mardi 12 novembre 2024
A l’heure où le sacrement de mariage fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les différents mouvements d’apostolat de l’Archidiocèse de Brazzaville, il nous paraît nécessaire de commenter la pensée de notre cher Bon Cardinal Émile Biayenda, d’heureuse mémoire, sur le mariage, pour l’édification du peuple de Dieu.
Dans sa lettre de Carême de l’année 1975, Émile Cardinal Biayenda s’adresse au peuple de Dieu de Brazzaville, pour l’aider à orienter ce temps de prière, de pénitence et de conversion dans le sens d’une plus grande fidélité à la volonté de Dieu. Dans ladite lettre, le Cardinal aborde le problème de la famille.
Dans cette lettre sur la famille de Carême 1975, Émile Biayenda traite les points suivants :
La conclusion de cette lettre est un encouragement aux foyers chrétiens à mieux vivre leur vie conjugale. C’est cette vie conjugale dont parle le Cardinal Biayenda qui retient notre attention, en son point sur le sacrement de mariage.
Jésus ne fera que confirmer la pensée primitive de Dieu, exprimée dans la Bible : « N’ayez-vous pas lu que le créateur, au commencement, les fit homme et femme et qu’il dit : c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair » (Mt 19,5), et il rappellera l’indissolubilité du mariage : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt.19,6), « montrant ainsi que cette indissolubilité remonte aux origines même de l’humanité, qu’elle fait partie de la nature même du mariage : on ne s’aime vraiment que si ce n’est pour toujours. Si l’amour des époux est à l’image de celui de Dieu, il ne peut être que définitif, l’amour de Dieu est irréversible », (cf, Émile Biayenda, grandeur d’un humble, d’Adolphe Tsiakaka, Édition du Signe, 1999, p.207), cet enseignement du Cardinal Biayenda nous amène à comprendre que le mariage est une institution divine, plus un pacte qu’un contrat, selon le terme du Concile Vatican II, donc un sacrement.
La question de la théologie sacramentelle du mariage a fait l’objet de moult débats houleux dans l’histoire de l’Église. Les théologiens débattant du problème de mariage ont émis des points de vue antithétiques. C’est seulement entre le onzième et le treizième siècles qu’une synthèse théologique a été élaborée sur la sacramentalité du mariage. Ainsi donc, à la suite du Concile de Trente, le Concile Vatican II proclamant le mariage comme d’institution divine, retient le terme biblique de pacte, d’alliance à la place de contrat. De ce fait, nous allons dégager dans les lignes qui suivent les raisons fondamentales qui ont conduit le Concile Vatican II à ce choix. Pour mener à bien notre réflexion, nous justifions le choix de Vatican II à la lumière de l’Écriture Sainte, au travers de quelques textes de l’Ancien et du Nouveau Testament. De plus, nous examinerons l’enseignement du Concile Vatican II sur le mariage chrétien (religieux) et ses implications de nos jours.
Il est sans conteste que l’Écriture Sainte demeure la source la mieux indiquée de connaissance de la pédagogie divine pour le salut du monde, de l’humanité toute entière. Cela nous amène à comprendre le choix du Concile Vatican II sur le terme Pacte à la place de contrat, en parlant du mariage comme institution divine (Genèse 2,18-25) : « Il n’est pas bon que l’homme reste seul. Je vais lui faire une aide qu’il aura comme partenaire (…) ». L’auteur yahviste de ce texte montre en filigrane que l’homme et la femme sont féconds, non pas par un acte divin magique, mais c’est par leur création même par Dieu, qui dès leur création les a voulu féconds, et par ce fait même, la fécondité est sacrée. A ce titre, le mariage devient, enseigne le Cardinal Biayenda, une communauté de vie de l’amour de Dieu. Ainsi, à travers le verset 24 du même livre : « c’est pourquoi, l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme ; et ils deviendront tous deux un seul être », l’homme est invité à construire en communion de cœur avec sa femme une maison différente de celle de ses parents où, tous deux unis vivront en responsables adultes.
Dénonçant certaines pratiques de quelques personnages de la société juive qui prenaient plaisir dans la polygamie, qui en réalité résulte de la volonté de puissance de l’homme, de la richesse, de la fécondité et de la stérilité de la femme, les prophètes nous feront remarquer le parallélisme entre l’Alliance de Dieu et son épouse Israël pour parler du mariage. A vrai dire, l’amour de l’homme pour la femme doit se baser sur le pacte d’amour, d’alliance de Dieu avec son peuple au Sinaï. Ainsi, l’infidélité de l’épouse, la colère de l’époux se comprennent par les infidélités d’Israël et la sanction de Dieu à son épouse Israël infidèle. Même sans la grâce de procréer, les conjoints peuvent vivre l’amour de Dieu.
Par ailleurs, à la différence des animaux, la femme n’est pas un objet de possession et de domination de l’homme... Comme le souligne l’apôtre Paul, à la mémoire de qui l’Église a dédié cette année en sa mémoire, qui présente une vue accomplie du mariage sous l’inspiration de l’Esprit Saint : « Maris, aimez vos femmes de la même façon que le Christ a aimé l’Église et donné sa vie pour elle » (Eph.5,25).
