jeudi 22 mai 2025
Un coup d’œil sur Jésus qui se déclare pain de vie : « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité » (Jn 6,51). Quelques idées sur l’Eucharistie et en hommage à la solennité du Saint Sacrement et communion de prière fraternelle avec tous ceux qui vivent l’Eucharistie.
Jésus prononce le discours sur le pain de vie à Capharnaüm, devant ses apôtres et devant la foule venue de l’autre rive du lac de Tibériade, après le miracle de multiplication des pains. Jésus a rejoint les apôtres en marchant sur la mer, lui-même a été rejoint par tous ceux qui ont savouré le pain multiplié. Capharnaüm est une des villes pilotes du ministère de Jésus en Galilée, sa patrie. Ici, il déclare : « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera, car c’est lui que le Père, qui est Dieu, a marqué de son sceau ». (Jn 6,27). Et il poursuit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang à la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier… De même que le Père, qui st vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mange vivra par moi » (Jn 6,54.57).
Il faut se mettre à l’œuvre pour obtenir la nourriture qui demeure en vie éternelle…, parce qu’à la recherche et la consommation de la nourriture périssable on rejoint nos pères. Ceux-ci ont mangé la seule nourriture périssable, ils sont morts ; tandis que celui qui mange le pain de vie vivra éternellement (v.58). Et qu’en est-il de cette nourriture qui demeure en vie éternelle ? « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (v 55). Après cet enseignement, on ne peut plus étonnant, l’évangéliste Saint Jean écrit : « Après l’avoir entendu, beaucoup de ses disciples commencèrent à dire : Cette parole est rude ! Qui peut l’écouter ? » (v 60). A l’exception bien sur du groupe des Douze qui, par Simon-Pierre répond : « Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous avons connu que tu es le Saint de Dieu » (v 68-69).
Célébrer la fête du Saint Sacrement c’est d’abord confesser avec les apôtres notre engagement de foi à la suite de Jésus Christ Parole et Pain de vie éternelle envoyé pour nous par Dieu le Père. C’est s’engager à vivre de la manducation du corps du Christ et de la consommation de son sang comme nourriture de vie dans ce monde et dans la vie éternelle. L’apôtre Jean, qui nous rapporte cet grand enseignement de Jésus dans le synagogue de Capharnaüm (Jn 6,59), écrit bien après l’institution de l’Eucharistie le Jeudi Saint, et plusieurs années après la naissance des premières communautés chrétiennes.
Force est donc de croire que ce qu’il écrit est un témoignage de foi vécu personnellement et conforté par la vie de l’Église naissante. La chair du Christ est une nourriture de vie. Dans la célébration eucharistique, le Christ offre sa chair à manger et son sang à boire en toute réalité, quoique sous les signes sacramentels. Saint Jean termine son Évangile en déclarant : « Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre. Ceux-ci l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en cotant, vous avez la vie en son nom ». (Jn 20,30-31). Célébrer le Très Saint Sacrement, c’est faire appelle à notre foi en Jésus reconnu et confessé comme Christ, Fils de Dieu. C’est accepter d’entrer dans ce processus de vie nouvelle qui sourd du nom de Jésus Fils de Dieu. Avant de préciser les caractéristiques et les exigences d’une telle vie, commençons par rappeler ce qu’il en est de l’Eucharistie comme mystère de foi, présence réelle du Christ dans le pain consacré.
« Ma chair est vraie nourriture et mon sang vraie boisson » (Jn 6,59). Il est clair qu’un tel langage n’est pas une métaphore. Quant aux paroles de l’institution de la Sainte Eucharistie, que le Christ prononça un an après le discours de Capharnaüm, la veille de sa mort, en cette soirée mémorable du Jeudi Saint, elles ne sont pas moins réalistes « Jésus, dit le texte évangélique, ayant pris du pain le consacra et le donna à ses disciples en disant : « Prenez et mangez, ceci est mon corps. Puis, ayant pris le Calice il consacra le vin de la même manière et le donna à ses disciples en disant : « Buvez en tous car ceci est mon sang qui sera répandu pour vous… faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22, 17-20).
L’Eucharistie est l’un des Sept Sacrements, et le plus grand de tous, le Saint Sacrement institué par Notre Seigneur Jésus-Christ. Il contient réellement le Corps, le Sang, l’âme et la divinité du Christ. Ce n’est pas une « simple image »… quelque chose comme un symbole, une figure ou une représentation… C’est le Christ lui-même, avec sa nature divine te humaine, inséparables l’une de l’autre, le Christ en personne, la deuxième personne de la Sainte Trinité, avec a propre substance.
Comment cela peut-il se faire ? Il est vrai que c’est là un grand mystère.
Déjà à Capharnaüm les auditeurs de Jésus trouvaient ses paroles sur le pain de vie trop rudes ! Ils le quittèrent à l’exception des apôtres. A nous de faire aussi le choix de foi devant le mystère de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Oui ! C’est étranger contraste entre ce que voient nos yeux… un peu de pain, une frêle hostie, une petite ombre blanche et ce que découvre notre foi : l’Infiniment Grand, le Dieu tout-puissant créateur du ciel et de la terre, de l’Univers entier, des choses visibles et invisibles. Celui qui est le Seul Saint, le Seul Seigneur, le Seul Très-Haut ! Il faut pourtant faire un effort d’intelligence pour comprendre comment l’Eucharistie peut se réaliser, sans aller contre la nature des choses.
