jeudi 29 août 2024
A l’occasion de la célébration du 37ème anniversaire de la mort du Cardinal Émile Biayenda, Monsieur l’Abbé Jacques Bouékassa a bien voulu envoyé depuis la Gouadeloupe cet article. Selon l’auteur, Ceci pourrait paraître insolite et inouï que de parler de cette vertu à propos de notre vénéré Pasteur le Cardinal Émile Biayenda.
Les temps que nous vivons et qui sont pleins de mutations fortes et rapides, nous poussent souvent et c’est tant mieux, à regarder en arrière afin de trouver dans le passé des témoins, des personnes qui ont agi efficacement par rapport aux situations similaires aux nôtres. Le Cardinal Émile Biayenda est un témoin pour chacune et chacun de nous, car il a toujours réagi avec confiance devant les situations, combien difficiles de son époque.
Né à Malela Bômbe, la vie d’enfance du Cardinal, nous montre bien de situations qui lui ont demandé de vivre dans la confiance avec les autres et avec lui-même. S’il avait des qualités intellectuelles extraordinaires ou pas, il n’a pas fait ses études aussi bien primaires (à Boundji, dans la Cuvette) et secondaire (à Mbamou, dans le Pool) sans caresser toujours la confiance.
N’avons-nous pas du mal aujourd’hui à saisir pourquoi et comment fallait-il aller faire l’école si loin de ses parents, même si c’était pour une année de cours seulement ? Tout ceci s’est passé assurément dans cette confiance du Cardinal et celle-ci nous fait fatalement défaut aujourd’hui.
De retour de Boundji, après son certificat d’études primaires, il s’est présenté comme candidat pour entrer au petit séminaire de Mbamou dirigé de mains de maître par le Père Jean Morizur, bâtisseur du Mbamou moderne et dans cet environnement, il a affronté avec une grande confiance tous les aléas de l’éducation dans un petit séminaire de l’époque.
Tous ceux qui sont passé par le petit séminaire de Mbamou, surtout bien avant 1960, savent bien que ce n’était pas une sinécure à l’époque d’avoir la vocation pour la prêtrise. Il était souvent rappelé aux séminaristes qu’on ne venait pas au séminaire pour « être prêtre, mais pour voir si on avait la vocation ».
Sans aucune confiance en Dieu, la première idée qui traversait la tête du séminariste, c’est de rejoindre les parents et ne plus penser au sacerdoce. Nous avons souvent entendu parler du renvoie du jeune séminariste Émile Biayenda au village parce qu’il venait de casser une dame-jeanne et qu’il se devait de restituer. Ce n’est pas n’importe qui, qui pouvait accepter une telle décision et il fallait un gros cœur pour l’accepter. C’est là une preuve de ce qu’était la vertu de confiance dans le Cardinal, même pendant son petit séminaire.
Ceux qui ont passé ces mêmes moments avec lui à Mbamou, nous ont bien raconté des faits de tension entre professeurs et séminaristes et souvent, le jeune Émile se présentait pour se dire coupable. Il prenait la place des autres comme le bouc émissaire de la Bible qu’on envoyait dans le désert en lieu et place du peuple pour expier leurs péchés. Ce comportement de bouc émissaire qu’il affichait souvent, aurait poussé les autres séminaristes à l’appeler « Le Saint ». Pour les anciens séminaristes, ils savent bien que donner un surnom à un collègue et même à un professeur ou au directeur lui-même est une pratique très courante.
Quand on manquait de confiance et d’assurance, cela finissait par exploser. Mais aux dires de ses collègues, le jeune Émile se sentait à l’aise avec tout le monde. Pendant tout son séjour au petit séminariste de Mbamou, il aura été ce jeune plein de confiance en Dieu, aux encadreurs, aux autres collègues et bien sûr en lui-même. Cette confiance-assurance qu’il avait en lui-même ne pouvait le disqualifier, car il la vivait et l’exprimait si possible dans son humilité devenue depuis légendaire.
Devenu grand séminariste et prêtre de Jésus-Christ, il n’avait jamais cessé de tout vivre et réaliser dans la confiance au Seigneur et dans les hommes.
En regardant le cahier journal du Grand Séminaire Libermann, à l’époque, et quand on tombe sur les journées qui avaient été remplies par lui, on en revient pas. On voit à travers ses lignes et son écriture, un homme appliqué, plein de confiance qui retraçait tout ce qui s’était passé dans la journée au séminaire avec minutie et précision. Personnellement, j’ai eu un grand plaisir à lire les passages écrits par lui dans le cahier journal du Grand Séminaire Libermann.
La confiance en la vie de la part du Cardinal s’est bien épanouie pendant son ministère à la Paroisse St Jean Marie Vianney de Mouleke, là où personnellement je l’ai croisé, vu vivre pendant que j’y venais en vacances et d’ailleurs je l’avais déjà écrit ici même dans ce journal de La Mémoire. A le voir vivre sa vie de prêtre qui était configuré à celle du Saint Curé d’Ars, on ne pouvait qu’être certain qu’il ne misait que sur Dieu. Et pourquoi le penser et le dire ? Mais tout simplement, parce que celui qui mise sa vie sur Dieu, se voit tout changé dans sa vie. Cela arrive à tout ceux et celles qui connaissent Dieu et mettent toute leur confiance en lui. C’est au fur et à mesure qu’on avance dans cette relation de confiance avec le Seigneur que nos sécurités purement terrestres deviennent précaires et qu’on s’assure de la bienveillance de Dieu.