Il est clair que l’amour dont vivent l’homme et la femme dans le mariage est un don de Dieu, auquel ceux-ci coopèrent, car une fois unis dans l’amour, les mariés sont voués à la procréation et à l’éducation des enfants, en leur qualité de collaborateurs fidèles et intimes de Dieu. Après avoir cerné la raison fondamentale de la reconnaissance du mariage comme sacrement par le Concile Vatican II, nous allons à présent examiner, autant que faire se peut, son enseignement sur le mariage et ses implications aujourd’hui.
En réalité, la doctrine de Vatican II sur le mariage obéit ou répond à l’éclosion au 19e siècle des courants sur la dépendance de la femme soulignée par les Sciences Sociales. Nouvelle considération que l’Église dans sa doctrine sur le monde de ce temps formule si bien sur le mariage et ses problèmes dans l’Encyclique Gaudium et Spes. Il y est souligné en substance que le mariage est une institution divine. Par leur union, les conjoints forment une communauté familiale qui les accomplit, et les éduque à la vie. Cette vie qu’ils doivent transmettre aux enfants. En couple, les conjoints ne font plus qu’un. Ils ont par le fait même une même nature et une même dignité. Par conséquent, ils jouissent des mêmes droits et devoirs. Membres du corps du Christ, ils ont pour modèles le Christ. L’union des cœurs passe avant l’union des corps.
C’est pourquoi, les maris doivent aimer leurs femmes comme ils aiment leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. De même que chaque personne aime son corps et en prend soin, de même et à l’instar de l’amour du Christ pour son Église dont nous sommes membres, les maris ont le devoir de participer à l’épanouissement total de leurs femmes. Ce, dans le respect mutuel. Tout porte à croire que de nos jours, cet enseignement du Concile Vatican II reste le bienvenu pour le salut des hommes destinés à la vocation du mariage monogamique, idéal de vie chrétienne. A quoi cela implique-t-il les conjoints, à en croire le Cardinal Biayenda ?
Pour le Cardinal Émile Biayenda, l’« échange sacramentel » des consentements entre les époux devient donc source de grâce, c’est-à-dire, de vie divine, comme le seront tous les actes d’amour de leur vie conjugale ; Chaque fois que les époux se donneront l’un à l’autre, c’est l’amour même de Dieu, c’est-à-dire la vie divine, qu’ils se communiquent. En s’aimant, ils se donneront Dieu l’un à l’autre. Tous les actes du foyer (aussi simples soient-ils) accomplis par amour, font des époux chrétiens davantage des fils et filles de Dieu. Combien d’époux pourtant chrétiens en retardant ou simplement en négligeant le sacrement de mariage, se privent ainsi d’une source aussi riche de vie divine ! Ces foyers voudraient recevoir le Christ dans l’Eucharistie, mais ils se privent de Dieu qui leur serait donné par le Sacrement de mariage . Cela va sans dire qu’il est inconcevable de vivre sérieusement en couple, sans penser à consacrer cette union totalement au Seigneur.
La consécration totale et définitive de l’union des conjoints fait du mariage une alliance, un pacte et non un contrat, affirme Vatican II. Car, un contrat peut être résilié, à la moindre insatisfaction de l’une des deux parties. A défaut de le résilier, le contrat peut même être révisé, amandé dans ses termes. Or, le mariage chrétien est une alliance à vie. Le Cardinal Biayenda d’enseigner qu’ « on ne s’aime vraiment que si c’est pour toujours. Si l’amour des époux est à l’image de celui de Dieu, il ne peut être que définitif, l’amour de Dieu est irréversible ».
Ainsi donc, poursuit le Cardinal, « pour vivre d’un amour qui soit à l’image de l’Amour même de Dieu, il faut aux époux une véritable conversion. Il ne suffit pas de se « mettre en règle », en venant à l’Église recevoir un sacrement, il faut changer de manière de se comporter. Aimer son conjoint comme le Christ nous aime, c’est partager avec lui, dialoguer, décider ensemble, se confier l’un à l’autre, se comprendre, se respecter et chercher le bonheur l’un de l’autre, vivre dans une parfaite fidélité, et au besoin même se pardonner. Tout cela s’apprend, tout comme l’éducation des enfants.
Préparer son mariage, c’est donc s’entraîner un peu à la fois à aimer comme le Christ nous a aimés, c’est changer sa manière de concevoir et de vivre sa vie conjugale (Op.cit., p.208).
En définitive, le mariage est une institution divine. Il est un sacrement, « sacrementum », dit Saint Augustin. Il est fait pour un homme et une femme. Comme le note Tertullien : « là où est un corps, là est aussi un esprit » (cf lettre à son Épouse). Comment suffirions-nous à apprécier l’institution dont l’Église dispose, dont Dieu comble de bénédiction..., que la grâce inonde et qui sanctifie les hommes sur terre, dans leur effort de conversion quotidien en vue du Royaume des cieux, où ceux et celles qui auront été jugés dignes ne se marieront plus ; car fils de la résurrection, ils seront devenus semblables aux anges.
Abbé Séraphin Koualou-Kibangou
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