jeudi 24 octobre 2024
Ghyslain Diabangouaya
Le Cardinal Émile Biayenda a vécu 50 ans de vie sur terre, dont 18 de ministère sacerdotal, sept (7) d’épiscopat et quatre (4) de cardinalat. Dans cette interview sur la vie et la mort tragique de ce vénéré pasteur, monsieur Ghyslain Diabangouaya évoque la grandeur spirituelle du serviteur de Dieu qu’il fut, de même que son amour du prochain ainsi que la place du pardon dans son œuvre spirituelle.
La Mémoire Biayenda : Monsieur Ghyslain Diabangouaya, comment aviez-vous connu le Cardinal Émile Biayenda ?
Ghyslain Diabangouaya : Je l’ai connu à bas âge. Je suis né avant qu’il ne parte auprès du Père. A l’époque, dans notre maison, au salon, il y avait déjà sa photo. Les parents nous apprenaient que notre pays avait un Cardinal qui s’appelait Émile Biayenda. Donc cette image m’est restée vivante jus- qu’à ce que je quitte le pays pour me rendre en Afrique de l’Ouest, plus précisément au Togo. De là, je n’ai plus revu cette photo de notre vénéré pasteur.
La M.B. : Comment vous est-il arrivé cette relation avec le bon Émile Cardinal Biayenda ?
G.D. : Vous parlez de relation, mais c’est l’image que j’avais de lui. Nous ne l’avons pas fréquenté directement.
Cependant, à travers l’histoire, nous savions que nous avions un Cardinal qui est parti et qui avait des grandes vertus. C’est récemment seulement au monastère de Loango que j’ai voulu savoir qu’est-ce qu’un Cardinal et comment on le devient. Je me suis alors adressé à un prêtre qui m’a donné toutes les explications à ce sujet.
Au monastère de Loango, je faisais des recherches sur le Cœur Sacré de Jésus. La mère de la communauté m’a donné des documents parlant du Cardinal Émile Biayenda. Il avait écrit sur le Sacré-Cœur de Jésus, édité par la sœur Brigitte Yengo. C’est donc à ce moment que le prêtre m’a dit que le cardinal est un conseiller du pape. A ce moment-là, je me suis dit qu’on ne devient pas un conseiller du pape par hasard. Être choisi parmi tant d’évêques que compte l’Afrique et de sur- croît d’être remarqué par le Souverain Pontife, aussi très loin du Vatican, at- teste de la grande valeur spirituelle de l’homme. Le cardinal était une grande valeur, une grande perle que le Congo a perdue.
La M.B. : Vous avez dit que vous étiez à Loango pour des recherches sur le Sacré-Cœur de Jésus. A vous entendre parler, quel est selon vous la force du Sacré-Cœur chez un chrétien ?
G.D. : La force du Sacré-Cœur, c’est la force réparatrice d’une vie cassée comme on peut le dire. Le Cœur Sacré de Jésus a été ouvert à cause de notre vie tordue. Je me suis intéressé à ce sujet pour la réparation. D’abord pour ma propre vie et aussi celle des autres. C’est ensuite dans le document que je cherchais que j’ai découvert des choses extraordinaires. J’ai entendu parler des différentes démarches entreprises pour la cause de béatification et de canonisation du Cardinal Émile Biayenda.
Un jour, étant encore à Loango, quand j’avais reçu les documents des mains de la mère de cette communauté, je dis à cette dernière avant que j’aille me coucher, que la fameuse cause du Cardinal Émile Biayenda est cachée dans l’esprit du Cœur-Sacré de Jésus. J’ai peur qu’on soit en train de faire fausse route si on oublie le fondement de sa consécration au Cœur Sacré de Jésus.
Je pense qu’on n’arrivera pas à trouver tous les éléments pour l’aboutissement de ce dossier, parce que, concrètement notre vénéré Cardinal a vécu du Sacré-Cœur de Jésus. Il a donné le message sur le Sacré-Cœur de Jésus, message pas du tout exploité par l’Église Catholique du Congo. Je crois qu’il est mort en vivant de ce Sacré-Cœur de Jésus. Donc je peux dire qu’il nous a laissé une vie de Sacré-Cœur que l’on n’a pas encore entendu. Je crois que le processus de la cause du Cardinal Émile Biayenda se trouve dans la pratique du Sacré-Cœur de Jésus. C’est là, une porte qu’il faille ouvrir pour découvrir le chemin qu’il nous a tracés.
La M.B. : Le Cardinal Émile Biayenda est mort il y a 38 ans. Mais depuis ses obsèques, le peuple de Dieu ne cesse de prier pour lui. Comment l’expliquer ?
G.D. : Le peuple de Dieu ne fait que prier et il a raison de le faire. Je me suis toujours posé la question sur cette cause. S’il y a une cause, c’est la cause du peuple de Dieu et non celle du Cardinal Biayenda. Lui, de son vivant, a vécu du Sacré-Cœur de Jésus. Il a obtenu, a bénéficié des grâces, des bénédictions et des honneurs destinés à ceux qui se consacrent à ce Sacré-Cœur. Donc lui, n’a pas de problèmes.
