dimanche 24 novembre 2024
Mgr Anatole Milandou, Archevêque Métropolitain de Brazzaville
Durant cette nouvelle année pastorale, l’Archidiocèse de Brazzaville va consacrer sa réflexion sur le thème « Famille, vis et annonces la miséricorde », conformément à l’appel du Saint Père, le Pape François, qui invite l’humanité entière à la Seigneurie miséricordieuse du Christ. A ce sujet, nous avons estimé utile d’aborder l’Archevêque de Brazzaville, Mgr Anatole Milandou, pour éclairer la lanterne de l’opinion sur ce thème qui concerne également les autres diocèses du monde entier.
La Mémoire Biayenda : Excellence Mgr l’Archevêque, l’église particulière de Brazzaville comme des autres diocèses du monde entier va porter sa réflexion durant cette nouvelle année pastorale sur le thème : « Famille, vis et annonces la miséricorde ». Qu’est-ce cela veut dire ?
Mgr Anatole Milandou : « Famille, vis et annonces la miséricorde », c’est le thème que se propose de vivre notre Archidiocèse de Brazzaville au cours de cette Année pastorale. Nous répondons ainsi à l’appel du Saint Père, le Pape François, qui invite toute l’Église, l’humanité entière et tout le cosmos, à la Seigneurie miséricordieuse du Christ qui étend son amour telle la rosée matinale, pour féconder notre histoire à construire au moyen de l’engagement de tous et au service de notre proche avenir. C’est d’ailleurs le vibrant appel que lançait le Pape Émérite Benoit XVI au début de son Exhortation Apostolique post-synodale Africae Munus : « L’engagement de l’Afrique pour le Seigneur Jésus-Christ est un trésor précieux que je confie, en ce début de troisième millénaire, aux Évêques, aux prêtres, aux diacres permanents, aux personnes consacrées, aux catéchistes et aux laïcs de ce cher continent et des îles voisines. Elle l’invite à vivre, au nom de Jésus, la réconciliation entre les personnes et les communautés, et à promouvoir pour tous la paix et la justice dans la vérité ».
La M.B. : Donc, nous pouvons considérer cette année comme une année jubilaire ?
Mgr A. M. : Bien sûr, cette année est donc un Jubilé, c’est-à-dire une année de grâces et les paroles du Lévitique résonnent fortement dans nos cœurs : « Le jubilé sera pour vous une chose sainte… » (Lv 25, 12a). Nous sommes d’ores et déjà invités à profiter pleinement de ces grâces pour nous-mêmes, pour nos proches, pour notre Église, pour notre Église et pour notre société, et surtout pour notre pays qui se trouve aujourd’hui à un grand carrefour de son histoire.
La M.B. : Revenons un instant sur les grandes décisions de la dernière assemblée des Évêques ?
Mgr A. M. : Au Vatican la deuxième Assemblée du Synode des Évêques a eu lieu du 5 au 25 octobre 2015, un synode sur la Famille. Si le Pape François a consacré deux Assemblées synodales à la Famille, c’est parce que celle-ci est la base, la fondation même de toute société. Aucune société ne peut se passer des familles qui la composent. Il est évident de reconnaitre et d’affirmer clairement que la société est le reflet des familles qui la composent. La famille chrétienne, nous ne le dirons jamais assez, est bénie et voulue par Dieu, à l’instar de la Sainte Famille composée de Jésus, Marie et Joseph. Elle est cette cellule de base qui réunit autour du père, de la mère et des enfants.
La M.B. : Pourquoi avoir consacré deux assemblées sur le même thème de la famille ?
Mgr A. M. : En réalité, avec des familles unies, solides et respectueuses de la dignité et de l’éducation des enfants, on ne devrait pas avoir des enfants qui traînent dans la rue, exposés à tous les dangers possibles. L’Église, la Société, l’État et les autres entités soucieuses de la dignité de la personne humaine devraient agir ensemble pour soutenir et encourager les familles à tenir bon dans leur mission de formation et d’éducation des enfants. C’est alors qu’il est possible d’entrevoir l’horizon du développement d’une Nation, de l’épanouissement d’une Église et de la prise en compte de la famille. L’homme est la route de l’Église affirme le Magistère universel. Autrement dit, l’homme constitue la préoccupation fondamentale de l’Église. Tout ce que fait l’Église est pour le salut de l’homme et pour la plus grande gloire de Dieu. C’est cet Homme qui est appelé à fonder la famille. D’où la nécessité de prendre toutes les précautions possibles pour le préparer à assumer cette noble et exaltante mission de constituer la famille.
La M.B. : Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir est votre parole de vie en tant qu’évêque. Pourquoi aimez-vous le rappeler chaque fois que vous présidez une ordination sacerdotale ?
Mgr A. M. : Vous êtes très attentif, de mes homélies d’ordination. Vous percevez très bien, je l’estime, la profondeur des conseils de notre Seigneur Jésus-Christ que j’aime prodiguer aux ordinands : « … Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
C’est la clé du ministère qu’ils reçoivent et la clé de notre action pastorale. Le Seigneur nous livre les caractères des vrais serviteurs de Dieu.
En devenant des serviteurs par l’ordination tant diaconale que presbytérale, les ordinands exerceront une charge importante au sein de l’Église et on ne peut pas l’accomplir sans consistance spirituelle. Car en recevant le don de l’Esprit Saint qui leur fortifie, ils apportent habilement de l’aide à l’évêque et à son presbyterium, dans le ministère de la Parole et de la charité, en leur montrant serviteurs de tous.
La M.B. : Quelles sont les qualités que vous attendez des prêtres ?