N’est-ce pas ce que vivaient les paroissiens d’alors de Mouleke ? Notre Cardinal, est cet homme qui tout au long de son ministère et cela dès qu’il l’avait commencé, qui n’avait pas du tout misé sur lui-même, sur des garanties humaines, mais qui sans cesse a misé sur Dieu dans un abandon total et joyeux. Il a découvert dans cette relation de parfaite confiance avec Dieu qu’au milieu des épreuves, le Seigneur est comme un ruisseau d’eau dans lequel on se jette pour se soulager de la chaleur du jour.
Cette confiance du Cardinal en Dieu et en l’homme a vivifié sa foi et sa charité personnelles et elles lui ont permis de pas faire de reproches intempestifs à tous ceux et toutes celles qui vivaient dans l’indifférence religieuse enseignée par le marxisme–léninisme. Sa confiance en Dieu, sa patience et sa douceur sont bien de témoignages de cette confiance qui était la sienne dans le Seigneur, qui seul a fait des merveilles.
Comme au cours d’une homélie, j’aurais bien voulu poser la question de savoir, si aujourd’hui notre confiance dans le Seigneur, nous permet de porter un témoignage devant nos frères et sœurs notamment les jeunes aux prises avec l’indifférence religieuse, avec l’athéisme, le scepticisme et la quête de Dieu dans des lieux qui ne présentent pas du tout Dieu, mais plutôt autre chose.
Dans sa vie de confiance toute reliée à Dieu, le Cardinal Émile Biayenda a respecté l’action de Dieu dans le cœur de ceux et celles dont il avait la responsabilité (enfants, familles, jeunes, séminaristes). La référence reste ses lettres pastorales sur la Famille, sur l’Éducation des enfants et toutes ses paroles sur la prise en mains par les chrétiens congolais du développement social, politique et économique de notre pays le Congo.
Pour illustrer encore cela, je peux citer cet incident du Grand Séminaire. Après que les grands séminaristes que nous étions, avions refuser une composition de liturgie et pour cause cette matière était enseignée par un professeur congolais : l’abbé Dominique Kimbembo et la même matière revenait une semaine après à l’examen de fin de semestre. Pour alléger les choses nous avions demandé que cette matière se fasse en un seul contrôle et nous avons refusé la composition du jeudi. A cause de cela nous avons été renvoyés et le vendredi matin, dès 6hoo, nous avons vu le Cardinal débarqué et bien sûr, tout furieux, mais plein de douceur aussi, il ne s’empêcha pas de crier : « Voilà, ce que nous craignons, est arrivé ! » Il nous demanda et en faisant confiance en chacun de nous de partir chez nos parents et de ne revenir le lundi qu’avec l’accord de son évêque. Et nous sommes partis, mais aucun n’était revenu avec une signature de son évêque. Même ses séminaristes à lui, étaient revenus sans être aller le voir. Ceci démontre bien cette vertu de confiance du Cardinal et ceci suppose de sa part délicatesse et refus de toute démission. C’est d’ailleurs cette vertu encore, qu’il a poussée jusqu’à l’extrême qui a fait qu’il connaisse une mort si ignoble et tragique. Il n’avait pas voulu démissionner de ses responsabilités de pasteur de son peuple.
Pour conclure, il n’y a pas meilleure parole à mettre dans la bouche du Cardinal que cette parole du théologien français Maurice Bellet : « Ce qui importe est d’aller vers le simple et vivre ce qui est vivant, et laisser mourir ce qui est mort ». C’est en partie, ce qu’a été la vie pleine de confiance et de douceur de notre vénéré Cardinal.
Il a été simple dans sa vie et n’a cherché que ce qui donnait la vie et non autre chose. Ainsi donc, s’il a accepté cette mort tant odieuse qu’ignominieuse comme un martyr, c’est pour que nous vivions au Congo.
Le sang de notre martyr Cardinal Émile Biayenda doit être la semence d’une vie sans haine, sans exclusive entre nous Congolais.
Et je termine ces quelques lignes par ces paroles de confiance en l’homme congolais et seul lui a dit et que personne n’a osé crier haut et fort dans notre pays gangrené par le micro nationalisme (tribalisme) : « Qui parmi vous acceptera d’aller enseigner aux jeunes congolais que le Mbochi est frère du Lari, que le Teke est frère du Vili, que tous les hommes doivent s’aimer comme des frères et que Dieu notre Père demandera à chacun ce qu’il aura fait aux autres. Voilà le travail de base qui fait défaut à notre monde ».Ces paroles de son homélie à l’occasion de l’ordination du Père Ernest Kombo en 1973, ne peuvent que nous confondre aujourd’hui.
Abbé Jacques BOUEKASSA
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