Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

ET SI LE PAPE FRANÇOIS FAISAIT UNE ESCALE À BRAZZAVILLE COMME JEAN PAUL II EN 1980 !

Voyage papale en RCA, en Ouganda au Kenya

Le pape François se rendra en Afrique du 27 au 29 novembre 2015. Selon l’Agence France Presse (AFP), le souverain pontife a confié à des journalistes dans l’avion qui le ramenait au Saint Siège (Vatican), après une semaine de tournée en Asie, qu’il visitera ces deux pays, avant la fin de l’année.

Il s’agira du premier voyage du pape François en Afrique. Les pays con cernés par ce périple sont la République centrafricaine et l’Ouganda. C’est ce que rapporte le site Internet de la Préfecture de la Maison pontificale MEDIA.

Le pontife argentin avait déjà évoqué plusieurs fois ces derniers mois un projet de voyage en Afrique au mois de novembre. Il avait cité l’Ouganda et la Centrafrique. « Si Dieu le veut, je serai en Afrique en novembre, en République Centrafricaine, puis en Ouganda », a-t-il dit le 12 juin 2015 devant des milliers de prêtres du monde entier, réunis dans la Basilique Saint-Jean du Latran à Rome. Il avait aussi ajouté son souhait de faire étape au Kenya. « En Centrafrique, le voyage aura lieu avant la fin de la transition et en Ouganda, à l’occasion du 50e anniversaire de la canonisation de 22 jeunes martyrs par Paul VI en 1964. C’était le premier déplacement d’un pontife en Afrique », avait-il précisé.

Le Pape François fera-t-il comme Jean Paul II ?

Le Pape François à la descente d’un avion

En 1980, celui-ci n’avait programmé son séjour qu’au Zaïre. Mais, il avait dû passer quelques heures à Brazzaville avec le peuple de Dieu de cette ville et se recueillir sur la tombe du bon Cardinal Emile Biayenda. C’est pourquoi, la journée du 5 mai 1980, reste inoubliable pour la chrétienté du Congo-Brazzaville. Dans cette parution, nous essayons de relater aux jeunes les grands moments de cette date historique.

En rappel, la nouvelle marquant l’arrivée du Pape Jean Paul II à Brazzaville avait été donnée officiellement le 26 mars 1980, donc 38 jours avant l’évènement. La circulaire de l’Archevêque de Brazzaville, Mgr Barthélemy Batantu datée du 9 avril 1980, le témoigne.

Elle invitait les diocésains à nettoyer leurs paroisses comme si le Pape devait les visiter toutes. Le même amendement demandait aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté de rassembler les fonds nécessaires pour couvrir les frais occasionnés par cet accueil et à célébrer un triduum de prière « pour préparer spirituellement cette venue du Vicaire du Christ chez nous et pour implorer le Seigneur de lui accorder toutes les grâces nécessaires à sa charge pastorale, et au peuple Congolais ainsi qu’à l’Afrique, la grâce du pardon et de la paix ».

Le 4 mai 1980, tout le Congo était prêt.

Brazzaville avait veillé comme une fiancée qui se marie le lendemain. Le 5 mai 1980, dès les premières heures de la matinée, la ville était debout. Elle bougeait. On le sentait à travers les pas pressés, les appels de taxis et la présence des pèlerins le long des artères que devait emprunter le cortège du Saint Père.

L’accueil du Pape

Le jour J, le Peuple de Dieu aperçut de loin, sur le fleuve Congo, le bateau « LIRANGA », à bord duquel l’hôte illustre arrivait. Pendant les vingt-cinq minutes de traversée, l’ambiance devint de plus en plus fébrile. Le service d’ordre s’employa à contenir les premières bousculades au beach Fima. Le Chef de l’État congolais Denis Sassou N’Guesso, la direction politique, le gouvernement, Mgr Barthélemy Batantu Archevêque de Brazzaville, les évêques du Congo et tous leurs frères Évêques d’Afrique Centrale, attendaient le Pape sur le quai du port. Lorsque le bateau accosta, le protocole s’activa et quelques minutes plus tard, le Pape dévala les marches de la passerelle du bateau. Derrière lui, NNSS Marcinkus, l’organisateur des voyages du Pape et Casaroli son secrétaire d’État. Il salua la foule qui l’acclamait tandis qu’éclata la salve d’honneur des 32 coups de canons. Tout alla très vite : le chaleureux accueil du Chef de l’État et de sa suite, le fraternel embrassement des Évêques, l’écoute des hymnes du Vatican et du Congo et l’échange traditionnel des discours.

Après l’accueil officiel par le chef de l’État, le cortège s’immobilisa devant le porche de la Cathédrale. Les services d’ordre éprouvèrent toutes les difficultés du monde à contenir la foule de ceux qui brûlaient du désir de toucher le Saint Père, d’être touché par lui ou de recevoir sa bénédiction.

A l’intérieur de l’église également, une foule impatiente l’attendait. Émue et larmoyante, elle se tut lorsque l’Évêque de Rome s’agenouilla pour se recueillir devant la tombe de son frère, le Cardinal Émile Biayenda. Pendant le recueillement, le Souverain Pontife prononça la prière suivante : « Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur. Seigneur écoute mon appel, que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière. Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui donc subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon, je te crains et j’espère. Mon âme attend le Seigneur, je suis sûr de sa parole ; mon âme attend plus sûrement le Seigneur, qu’un veilleur n’attend l’aurore. Que le veilleur espère l’aurore, et Israël le Seigneur. Puisqu’auprès du Seigneur est la grâce, l’abondance du rachat, c’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. Prêtre une oreille attentive à nos prières, Seigneur, quand humblement nous supplions ta miséricorde pour l’âme de ton serviteur Évêque, le Cardinal Émile Biayenda, tu lui as dit de s’en aller de ce monde ; qu’il soit établi dans le lieu de lumière et de paix et partage sur ton ordre le bonheur des Saints. Par Jésus-Christ Notre Seigneur ».

