lundi 2 décembre 2024
A l’occasion du 43ème anniversaire de la mort du premier Archevêque Congolais, Mgr Théophile Mbemba, le journal La Mémoire Biayenda consacre quelques colonnes pour présenter ce vénéré pasteur qui sa vie durant de pasteur était resté un homme simple qu’il avait été comme curé de paroisse ou vicaire de campagne ; il ne s’est jamais posé en tribun, ni en prophète ; il n’a jamais voulu jouer au grand homme.
Le 3 décembre 1961, le Congo apprend avec joie qu’il a son premier évêque congolais. L’Abbé Théophile Mbemba est nommé Coadjuteur de l’Archevêque de Brazzaville. Il est sacré le 11 février 1962, à Brazzaville par Mgr Michel Bernard, accompagné de Mgr Mongo (de Douala) et Mgr Nzila (de Matadi), au cours d’une inoubliable cérémonie dans le stade Éboué. Sa devise épiscopale est à l’honneur de la Vierge Marie : « Esto Mater Propitia, Tu es la Mère Propice, qui vole en avant ».
Deux ans plus tard, le 24 juin 1964, Mgr Bernard ayant vu sa démission acceptée, Monseigneur Mbemba est nommé par le Pape, Archevêque de Brazzaville. Il sera intronisé solennellement par le Délégué Apostolique Mgr Belotti, le 7 février 1965.
Monseigneur Théophile Mbemba très marqué par les orientations du Concile Vatican II, fonde deux congrégations religieuses : celle des Frères de Saint-Joseph, et celle des Religieuses Congolaises de Notre-Dame du Rosaire.
Comme archevêque, il a adressé à ses chrétiens plusieurs lettres pastorales, dont celle de 1970 pour inviter les fidèles à travailler au développement de leur pays, et celle du 27 février 1971, intitulé : « Devant les conditions inhumaines de la veuve dans notre société, il est coupable de se taire ».
La protestation et les solutions proposées se fondent sur un principe évangélique qu’il énonce dès les premières lignes du document : « En ce temps de Carême, regardons en face, en toute objectivité et loyauté, la veuve de chez nous. Si nous affirmons que : « Tout homme est mon frère », nous nous engageons par le fait même à améliorer la situation de la veuve frustrée, hélas, de ses droits les plus légitimes ». Il meurt donc le 14 juin 1971, vingt cinq ans et cinq jours après son ordination sacerdotale.
Après son inhumation, la rédaction de l’hebdomadaire catholique de Brazzaville « La Semaine Africaine » déclare : « Comme Archevêque, Monseigneur Mbemba était resté l’homme simple qu’il avait été comme curé de paroisse ou vicaire de campagne ; il ne s’est jamais posé en tribun, ni en prophète ; il n’a jamais voulu jouer au grand homme… Et pourtant, chacun ressentait que malgré sa simplicité et sa bonhomie, il était le chef, le vieux chef respecté parce que plein de sagesse, de clairvoyante fermeté et de discrète mais indiscutable autorité. Et surtout, qu’il était le père d’une immense famille, avec bonté et compréhension, sachant parler mais aussi se taire et accepter, en silence, la peine que pouvaient lui faire ses enfants ; parce que, pour donner une dimension nouvelle à ses sentiments humains, il avait, profonde, la chaleureuse tendresse de son cœur de prêtre ».
Avait-il trouvé en Monseigneur Émile Biayenda un digne semblable et successeur ? La réponse affirmative coule de source : il le voulait son successeur ou plus, et avec quelle intuition prophétique ! Pour les deux serviteurs de Dieu, il est permis de chanter : « Exaltavit Humiles », Il a élevé les humbles !
