Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

mercredi 23 octobre 2024


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L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« ... TOI ARCHIDIOCÈSE DE BRAZZAVILLE, TOI ÉGLISE DU CONGO, TOI NATION CONGOLAISE : CONVERTIS-TOI ET TU AURAS LA PAIX ! »

Mgr Anatole Milandou, Archevêque de Brazzaville

Le 5 juin, date anniversaire du déclenchement de la guerre au Congo il y a dix huit ans, a été célébré cette année par une messe, à la place mariale de la cathédrale Sacré-Cœur de Brazzaville, sous le signe de la paix, la réconciliation et la justice. En présence du couple présidentiel, l’archevêque de Brazzaville, Monseigneur Anatole Milandou a insisté sur les vertus du dialogue. Voici l’intégralité de cette homélie.

 

Monsieur le Président de la République et Madame
Monsieur le Maire de Brazzaville,
Les autorités civiles, politiques et militaires de notre pays
Mgr Louis Portella, Évêque de Kinkala
Mgr Victor Abagna, Évêque d’Owando
Monsieur le Vicaire général,
Monsieur le secrétaire général de l’ACERAC
Chers Prêtres, religieux, Religieuses
Chers Frères et Sœurs,

« Bâtir notre pays sur le roc de la paix, de la réconciliation et de la justice »

Notre célébration eucharistique de ce jour s’inscrit dans le cadre de la croisade de prière initiée par notre Église du Congo pour demander les dons de la paix, de la réconciliation et de la justice, héritage auquel l’Église d’Afrique doit s’ouvrir comme nous le demandait le prédécesseur du Pape François, le Pape Benoit XVI à l’issue de la deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques.

Je le cite : « L’engagement de l’Afrique pour le Seigneur Jésus-Christ est un trésor précieux que je confie, en ce début de troisième millénaire, aux Évêques, aux prêtres, aux diacres permanents, aux personnes consacrées, aux catéchistes et aux laïcs de ce cher continent et des îles voisines. Cette mission porte l’Afrique à approfondir la vocation chrétienne. Elle l’invite à vivre, au nom de Jésus, la réconciliation entre les personnes et les communautés, et à promouvoir pour tous la paix et la justice dans la vérité ». (Pape Benoit XVI, Africae munus 1).

Mgr Milandou saluant le couple présidentiel

Nous n’avons pas, en célébrant cette messe, la volonté de raviver des souvenirs tristes et malheureux qui avaient conduit notre pays dans des chemins indignes et destructeurs. Bien au contraire ! Notre prière aimerait renforcer, consolider la paix, la réconciliation et la justice, chemins que nous avons courageusement et dignement accepté de parcourir pour un Congo uni, pacifié et prospère.

J’ai encore à l’esprit mon homélie, lors de ma prise de possession du siège métropolitain de Brazzaville. J’aimerais en rappeler quelques extraits pour nous aider à réfléchir sur les moments que nous vivons ces jours-ci.

Je disais : « ... Toi Archidiocèse de Brazzaville, toi Église du Congo, toi Nation Congolaise : Convertis-toi et tu auras la paix !  »

La conversion est une œuvre de longue haleine. Elle requiert de la part de celui ou celle qui est appelé à l’entreprendre, la volonté de changer de direction en vue d’emprunter celle qui est adéquate pour les objectifs que l’on aimerait atteindre. Cette volonté implique des concessions et des efforts, parfois, inouïs pour parvenir à la conversion escomptée.

La conversion à laquelle j’invite notre Église, notre Nation congolaise aujourd’hui, a un nom : bâtir sur le roc de la paix, de la réconciliation et de la justice. C’est une entreprise à réaliser ensemble, non de façon isolée. Pour cela, il faut du courage et une disponibilité à dialoguer, en vue d’aller de l’avant et maintenir les acquis que nous avons eus. Aux journées mondiales de la jeunesse à RIO, au Brésil, le pape François affirmait : « lorsqu’un responsable me demande un conseil, ma réponse est toujours la même : dialogue, dialogue, dialogue. Entre l’indifférence égoïste et la protestation violente, il y a une opinion toujours possible : le dialogue ». (Pape François)

Comme au peuple de Corinthe, aujourd’hui c’est à nous que Saint Paul adresse ces belles paroles que nous avons écoutées dans la première lecture : « Au demeurant, frères, soyez joyeux ; affermissez-vous ; exhortez-vous. Ayez même sentiment ; vivez en paix, et le Dieu de la charité et de la paix sera avec vous ». (2 Co. 13, 11)

« Église-Famille ! Nous sommes invités à retrouver nos valeurs : celles de la solidarité, de l’accueil, de l’accueil de la vie (don de Dieu), du respect de l’autre et des anciens. Membres de la même famille, nous sommes invités à rechercher l’unité et la paix. Ce n’est pas parce que vous êtes en diaspora que vous devez perdre vos valeurs », a rappelé tout dernièrement aux Congolais de la diaspora, au cours de la messe célébrée par nous Évêques du Congo à la Courneuve dans l’Île de France, a rappelé disais-je Mgr Victor Abagna Mossa, Évêque d’Owando.

Ces paroles de Mgr Abagna gardent toute leur actualité pour nous qui sommes ici, au pays. Il y a des valeurs qu’il faut coûte que coûte conserver. Elles ne devraient pas être négociables. Elles sont toujours à protéger et à promouvoir.