Aussitôt après, le Pape se rendit devant l’autel pour une rencontre avec l’ensemble des ouvriers apostoliques. Ce face à face commença avec le mot de bienvenue de Mgr Barthélemy Batantu, Archevêque de Brazzaville qui résuma en quelques lignes de la vie de l’Église du Congo : « Très Saint Père, Dieu, notre Dieu, nous bénit. Quel émouvant spectacles que ces Évêques, ces Prêtres, ce corps consacrés des Religieux et Religieuses, et ces séminaristes rassemblés autour de vous, dans ce Sanctuaire où reposent les Corps des Vénérés Pasteurs : Monseigneur Théophile Mbemba premier Archevêque Congolais de Brazzaville, et notre cher Cardinal Émile Biayenda, son successeur immédiat. La mort tragique de Son Éminence le Cardinal Émile Biayenda a soulevé l’indignation de tous, mais le souvenir de sa bonté, de sa douceur, de sa simplicité et de son dévouement, attire aujourd’hui vers cette église cathédrale, chrétiens et sympathisants, jusqu’au Vicaire du Christ lui-même venu s’incliner sur sa tombe… ».

En réponse à l’allocution de l’Archevêque de Brazzaville, le Pape adressa à la foule un affectueux salut qui soulève les vivats. Mais aussitôt, il entraîne son auditoire dans une profonde méditation et une fervente prière : « Dans l’histoire du Congo se sont dressés des témoins fidèles, fidèles à leur Dieu, fidèles au message évangélique, fidèles à l’Église Universelle et à l’Enseignement du Pape. Je veux rendre grâce aussi pour eux tous, et spécialement pour l’exemple laissé par le Cher et Vénéré Cardinal Émile Biayenda. Sa disparition tragique vous a fait pleurer un Père. J’ai pleuré moi-même un frère très aimé. Je viens le pleurer et prier ici, sur la tombe au milieu de vous, avec vous, sûr que si le Christ a désiré qu’il fut désormais auprès de lui, c’est que sa place était prête pour l’éternité (cf. Jn 14,263), et qu’il peut ainsi mieux encore intercéder pour vous et pour sa patrie… Bénis sois-tu Seigneur, de nous avoir donné ce Pasteur, ce fils de la Nation Congolaise et de l’Église, le Cardinal Émile Biayenda... ».

A l’issue de cette rencontre, le Souverain pontife se rendit au Palais du Peuple pour un tête à tête avec le Président de la République. C’est au sortir de cet entretien que le boulevard des Armées, inondée par une marée humaine, l’accueillit pour la grand’messe. Il articula son homélie sur l’évangélisation et le salut des âmes : « Je viens vous affermir dans la foi que vous possédez déjà grâce à une évangélisation qui a porté ses fruits. Je vous parlerai de cette évangélisation pour vous encourager à la poursuivre. Je viens stimuler votre charité entre vous et entre vous tous, l’amour qui fait l’unité dans la perfection… Je viens fortifier votre espérance afin qu’aucun ne vous détourne du chemin où vous êtes engagés ni du but de votre chrétienté : le salut de vos âmes, l’édification de l’Église... ».

Après la célébration eucharistique, Les fidèles montèrent vers l’aéroport de Maya-Maya situé à quelques encablures du boulevard. Malgré le soleil qui fut au zénith, chacun oublia sa fatigue.

On parlera de la soif et on déjeunera plus tard. Les commentaires sur une parole ou un geste du Pape furent au centre des conversations. Le cortège pontifical se fraya difficilement un passage malgré le cordon sécurité de la force publique. Brazzaville en liesse raccompagna son hôte dans la joie et l’allégresse jusqu’à l’aéroport.

Peu avant son embarquement dans le vol d’Air Zaïre qui l’attendait pour le conduire à Kinsangani, le Souverain Pontife adressa un message d’adieu aux Congolais : « Il est temps malheureusement de vous quitter. Il me faut aller aussi dans d’autres régions où l’on attend ma venue… Merci pour votre hospitalité. J’ai vu votre foi, votre courage, votre zèle apostolique. Je vous ai entendu chanter votre amour pour le Christ et de sa mère, la Très Sainte Vierge Marie. Je vous ai vu prier et j’ai prié avec vous et pour vous. Nous avons fait mémoire ensemble des pasteurs défunts de ses diocèses dont le ministère reste un exemple pour tous. En particulier, nous avons prié ensemble sur la tombe du Cardinal Émile Biayenda, pasteur fidèle et grand serviteur de son pays. Continuez, progressez toujours sur le chemin qui mène vers Dieu ! Je vous laisse aujourd’hui un peu de moi-même, et j’emporte avec moi toute votre générosité, votre ardeur, et les preuves de votre profond attachement à l’Église. Adieu, terre congolaise ! Puisses-tu porter des fruits qui demeurent, et donner à l’Église et au monde le témoignage de ta vitalité ! »

En novembre prochain, le Pape François pourra-t-il nous offrir la même chance d’accueillir pour la seconde fois en terre congolaise un souverain pontife ?

Grégoire YENGO DIATSANA

 

 


 
 
 
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