Si nous considérons que notre vénéré pasteur est déjà parmi les élus du ciel et n’attendons que la reconnaissance officielle des autorités du Saint siège. En me référant du texte de Luc 23,28 lorsque les femmes se lamentaient en se frappant la poitrine, le Seigneur Jésus leur dit ; « Filles de Jérusalem, pleurez pour vous-mêmes et pour vos enfants ». C’est donc ce que nous sommes appelés à faire, nous, Église du Congo.
Nous devons comprendre l’héritage que le Cardinal nous a laissé est une bénédiction que nous aurions dû prendre et que nous n’avons pas pris : « A tous nos frères, croyants, du Nord, du Centre et du Sud, nous demandons beaucoup de calme, de fraternité et de confiance en Dieu, Père de toutes races et de toutes tribus, afin qu’aucun geste déraisonnable ne puisse compromettre un climat de paix, que nous souhaitons tous ».
Avions-nous intériorisé ce message ? Le Cardinal Émile Biayenda est mort pour la cause du peuple congolais. Il a laissé un message, un héritage profond pour son peuple et que ce dernier n’a pas encore découvert. Il nous revient maintenant d’aller chercher cet héritage dans le Cœur Sacré de Jésus. A partir de là, nous saurons qui était Biayenda. Nous saurons ce que nous devons être par lui et nous saurons où se trouve la porte de l’honneur public à l’échelle humaine pour le présenter au niveau du peuple. Auprès du Seigneur, le Cardinal Émile Biayenda a déjà eu les honneurs, au plan spirituel. Maintenant à notre niveau, nous recherchons une reconnaissance au plan humain.
La M.B. : Émile Biayenda a été un homme de pardon. Depuis son jeune âge au séminaire, il a pardonné ses amis qui necessait de le taquiner. Devenu prêtre, il a pardonné ses propres parents qui lui faisaient le reproche d’avoir encouragé sa sœur à la vocation religieuse. Il a pardonné les jeunes qui avaient volé ses poulets à Mouléké. Il a aussi pardonné ses bourreaux qui l’avaient arrêté et jeté injustement en prison en février 1965.
G.D. : C’est ce que je vous dis. Lorsque je parle du Cardinal Émile Biayenda, j’ai des frissons. Pour moi c’est un homme consacré au Sacré-Cœur de Jésus. Le Sacré Cœur de Jésus, c’est l’amour et la miséricorde. Donc la vie du pardon, c’est la vie d’Émile Biayenda. Voyez-vous, la porte d’ouverture à cet honneur qu’on lui rend se trouve dans le pardon concrètement manifesté à ses bourreaux.
La M.B. : Aviez-vous déjà personnellement entendu parler des gens qui ont eu les grâces du Seigneur à la suite de la prière du Cardinal ?
G.D. : A travers cette prière, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je viens de regagner le pays il y a quelques mois. En voyant cette ferveur, ce mouvement qui se fait autour de lui, je me suis intéressé et mis dans le bain. A mon humble avis, ce que je vois, c’est comme une juste ouverture d’esprit, « le Sacré Cœur de Jésus » m’a donné une ouverture. Cherchons à nous plonger dans l’esprit du Cœur Sacré de Jésus et nous trouverons tous les éléments nécessaires à sa juste valeur.
La M.B. : A cet effet, quel genre de vertus proposez-vous aux chrétiens ?
G.D. : Le Pardon. Vivre dans l’esprit du pardon à tous les niveaux. La miséricorde et l’amour de Jésus comme il l’a vécu à son exemple. Nous avons des exemples et vous en avez cité quelques-uns sur lui. Donc en le voyant, Émile Biayenda était un homme du pardon. Alors ce que moi je proposerai comme solution, ce que j’ai sur le cœur, c’est d’aller dans la profondeur de ce pardon qu’il aurait accordé à tous ses bourreaux et de veiller, de prendre soin de ses bourreaux, de les rassurer qu’ils ont été véritablement pardonnés et d’ajouter que grâce à eux Émile Cardinal Biayenda va occuper une place d’honneur auprès de Dieu. La Bible nous dit encore : « celui qui a beaucoup pardonné aimera beaucoup ».
Le Pape Jean Paul II, que je citerais en exemple n’avait-il pas tort de dire le 5 mai 1980 en la Cathédrale Sacré-Cœur de Brazzaville : « J’ai pleuré moi-même un frère très aimé. Je viens le pleurer et prier ici, sur la tombe au milieu de vous, avec vous, sûr que si le Christ a désiré qu’il fut désormais auprès de lui, c’est que sa place était prête pour l’éternité (cf. Jn 14,23), et qu’il peut ainsi mieux encore intercéder pour vous et pour sa patrie… Bénis sois-tu Seigneur, de nous avoir donné ce Pasteur, ce fils de la Nation Congolaise et de l’Église, le Cardinal Émile Biayenda ».
