenant nouvel Archevêque de Brazzaville : S. E. le Cardinal Malula, de Kinshasa, Mgr Tagliaferri, Délégué Apostolique, Mgr Ndayen, Archevêque de Bangui, Mgr Fauret, Évêque de Pointe-Noire, Mgr Ndudi, Évêque de Boma (Congo-Kinshasa), de Mgr Moké, Coadjuteur de Kinshasa et de M. l’Abbé Singha, Administrateur du diocèse de Fort-Rousset. Toutes les autres confessions religieuses du Congo étaient représentées par leurs chefs respectifs… ». L’oraison funèbre est prononcée par le Père Jean Morizur, un des deux Vicaires Généraux de l’Archevêque décédé : « Cher Monseigneur Mbemba, nous nous consolons aujourd’hui dans l’espérance chrétienne, l’espérance que vos pauvres yeux humains devenus presque aveugles, qui supportaient mal le soleil et la lumière de cette terre, se sont ouverts sur la vision éblouissante de Dieu. Les élus verront sa face, nous dit l’Apocalypse, il n’y aura plus de nuit, ils n’auront plus besoin de la lumière d’un flambeau, ni de celle du soleil, car le Seigneur Dieu luira sur eux…  ». Monseigneur Biayenda a adressé les remerciements à tous ceux qui ont tenu à rendre hommage à l’Archevêque défunt, en prenant part, de près ou de loin, au deuil de l’Église de Brazzaville. Après l’absoute donnée par le Délégué Apostolique, le cortège s’est ébranlé pour conduire la dépouille de Mgr Mbemba dans sa Cathédrale, à l’intérieur de laquelle il reposera désormais dans un caveau aménagé près de la porte principale. La conclusion du message de condoléances du Pape Paul VI, lu par Mgr Tagliaferri, Délégué Apostolique, convient au moment de la dispersion de la foule des fidèles. Il est écrit : « …La vraie façon de rester fidèle à la mémoire de Mgr Mbemba, c’est de repartir chez vous avec la ferme résolution de rester fidèles à tout ce qu’il vous a enseigné, dans l’union entre vous tous et autour de celui qui prend maintenant la lourde tâche de pasteur de vos âmes, Mgr Biayenda, et qui a été formé par Mgr Mbemba lui-même ». La mort de Mgr Théophile Mbemba connaît un large retentissement dans les milieux chrétiens africains et européens, en fraternelle collaboration avec l’Église du Congo. La rédaction de LA SEMAINE dut en parler encore dans deux autres de ses parutions, pour donner à ses lecteurs l’occasion d’apprécier le nombre et la teneur des messages et témoignages reçus par l’Archevêché sur la mémoire de l’illustre disparu.

Mgr Théophile Mbemba

Celui auquel Monseigneur Biayenda va désormais succéder peut être considéré comme son prédécesseur, non seulement dans la prêtrise et l’épiscopat, mais aussi sur les chemins de la sainteté. Né le 6 mai 1917, au village Mpiaka (Brazzaville) de Joseph Bounkazi et de Marie Malounga ; septième d’une fratrie de neuf enfants dont six garçons et trois filles, tous, aujourd’hui chrétiennement décédés. Baptisé en 1925, à la Mission de Kindamba (la même que Biayenda Émile), scolarisé en 1927, à l’école Jeanne d’Arc de Brazzaville où éclot sa vocation.

En 1930, il est admis au Petit Séminaire de Brazzaville, dans une promotion de neuf postulants dont deux parviendront au sacerdoce. Il fait ses études secondaires au Cameroun, au Séminaire d’Akono, en 1934, puis au Grand Séminaire de Yaoundé à partir de 1936. De 1939 à 1945, il est au Séminaire St Jean de Libreville. Il est ordonné prêtre le 9 juin 1946, à Brazzaville ; il enseigne au Petit Séminaire St Paul de Mbamou, pendant une année, puis il est vicaire à la paroisse St Joseph de Linzolo, de 1947 à 1949, avant d’aller contribuer au développement de la mission Notre-Dame Auxiliatrice de Voka, de 1949 à 1956. La même année, il est affecté comme Curé de la paroisse Notre-Dame du Rosaire de Bacongo, à Brazzaville. Curé doyen du territoire de la sous-préfecture de Brazzaville, en 1958, Vicaire Général en 1960 et responsable de la fraternité du District de Brazzaville et de l’Union Sacerdotale.

Le 3 décembre 1961, le Congo apprend avec joie qu’il a son premier évêque congolais. L’Abbé Théophile Mbemba est nommé Coadjuteur de l’Archevêque de Brazzaville. Il est sacré le 11 février 1962, à Brazzaville par Mgr Michel Bernard, accompagné de Mgr Mongo (de Douala) et Mgr Nzila (de Matadi), au cours d’une inoubliable cérémonie dans le stade Éboué. Sa devise épiscopale est à l’honneur de la Vierge Marie : « Esto Mater Propitia , Tu es la Mère Propice, qui vole en avant ».

Deux ans plus tard, le 24 juin 1964, Mgr Bernard ayant vu sa démission acceptée, Monseigneur Mbemba est nommé par le Pape, Archevêque de Brazzaville. Il sera intronisé solennellement par le Délégué Apostolique Mgr Belotti, le 7 février 1965.
Monseigneur Théophile Mbemba très marqué par les orientations du Concile Vatican II, fonde deux congrégations religieuses : celle des Frères de Saint-Joseph, et celle des Religieuses Congolaises de Notre-Dame du Rosaire. Comme archevêque, il a adressé à ses chrétiens plusieurs lettres pastorales, dont celle de 1970 pour inviter les fidèles à travailler au développement de leur pays, et celle du 27 février 1971, intitulé : « Devant les conditions inhumaines de la veuve dans notre société, il est coupable de se taire ». La protestation et les solutions proposées se fondent sur un principe évangélique qu’il énonce dès les premières lignes du document : «  En ce temps de Carême, regardons en face, en toute objectivité et loyauté, la veuve de chez nous. Si nous affirmons que : « Tout homme est mon frère », nous nous engageons par le fait même à améliorer la situation de la veuve frustrée, hélas, de ses droits les plus légitimes ». Il meurt donc le 14 juin 1971, vingt cinq ans et cinq jours après son ordination sacerdotale.

Après son inhumation, la rédaction de l’hebdomadaire catholique de Brazzaville « LA SEMAINE » déclare : « Comme archevêque, Monseigneur Mbemba était resté l’homme simple qu’il avait été comme curé de paroisse ou vicaire de campagne ; il ne s’est jamais posé en tribun, ni en prophète ; il n’a jamais voulu jouer au grand homme…Et pourtant, chacun ressentait que malgré sa simplicité et sa bonhomie, il était le chef, le vieux chef respecté parce que plein de sagesse, de clairvoyante fermeté et de discrète mais indiscutable autorité. Et surtout, qu’il était le père d’une immense famille, avec bonté et compréhension, sachant parler mais aussi se taire et accepter, en silence, la peine que pouvaient lui faire ses enfants ; parce que, pour donner une dimension nouvelle à ses sentiments humains, il avait, profonde, la chaleureuse tendresse de son cœur de prêtre ». Avait-il trouvé en Monseigneur Émile Biayenda un digne semblable et successeur ? La réponse affirmative coule de source : il le voulait son successeur ou plus, et avec quelle intuition prophétique ! Pour les deux serviteurs de Dieu, il est permis de chanter : « Exaltavit Humiles », Il a élevé les humbles !

 

Abbé Albert NKOUMBOU

 

 


 
 
 
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