La mort de Mgr Mbemba a fortement ébranlé son successeur, qui l’avoue dans sa première lettre circulaire : « Frères, après une pareille perte, tous vous vous sentez déboussolés, désorientés, désemparés et Nous-même avec vous ». Mgr Mbemba aura été pour les chrétiens et les citoyens congolais « plus qu’un ami, un frère, plus qu’un frère, un père ; un Pasteur bien-aimé ». De lui, le successeur va hériter « d’une vie lumineuse et silencieusement rayonnante, avec une âme profondément unie à Dieu ». En travaillant avec lui et en l’assistant dans sa maladie, Monseigneur Biayenda s’inscrira à une école de foi et de don de soi pour l’Église. Il en retiendra les leçons : « Nous qui avons eu l’immense grâce de l’assister en votre nom à tous, nous savons combien il offrait ses souffrances en sacrifices d’agréable odeur pour la prospérité spirituelle et matérielle de son pays, de son Église, de son Diocèse, de son Clergé et de ses œuvres ». Au cœur de sa démarche spirituelle, il y a un engagement personnel pour une insertion quotidienne dans la vie de l’Église locale et universelle.
Le prêtre marqué par la vie spirituelle de Charles de Foucauld et de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus vit son enfouissement au cœur des communautés chrétiennes, tout en étant à la tête du troupeau qui lui a été confié. Il ne cesse d’affirmer sa volonté de développer les œuvres de son prédécesseur ; il veut le faire avec l’ensemble de ses frères et sœurs chrétiens de l’Archidiocèse : « Les heureuses circonstances qui ont entouré sa mort silencieuse et paisible, c’est le signe que les hommes et Dieu l’ont approuvé et aimé dans sa vie et dans ses œuvres. Aussi c’est sans hésitation aucune que nous pouvons, à notre tour, tenir en lui un modèle discret à imiter et dont nous devons poursuivre sans tergiverser, les consignes et les œuvres par lui entreprises durant ses neuf années d’épiscopat. Et c’est, tous ensemble, que nous devons nous convaincre du devoir de nous engager à emboîter ses pas, pour la construction de cette Église et par là de notre cher Congo ». Les consignes sont précises : « voir se bâtir ici une Église solide et adaptée, les conseils presbytéraux, les conseils pastoraux, les œuvres de formation, les vicaires généraux, bref tout ce que notre vénérable prédécesseur avait érigé, devra poursuivre son fonctionnement ».
En allant remercier le Président de la République pour sa contribution personnelle et celle du gouvernement aux obsèques de Mgr Théophile Mbemba, le nouvel Archevêque s’engage à continuer de travailler pour l’unité du pays et le développement moral, spirituel et matériel des congolais.
En réponse et de façon très cordiale, le Commandant Marien Ngouabi reconnaît le rayonnement du christianisme au Congo, l’engagement de Mgr Mbemba pour l’unité du pays. Il rappelle aussi que l’Archevêque défunt s’est, une fois, dérangé pour aller, lui-même, dire au Commandant Joachim Yhombi le mal que causait aux chrétiens ses émissions radiodiffusées. Depuis 1968, constate-t-il, aucun fait ne peut être reproché à l’Église ; s’il y a eu quelques faits regrettables, ils ont été isolés, on ne saurait les généraliser. La Constitution de la République reconnaît la liberté de culte ; des religieuses exercent aussi leur compétence ici et là pour le bien de tous, notamment dans les lycées et les hôpitaux. Enfin, il souhaite que Monseigneur Biayenda revoit le Commandant Yhombi pour l’église de Mpila. A la fin de la visite, pour la première fois, un journaliste vient recueillir les impressions de l’Archevêque sur sa rencontre, ce 2 juillet, avec le Président de la République.
La fraternité de l’Église sœur du Congo-Kinshasa a été manifeste durant les obsèques de Mgr Mbemba. Au moment où le diocèse de Matadi va avoir un nouvel évêque, il convient que l’Église du Congo-Brazzaville participe effectivement à l’action de grâce d’un tel événement.