En effet, en tant qu’Africains, il y a des valeurs que nous apprenons en famille, dans des lieux traditionnels où se donne la vraie éducation, que nous n’avons pas le droit de détruire. Nous pouvons faire, grâce à notre génie créateur et, pour nous chrétiens, avec l’aide de l’Évangile, promouvoir des valeurs sociales, culturelles, démocratiques et économiques, inspirées, dans la mesure du possible, de nos cultures. Tout n’y est pas que mauvais. Au contraire ! Dans beaucoup de cultures congolaises, on apprend que « lorsque l’on s’est trompé de chemin, il faut avoir le courage de revenir au carrefour pour suivre la bonne direction ». N’ayons pas honte de revenir, prenons notre courage en mains, mettons en branle notre capacité d’écoute et de dialogue pour déceler la vraie voie à suivre pour le bien de tous et pour l’intérêt général. C’est la voie des valeurs de la solidarité, de l’accueil de l’autre, l’écoute, du dialogue, du respect de l’aîné et pourquoi pas du cadet aussi, du chef et du simple citoyen.

Souffrez que je rappelle encore un passage de ma méditation lors de ma prise de possession du siège épiscopal de Brazzaville, le 1er Avril 2001. Excusez ce rappel car cela pourrait sembler devenir une obsession. Mais, c’est de mon tréfonds que cela part ; car, je voudrais nous inviter à ne pas avoir une mémoire courte.

Que disais-je encore ce jour-là :

« Si ce n’est pas pour bâtir la paix et témoigner en Église du salut et de la vie du Seigneur Jésus ; si ce n’est pas pour voir la Gloire de Dieu habiter notre pays, les foyers, les paroisses, etc. je m’en voudrais le reste de ma vie d’avoir accepté cette nouvelle charge, ce fardeau ou ce chemin de croix dont j’ignore encore et la longueur et le nombre de stations que je dois assumer. Oui ! Je m’en voudrais d’être là, moi qui n’aie rien demandé à qui que ce soit, surtout pas à mon prédécesseur, notre Doyen dans l’épiscopat au Congo, ou au Pape Jean-Paul II, notre Saint Père. Si ce n’est pas pour la Gloire de Dieu et l’annonce de l’Évangile, je m’en voudrais d’être là et d’avoir quitté mon diocèse de campagne et ses chrétiens avec qui j’ai appris à tout perdre dans le pire des souffrances et à tout recommencer dans l’espérance et la fidélité au Christ ».

Ces paroles me « parlent » comme si mon ministère pastoral commençait à peine aujourd’hui, alors que cela fait déjà 14 ans !

Peuple de Dieu qui est à Brazzaville, nous avons trouvé des qualificatifs à chaque effusion de sang dont nous avons pourtant été les auteurs, nous-mêmes : ainsi, pendant la Conférence Nationale Souveraine, tous les méfaits et dérapages connus depuis notre Indépendance, ont été justifiés et mis sur le dos de l’intolérance ; après la Conférence Nationale, tout le mal qui s’en est suivi, a été identifié comme l’œuvre de la bêtise humaine.

Et, maintenant, que dirions-nous de ce refus ou radicalisme que nous voyons pointer à l’horizon ? Nous savons pourtant que lorsque nous avons tout mis sens dessus dessous, nous cherchons toujours à nous retrouver, à nous réconcilier.

Les paroles du Psalmiste devraient être d’une grande utilité en cette période :

« J’écoute. Que dit Dieu ?
Ce que dit Yahvé, c’est la paix
Pourvu qu’ils ne reviennent jamais à leur folie,
Proche est son salut pour qui le craint,
Et la Gloire habitera notre terre
 » (Psaume 85,9-10)

C’est pourquoi, en tant que Pasteur de l’Église Catholique de Brazzaville, Capitale de très cher et beau pays que nous sommes en train de bâtir au prix du sang de ceux qui nous ont quittés à cause de notre égoïsme, notre intolérance, de la bêtise humaine, et au prix de multiples efforts dont nous sommes tous, j’ose espérer, conscients, je fais alors miennes ces paroles de Saint Paul :

« Tenez-vous donc debout, avec la vérité pour ceinture, la justice pour cuirasse, et pour chaussures le zèle à propager l’évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit » (Éphésiens 6, 14-18).

Cette messe n’est ni la première ni la dernière que nous célébrons pour la paix de notre pays. Nous avons engagé une croisade de prière pour la paix dans notre pays. Que dans nos paroisses, nos communautés chrétiennes soient organisées des prières pour la paix.

« Que la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Verbe de Dieu et Notre-Dame d’Afrique, continue d’accompagner toute l’Église par son intercession et ses invitations à faire tout ce que nous dira son Fils (cf. Jn 2, 5) ! Que la prière de Marie, Reine de la Paix, dont le cœur est toujours orienté vers la volonté de Dieu, soutienne tout effort de conversion, qu’elle consolide toute initiative de réconciliation, et affermisse tout effort en faveur de la paix dans un monde qui a faim et soif de justice (cf. Mt 5, 6) ». (Benoit XVI, Africae munus 175).

Que le Seigneur bénisse le Congo et que nous prenions toujours conscience d’être fils et filles d’un même Dieu.

Amen !

Monseigneur Anatole MILANDOU,
Archevêque de Brazzaville

 

 




 
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