Comme vous le voyez, le Seigneur a promis les honneurs au juste. Je puis dire pour le Cardinal Biayenda qu’il a vécu son cardinalat jusqu’au martyr, comme Jésus a donné sa vie. Qu’est-ce qui vous dit qu’il ne l’a pas encore obtenu ?
La M.B. : A vous entendre parler, c’est comme si vous voulez dire que le Cardinal Biayenda avait une mission pour ce pays. Laquelle ?
G.D. : Bien sûr, il avait une mission pour ce pays. Il devait avoir une mission particulière pour ce pays. Personne n’y avait fait attention. Et vous me demandez laquelle, mais celle de porter ce pays, son pays vers le Cœur Sacré de Jésus. Consacré celui-ci au Cœur Sacré de Jésus, c’était le plus concret de cette mission. Auriez-vous oublié que son épiscopat et son cardinal a eu lieu sous l’époque du marxisme-léninisme, ou Dieu n’avait plus de place dans ce pays.
Dans mes recherches au Cœur Sacré de Jésus, j’ai des écrits où le Seigneur demandait au roi Louis XIV de consacrer au Cœur Sacré de Jésus son pays. Il promettait des bénédictions pour le pays qui est la France.
Aujourd’hui, vous pouvez encore le vérifier, car il y a des gens qui conservent encore ces écrits et qui en parlent. Donc pour ne pas me répéter, le Cardinal Biayenda avait une mission analogue, celle de consacrer ce pays au Cœur Sacré de Jésus. Comme je le dis encore, la mort du Cardinal Émile Biayenda comme martyre est un avantage pour le Congo. Un homme d’Église est mort comme son Maître Jésus, fils de Dieu est mort pour la cause de son peuple. Nous suivons ses pas.
Nous avons comme dit l’appel du Seigneur, accepté de mourir avec lui. Voilà pourquoi, il est mort à la suite du Christ en donnant sa vie pour ceux qu’il a aimés. Jésus Christ est rentré dans son règne pour avoir donné sa vie pour son peuple.
Donc, notre vénéré pasteur, le bon Cardinal règnera avec Christ comme dit la Bible : « Celui qui souffre avec moi, avec moi, il règnera ».
La M.B. : 50 ans de vie sur terre dont 18 ans de ministère sacerdotal dont 7 ans d’épiscopat et 4 ans de cardinalat. Que pouvez-vous dire de cette rapidité d’élévation ?
G.D. : Comme nous le lisons dans la Bible, le Seigneur Jésus est venu pour accomplir son ministère qui ne s’est accompli qu’en 3 ans. Donc pour moi, la rapidité de ces événements est une preuve qu’il était en mission, celle du Seigneur. Les serviteurs les plus importants ont une vie éphémère.
Rapidement, ils accomplissent leurs œuvres à eux confiées par le Seigneur et s’en vont. Voilà pourquoi, le martyre de Biayenda n’est pas un fait du hasard. Ce n’est pas non plus un fait commun. Non ! Il aurait fallu que Jésus Christ meure. Et quand il l’avait annoncé aux apôtres, Pierre n’a pas cru et n’en voulait non plus aussi. Mais Jésus lui répondit en disant : « que si je ne le fais, le monde ne sera pas sauvé ». Donc, le Cardinal Biayenda est parti après avoir accompli sa mission pour ce peuple, pour le Congo.
A l’opposé, le bon Cardinal lui, nous a arrachés du pouvoir des forces négatives. Tenez ! Un autre extrait de la Bible que nous citons. Dieu a dit au peuple d’Israël : « Je vais vous conduire sur la terre promise, dans le pays où coule le lait et le miel. Mais obéissez à mes commandements afin que vous demeuriez longtemps. Mais si vous n’obéissez pas ces prescriptions, vous serez obligé de fuir cette terre, parce que vous serez châtié ».
Donc, les bénéfices du martyre du Cardinal Biayenda sont là et inchangés et il y a des grands bénéfices. Un saint homme a donné sa vie pour le Congo. Il a ouvert une porte de bénédictions. Comme le peuple d’Israël, ces bénédictions, nous ne pourrons les expérimenter que si nous suivons pas à pas le chemin que ce saint pasteur a tracé. Ce chemin est là à notre portée : « A tous nos frères, croyants, du Nord, du Centre et du Sud, nous demandons beaucoup de calme, de fraternité et de confiance en Dieu, Père de toutes races et de toutes tribus, afin qu’aucun geste déraisonnable ne puisse compromettre un climat de paix, que nous souhaitons tous » . Est-ce que nous faisons attention à ce commandement ? Nous nous plaignons souvent de ce que nous vivons. Sommes-nous posés la question de savoir : qu’avons-nous fait des paroles prophétiques de ce vénéré pasteur ?
La M.B. : Avez-vous un mot à adresser aux chrétiens en général et à nos chers lecteurs en particulier ?
G.D. : Rangeons-nous sur le chemin qu’il a ouvert pour nous. Émile Biayenda vit déjà dans les honneurs que nous ne voyons pas.
Propos suscités par
Grégoire Yengo Diatsana
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