Du 3 au 8 juillet 1971, accompagné de huit clercs et une quarantaine de laïcs, Monseigneur Biayenda séjourne à Matadi via Kinshasa, pour l’ordination épiscopale de Son Excellence Monseigneur Raphaël Lubaki. De retour à Brazzaville, la joie du séjour à Matadi trouve son prolongement dans la réussite au Brevet de deux juvénistes des Religieuses Congolaises de Notre-Dame du Rosaire. Les séminaristes de Mbamou ont été également brillants ; mais le chou blanc des candidats Frères diocésains de St Joseph arrache quelque regret à l’Archevêque.
Après la mort de Mgr Théophile Mbemba, Fondateur des deux congrégations diocésaines, Mgr Biayenda, son successeur, prend la paternité de l’œuvre. Les Religieuses Congolaises du Rosaire et les Frères de Saint Joseph, vont trouver en lui, à la fois un père généreux et un modèle de pauvreté, d’obéissance et de chasteté évangéliques. Il leur répète souvent : « Jésus est le modèle achevé de l’idéal humain du chrétien que nous devions être ; puisque le Christ révèle pleinement l’homme à l’homme et Dieu à l’homme. Il est notre Rédempteur et Sauveur, fait homme parce qu’il est pleinement Amour… Mettons-nous à son école ».
Plus spécialement aux religieuses, il recommande : « Ayez un cœur de Mère, un esprit de jeunesse, une disponibilité d’enfant, un don de dévouement, une main offerte… ». La croissance de ces deux familles religieuses va le hanter et prendre une large part de son savoir-faire jusqu’à l’épuisement. Sœur Jacqueline Moundele témoigne sur ce bon pasteur qui deviendra Cardinal par la suite : « Le Cardinal était bon, conciliant et patient. Il a fait tout ce qu’il a pu pour continuer l’œuvre de Mgr Mbemba. Il a dû gérer et faire face à tous les malentendus provoqués par la création des Congrégations des Sœurs Congolaises du Rosaire et des Frères de St Joseph. Il tenait à venir lui-même célébrer les messes chez nous pour nous réconforter. Maintes et maintes fois, nous avons eu des réunions avec lui et M. l’Abbé Louis Badila sur les vocations religieuses. Tant qu’il était à Brazzaville, nous ne passions jamais un mois sans le rencontrer. Il venait parler fréquemment aux juvénistes »
Abbé Albert Nkoumbou
Extrait de son livre : « Le Cardinal Émile Biayenda Martyr de la foi chrétienne »
Qui était Mgr Théophile Mbemba ?
Celui auquel Monseigneur Biayenda va désormais succéder peut être considéré comme son prédécesseur, non seulement dans la prêtrise et l’épiscopat, mais aussi sur les chemins de la sainteté.
Né le 6 mai 1917, au village Mpiaka (Brazzaville) de Joseph Bounkazi et de Marie Malounga ; septième d’une fratrie de neuf enfants dont six garçons et trois filles, tous, aujourd’hui chrétiennement décédés.
Baptisé en 1925, à la Mission de Kindamba (la même que Biayenda Émile), scolarisé en 1927, à l’école Jeanne d’Arc de Brazzaville où éclot sa vocation.
En 1930, il est admis au Petit Séminaire de Brazzaville, dans une promotion de neuf postulants dont deux parviendront au sacerdoce. Il fait ses études secondaires au Cameroun , au Séminaire d’Akono, en 1934, puis au Grand Séminaire de Yaoundé à partir de 1936. De 1939 à 1945, il est au Séminaire St Jean de Libreville.
Il est ordonné prêtre le 9 juin 1946, à Brazzaville ; il enseigne au Petit Séminaire St Paul de Mbamou, pendant une année, puis il est vicaire à la paroisse St Joseph de Linzolo, de 1947 à 1949, avant d’aller contribuer au développement de la mission Notre-Dame Auxiliatrice de Voka, de 1949 à 1956. La même année, il est affecté comme Curé de la paroisse Notre-Dame du Rosaire de Bacongo, à Brazzaville.
Curé doyen du territoire de la sous-préfecture de Brazzaville, en 1958, Vicaire Général en 1960 et responsable de la fraternité du District de Brazzaville et de l’Union Sacerdotale.
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