jeudi 3 octobre 2024
Au terme d’une visite guidée dans l’appartement du Cardinal Émile Biayenda, une jeune dame la quarantaine révolue, n’a pas hésité de nous poser la question ci-après. « Dites-moi, mon frère Grey : Que veux dire BIAYENDA ? » Ne voulant pas la donner une réponse erronée ou approximative de la bonne réponse, nous lui avons simplement lu quelques lignes d’une des réflexions de M. l’Abbé Albert Nkoumbou, extrait de son livre. Voici ce qu’il écrit sur la signification du nom BIAYENDA.
Le nom « BIAYENDA » est composé du corrélatif « bia » (pluriel de kia) et du participe passé « yenda », du verbe « kuenda », partir, s’en aller. Bia-yenda, peut se traduire littéralement par « les choses qui sont parties », « les objets perdus », « les richesses parties ». Dans le cas précis du nom Biayenda, il s’agit des objets de valeur, des dons, des richesses et des prévenances qui constituent la dot, les « bileko », fortunes du mariage. « Bileko biani biayenda bia mpamba », mes fortunes sont parties sans rien. Entendez : mes richesses n’ont pas fructifié. On dirait aussi : « Ah ! ngolo bwani », Ah ! Peine perdue « Mpassi za mpamba », souffrance inutile.
La note triste, négative voire pessimiste, d’un tel constat n’échappe à personne. Pourtant elle n’en révèle pas autant les causes. Que s’était-il passé dans le foyer de Ta Semo et Ma Biyela, pour qu’ils s’accordent à assigner à leur enfant ce nom de « Biayenda » à la saveur mélancolique ? Deux enfants étaient déjà nés de Semo et Biyela : Martyre Milongo et Jean-Baptiste Ngoma. Un troisième, tout en complétant une trinité de garçons, ne pouvait pas être une source de regret pour Biyela et son époux. Que voulait donc dire ce nouveau nom à ressasser le regret qui prenait place dans la lignée ? Nous sommes allés à Maléla-Mbombé interroger le frère-aîné de Biayenda, Jean-Baptiste Ngoma (paix à son âme), il a confirmé ce que Antoine Miekoumoutima, un cadet, a déjà publié dans un opuscule. Voici ce qu’ils en disent :
« Ta Semo avait légitimement épousé ma Biyela. Il avait versé la totalité de la dot requise, il honorait convenablement ses beaux parents et il se donnait une descendance enviable. Hélas ! Ta Semo ne voyait pas les personnes de la famille de son épouse Ma Biyela, excepté Ta Milongo le père de son épouse. Personne du côté maternel de Ma Biyela n’assistait Ta Semo en de maladie, de décès ou d’autres circonstances nécessitant la présence des personnes du côté maternel. Ta Semo disait alors : « bia yenda », c’est parti… Je ne vois personne du côté de mon épouse ».
Ainsi va ce nom Biayenda, une confession ouverte, un cri de cœur lancé à la famille de sa femme ! Mais dans le pays, l’expérience existentielle des anciens a déjà formulé sa sage réponse : « Nsombe wa buta, wa kikula », la biche qui s’est donné des petits, s’est donné le salut.
Appliqué aux êtres humains, ce proverbe se dit : « Toute personne, jadis solitaire, s’est donné des chances de salut ou de survie en se donnant une descendance » ; ou encore : « Ta progéniture sera ta délivrance ». Semo et Biyela n’étaient-ils pas sur la bonne voie ? Avec les enfants que Dieu leur donnait, n’allaient-ils pas se donner le salut, la délivrance, l’assistance, le réconfort et la fierté ? Il appartenait donc aux ancêtres défunts de transmettre à Nzambi’a M’pungu, Dieu Tout-Puissant, la plainte de Semo, pour que les fortunes perdues, les souffrances endurées par amour de son épouse et de ses enfants, deviennent source de chance et de délivrance.
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