Mgr A. M. : En leur qualité de ministre de l’autel, ils proclament l’Évangile, préparent le sacrifice eucharistique et distribuent aux fidèles le Corps et le Sang du Seigneur. Dans leur ministère de prêtre, il leur revient tâcherez de faire montre de grandes qualités morales : graves, non doubles en paroles, sobres, non avides d’un gain honteux, gardant dans une conscience pure, le mystère de la foi, c’est-à-dire de la doctrine et de la vérité chrétiennes mises en lumière par la mort et la résurrection de Christ. Cela exige une vie près de Dieu, un reflet de la personne de Christ qui feront d’eux de véritables témoins, des apôtres de la charité et donc une bénédiction pour le Peuple de Dieu vers qui ils sont envoyés. Le prêtre exerce son ministère dans le célibat : il est à fois, selon les termes de la Célébration des Sacrements de Pierre Jounel, signe et aiguillon de la charité pastorale et source de fécondité dans le monde. Il leur faudra alors se montrer purs et sans reproche devant Dieu et les hommes. Enfin, ils doivent être miséricordieux comme le Père.
La M.B. : Père évêque, dites-nous un mot sur l’Année de la Miséricorde que l’Église Catholique vient de décréter ?
Mgr A. M. : Le 8 décembre dernier, a été le point de départ de l’Année de la Miséricorde. C’est le Pape qui l’a inauguré. Pour cela, un accent particulier devra mis sur ce qu’est le pardon, la réconciliation, en un mot la Miséricorde. Parlant de notre pays, pour lequel j’ai affirmé tout à l’heure qu’il est au carrefour de son histoire, je réitère ma volonté de voir les différents acteurs politiques, ceux de la société civile, et tous les hommes ainsi que toutes les femmes de bonne volonté, à favoriser le dialogue, l’écoute mutuelle pour arriver à des solutions concertées. La violence, qu’elle soit verbale ou physique, n’a jamais résolu les problèmes. Bien au contraire ! Elle en rajoute toujours.
En ma qualité d’Archevêque de Brazzaville, donc Pasteur du Peuple de Dieu confié à moi par le Saint Père, je renouvelle ma confiance en ceux qui sont porteurs de la paix, de la concorde nationale, de la soif de justice pour mettre en relief le Bien commun et savoir tuer en eux les intérêts égoïstes.
Voilà pourquoi, en cette Année de la Miséricorde qui a débuté le 8 Décembre 2015 et qui prendra fin le 20 Novembre 2016, que nous, Congolais, nous en profitions en montrant à la face du monde que notre pays a été définitivement consacré à Dieu et remis entre ses mains. Tenant compte du climat qui prévaut dans le pays, je me sens dans l’obligation de réitérer mon appel du 31 Décembre 2014, lors de notre échange de vœux dans la cathédrale. Je cite : « Comme nous le comprenons bien, c’est donc un droit pour moi de vous inviter, à compter de cette fin d’année 2014 et à l’orée de l’année 2015, à prier pour nous-mêmes et pour notre pays, afin que la paix retrouvée soit renforcée et maintenue. Que tous les efforts qui concourent à l’amélioration de nos conditions de vie et de travail, ne soient pas anéantis au profit des intérêts égoïstes et inavoués ».
La M.B. : La paix, le dialogue et la prière, donnez-nous le sens de ces trois mots clés que vous aimez citer tant ?
Mgr A. M. : Pour moi, La paix, le dialogue et la prière, je les résume en ces trois points :
L’histoire nous enseigne les différentes périodes pendant lesquelles la paix a été mise à mal, à cause de notre enfermement sur soi et à cause des choix que nous n’avons pas su assumer. Je ne voudrais pas revenir sur ce qui est mauvais, mais j’aimerais simplement inviter tout le monde à la promotion et au maintien du climat de paix. Nous sommes heureux d’en savourer les retombées, dans la mesure où les déplacements et la vie tout court témoignent merveilleusement que, avec la paix, tout est bien.
« Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il n’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois manifestement différent du monologue. Le dialogue suppose deux ou plusieurs parties en présence, capables de s’écouter et d’avancer.
Quelles que soient les convictions et les argumentations que l’on peut avoir, le cœur de l’homme est capable de beaucoup de bien et d’ouverture pour bien orienter les choix qui concourent au bien de tous et au bon sens.
La paix et le dialogue appellent, à leur tour, une troisième dimension que toute société ne peut ignorer : le soutien qu’apporte la prière.
« La paix sur la terre, objet du profond désir de l’humanité de tous les temps, ne peut se fonder ni s’affermir que dans le respect absolu de l’ordre établi par Dieu » (Jean XXIII, Pacem in terris, n°1).
Cette affirmation du Pape révèle clairement que rien ne peut se faire sans le concours de Dieu. Or, pour nous chrétiens, le lieu ou le moment durant lequel nous faisons concrètement l’expérience de la présence divine dans notre vie, est celui de la prière.
Nous allons davantage prier pour renforcer, entretenir la paix chèrement acquise. Nous verrons concrètement les modalités pratiques de cette prière permanente à laquelle j’invite tout le
« Tenez-vous donc debout, avec la vérité pour ceinture, la justice pour cuirasse, et pour chaussures le zèle à propager l’évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit » (Éphésiens 6, 14-18).
La M.B. : Père évêque, une courte prière pour la chrétienté et le Congo notre pays avant de clore notre interview .
Mgr A. M. : « Que la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Verbe de Dieu et Notre-Dame d’Afrique, Notre Dame de la Miséricorde, continue d’accompagner toute l’Église par son intercession et ses invitations à faire tout ce que nous dira son Fils ! (cf. Jn 2, 5) Que le Seigneur bénisse le Congo et que nous prenions toujours conscience d’être fils et filles d’un même Dieu ».
« Famille, vis et annonces la miséricorde ! »
Amen.
Propos transcrits
par G. Yengo Diatsana
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