mardi 22 avril 2025
La fin du mois de mai 1972 va être mise à dure épreuve par la santé de Monseigneur Théophile Mbemba. Dès le 25 mai, le Docteur Castellan est appelé pour les soins d’urgence. L’Archevêque de Brazzaville ne mange presque plus, par perte grave d’appétit. Les examens révèlent un taux élevé de sucre dans le sang. Le 26 mai, le malade est admis à l’Hôpital Général de Brazzaville, au deuxième étage, dans la salle n° 50. Pendant que les Dr Bordes et Castellan s’activent sur le malade, Monseigneur Biayenda est autorisé à rester à côté de son évêque. Il le fait dans la prière jusqu’à midi, en confiant la santé de son confrère aîné à Notre-Dame du perpétuel secours.
Le soir du même jour, après avoir obtenu l’accord du patient, il lui administre l’Onction des malades, en présence du Père Didace Malanda, de l’Abbé Louis Badila et de Monsieur Marc Nkazi, le cuisinier de la maison épiscopale. Une religieuse infirmière, Sœur Élisabeth, est de garde, ce soir-là dans le service. Au moment où Monseigneur Biayenda quitte la salle, l’Archevêque malade le rappelle vers lui et lui chuchote à l’oreille : « Aidez à leur développement les œuvres commencées ». La succession est faite, le coadjuteur avec droit de succession ne peut se dérober. Il n’est plus Simon de Cyrène qui a aidé Jésus, jusqu’à ce jour, à porter sa croix ; il prend la place de Jésus, il porte la croix, il monte vers le Calvaire. Un mois et neuf jours après son ordination épiscopale, Monseigneur Biayenda, qui vient de donner le sacrement des malades à son évêque, dans cette chambre n° 50 du deuxième étage de l’HGB, a humblement répondu : « Oui, Monseigneur ! ».
Le lendemain, l’état du malade s’améliore, il reçoit la Mère générale des Filles de la charité qui est arrivée à Brazzaville, pour ouvrir une communauté à la paroisse Jésus Ressuscité du Plateau des 15 ans. La bénédiction de la première pierre de la nouvelle église en construction a été déjà faite par Monseigneur Biayenda.
Dans les paroisses, des prières sont faites pour soutenir Monseigneur Mbemba ; la messe en l’honneur des Martyrs de l’Ouganda, ce 3 juin, est dite à la Cathédrale pour lui. C’est la période des confirmations, Monseigneur Biayenda parcourt aussi les paroisses de Brazzaville ; ses visites à « notre cher malade », comme il l’appelle maintenant sont quotidiennes. La santé de celui-ci ne s’améliore plus, même s’il a recommencé à manger.
Monseigneur Biayenda n’hésite pas à aller lui-même chercher ce que l’estomac et le bon vouloir du malade peuvent tolérer. Les Sœurs dominicaines de la Rue des Mbochis en sont édifiées. Elles témoignent : « Sa délicatesse pour soigner, réconforter, assister Mgr Mbemba, à ses derniers moments, jusqu’à lui chercher partout les carottes qu’il désirait manger avant sa mort, nous a vraiment édifiées ».
Le mercredi 9 juin 1971 : notre cher malade accomplit ses 25 ans de vie sacerdotale. Ce jubilé d’argent d’un aîné évêque enchante Monseigneur 23Biayenda, qui note dans son cahier journal : « Je suis allé, dans sa chambre d’hôpital N° 50, offrir la sainte Messe et ainsi, bien que couché, il a pu concélébrer avec moi ». Le projet d’une visite pastorale à Kindamba impose son imminence à l’évêque coadjuteur.
Il hésite d’y aller, il pense même y envoyer l’Abbé Louis Badila, Vicaire Général. Notre cher malade est ferme, il demande à son coadjuteur de partir : « Allez, s’il y a quelque chose, on vous téléphonera », me dit-il. On se dit au revoir et je lui donne ma bénédiction. Il la voulait toujours. En quittant un malade, il faut toujours le bénir. Cela est un grand réconfort pour lui. « Le Père Soudant est venu me voir et m’a laissé sa bénédiction », nous dit-il lors de nos premières visites, où on allait le quitter par de simple au revoir seulement.
L’obéissance est une vertu qui n’a jamais perdu sa place dans la vie de Monseigneur Biayenda ; il quitte Brazzaville, prend le repas de midi à Mindouli et atteint la paroisse St Théophile de Kindamba, à 17 heures. La joie de l’accueil et l’instruction des confirmands allègent son fardeau de pensées tendues vers le cher malade. Est-ce pour longtemps ? Il ne le peut : les 285 confirmations finies, ce dimanche 13 juin, après le repas, il faut repartir pour Brazzaville. Il passe la nuit à Mindouli, n’ayant pas d’autres nouvelles de Brazzaville.
Le lundi matin14 juin, alors qu’il a fini de célébrer la messe et se tient encore devant le Saint-Sacrement pour l’action de grâce, on vient lui annoncer le décès de Monseigneur Théophile Mbemba, survenu à 5h du matin. Tout va aller très vite : « Sans plus rien demander, nous précipitons, en pleurs, le départ pour Brazzaville… A Kinkala, nous prenons une tasse de café à la mission et continuons notre chemin pour arriver à l’évêché vers 11h. Le corps de notre vénéré frère a été lavé et habillé en habits épiscopaux et déposé encore à la sacristie. J’arrive, je l’embrasse et nous pénétrons dans le chœur de la Cathédrale archicomble de monde en prière et bientôt en sanglots. Monseigneur sera ainsi, jusqu’à minuit où nous procéderons à la mise en bière… La veillée priante et émouvante continuera toute la nuit. La messe des funérailles aura lieu demain, à 15heures, sur la place de l’Archevêché. Yaya bien aimé, reposez en paix ! ».
Les trois premières pages de l’hebdomadaire « La Semaine » seront consacrées à ce deuil, avec des titres comme : « La mort d’un père, Monseigneur Mbemba, archevêque de Brazzaville » ; « Brazzaville fait d’émouvantes funérailles à son archevêque défunt, Mgr Théophile Mbemba » ; « Une vie exemplaire ». Plus de vingt mille personnes assistent à la messe des funérailles.
Le Gouvernement de la République Populaire du Congo était représenté par Me Aloys Moudileno-Massengo, ministre de la Justice et de l’Information. C’est M. le Ministre qui lit le message du Président de la République du Congo et décore, à titre posthume, Mgr Théophile Mbemba, le faisant « Commandeur du mérite congolais ».
A.A.Nk.
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