Tout le monde sait, ou doit savoir, que tout être corporel est composé de deux éléments bien distincts : l’un qu’on appelle la substance, l’autre la force ou les apparences. La substance des corps c’est ce qui en est l’élément essentiel, la réalité profonde, immuable, insaisissable à nos sens, même munis des instruments scientifiques les plus perfectionnés. Par contre ce qu’on appelle la forme ou les apparences ce sont les qualités extérieures, accessibles à nos sens, ou aux expériences scientifiques… c’est la couleur, le poids, la qualité, ou encore le changement selon les conditions de durée, de climat, etc.
S’agissant de l’Eucharistie, il est tout indiqué que nous prenions le pain comme exemple. Qu’est-ce que le pain ? Qu’est-ce qui fait que le pain est du pain, et non pas une orange ou un œuf ? Son goût ? Son poids ?... Absolument pas… C’est sa substance… La substance qui est la sienne et non celle de l’orange ou de l’œuf et qui est à la fois insaisissable et distincte des apparences. Sans doute, en laboratoire, par des analyses, on pourra bien mettre en formules chimiques ce qu’il y a, par exemple, sous les apparences du pain et du vin, mais l’énigme de la substance n’en sera pas pour autant résolue.
Cela étant, on demande aux objecteurs du Mystère Eucharistique pourquoi la toute puissance de Dieu Créateur et maître de toutes choses ne pourrait pas, aux paroles consécratoires du prêtre à la Messe, changer la substance de ce pain eucharistique que sont les hosties en celle de son Corps, et la substance du vin, en celle de son Sang, les apparences demeurant intactes ?… Par analogie, un tel changement ne s’opère-t-il pas tous les jours en nous-mêmes par les aliments dont la substance nourrit notre corps en se transformant en notre chair et notre sang ? Ainsi en est-il de l’Eucharistie. Prenant la place de la substance du pain et du vin, le Corps et le Sang de Jésus-Christ, substantiellement présents, sont devenus nourriture divine de l’âme et du Corps. La substance ne se divise pas ; la substance d’une miette de pain qui est du vrai pain, est la même que celle de tout le pain du monde. Une parcelle d’hostie consacrée contient le Christ tout entier réellement présent avec la substance de son Corps, de son Sang, de son âme et de sa divinité, comme il l’est dans toutes les hosties consacrées du monde entier !
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). L’Eucharistie n’est pas seulement le tabernacle où Dieu demeure en permanence au milieu de nous ; c’est aussi le sacrement de soi, de l’amour de Jésus qui se donne à nous par amour suprême jusqu’en mourir sur la croix. Par la sainte Communion, Jésus-Christ réalise avec nous l’union des personnes. L’homme dans l’enthousiasme de son amour voudrait s’unir à ceux qu’il aime au point de s’identifier à eux. Il veut l’unité de la vie et l’intimité affective. La légende du Pélican dit que ce grand oiseau blanc, après avoir exploré et fouillé les falaises, les grèves et les vagues pour la nourriture de ses petits, et n’ayant rien trouvé, s’en revient tristement à son aire et là, de déchire les flancs pour donner à sa couvée sa propre chaire et son propre sang. Il faut que les petits vivent.
Partager son repas avec quelqu’un, donner à manger à quelqu’un c’est lui donner la vie. Ce qui me fait vivre, je te l’offre pour que tu vives comme moi, pour que tu vives avec moi. Et les mamans, de donner tendrement de leur chair et de leur sang, par le lait maternel, aux bébés, pour que ceux-ci vivent, grandissent et deviennent comme tous les adultes. Jésus par amour se donne à nous pour que nous vivons de lui, en lui et par lui : « Voici, je me tiens à ta porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvra la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui et lui avec moi » (Ap.3, 20). Accueille-t-on chez soi une personne bien aimée sans s’habiller le cœur, sans apprêter sa maison ? Partage-t-on son repas de fête, avec un convive de marque ou un ami cher sans lui offrir le meilleur vin de la réserve. Retrouve-t-on un parent ou une affectueuse amie revenue d’un lieu en guerre sans jubiler de joie et sans louer le Dieu vivant ? L’Eucharistie, c’est la fête du partage, de la convivialité, de l’action de grâces.
Combien sont-ils ceux qui entendent sa voie et lui ouvre la porte de leur cœur, de leur vie, de leur foyer, de leur pays ? Combien d’entre nous congolais acceptent de prendre Jésus comme hôte de leur existence et comme invités de Celui qui est la lumière véritable, l’amour par excellence, le chemin qui conduit au Père, la vérité tout entière, la vie éternelle ? Combien ?
On préfère vouer son corps et son cœur, son foyer et ses enfants, son commerce et son pays à Satan et ses idoles. On préfère se nourrir des viandes sacrifiées aux idoles, se gaver des vins enflammés de la colère, de la haine et de la division. On préfère devenir les artisans de la mort au lieu de choisir et de vivre de Celui qui a les paroles de la vie éternelle. Célébrer la fête du Saint Sacrement c’est ouvrir large son cœur à l’amour et la vie nouvelle de Jésus dans l’Eucharistie, jusqu’au point de dire avec Saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Quant à ma vie présente, dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi ».
Voilà ! La vie nouvelle ne volatilise pas le Moi en lui substituant la divinité ; elle est une irruption continuelle de la vie du Christ en un Moi qui, dès lors, loin de se dissoudre, se renouvelle sans cesse. Christ est désormais l’unique source de vie et d’existence du croyant. Ce n’est ni magie, bi théophagie, mais participation à la vie nouvelle de Jésus-Christ qui se donne à nous par amour.
Abbé Albert NKOUMBOU
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