vendredi 6 juin 2025
Les évènements sont nos maîtres. Ils sont pour tout chrétien une tâche à accomplir ou une parole à déchiffrer. Cette année, point n’est besoin pour les chrétiens congolais de faire un effort pour « actualiser la parole de Dieu qui nous parvient, en cette Semaine Sainte, à travers les textes de la Passion et de la Résurrection. La mort tragique - (tragique comme le fut celle de Jésus) - du Cardinal Émile BIAYENDA au Congo (comme aussi celle. il n’y a pas si longtemps, de l’Archevêque anglican ougandais Janani LUWUM et de bien d’autres prélats qui remettent sous les yeux de tout chrétien africain l’actualité de la mort-résurrection de Jésus-Christ.
« Mysterium crucis » :« Quel que soit le domaine où sa réflexion l’ait conduit, écrit le P. Henri de Lubac, le chrétien est toujours ramené, comme par un poids naturel, à la contemplation de la croix. Tout le mystère du Christ est un mystère de résurrection, mais il est aussi un mystère de mort. L’un ne va point sans l’autre, et un même mot les exprime : la Pâque. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé bon de reproduire un article paru dans le journal « La Semaine Africaine », d’il ya 37 ans déjà, en mémoire de notre vénéré Cardinal Émile Biayenda, pour donner à nos lecteurs quelques extraits de l’homélie prononcée par l’Abbé Louis BADILA, Vicaire général, à cette messe des funérailles. L’Évangile choisi avait été celui des disciples d’Emmaüs, en Saint Luc, au chapitre 24 : la chrétienté du Congo était entrée, avec deux semaines d’avance, dans les ténèbres du Vendredi Saint, mais, dans la foi, nos yeux, incertains parce qu’embués de larmes, voyaient se lever la lumière de Pâques : Mort et Résurrection...
C’est au nom de Jésus-Christ, mort et ressuscité, que nous sommes rassemblés ce matin. Depuis le 18 mars, nous vivons dans la consternation et la souffrance. La violence s’est ouvert un chemin. Elle perturbe la vie, la paix et l’unité de tout notre pays. Le deuil remplit notre cœur de sa tristesse. Certains sont atteints dans leur espérance et même dans leur foi en Jésus-Christ. (...) C’est au nom de Jésus-Christ que nous sommes rassemblés. Car Dieu n’abandonne pas ses enfants envahis par les ténèbres de la mort. Sur la route allant de Jérusalem à Emmaüs, deux disciples de Jésus vivaient sa crucifixion et sa mort dans le désespoir. Ils avaient quitté les autres disciples. Ils s’étaient divisés. Leur désespoir était à son comble.
Nous sommes comme eux, perdus dans leurs pensées décevantes, éprouvant le vide de leur existence depuis la mort de Jésus.
Nous sommes rassemblés, ce matin, parce que Jésus-Christ nous a donné rendez-vous. Jésus-Christ vient nous visiter. Jésus-Christ vient nous écouter. Jésus-Christ vient illuminer notre deuil pour que notre tristesse se convertisse en joie.
Si Jésus-Christ, lui-même, venait nous parler de la vie de notre cher disparu, il pourrait nous dire ceci :(...)
« J’aime votre Cardinal et je vous aime tous, sans exception... Dès le début de votre formation chrétienne, vos éducateurs dans la foi vous ont demandé de suivre mon exemple, c’est-à—dire d’imiter ma vie de Fils de Dieu. « Que n’ai-je pas fait pour vous révéler l’Amour de Dieu, notre Père, et la dignité de votre vie humaine, personnelle et communautaire ?
« Je suis venu habiter parmi vous. J’ai partagé votre vie, vos angoisses, vos peurs et vos espérances. Je vous ai conduit sur le chemin de la vérité : vérité de votre vie, vérité du bien, reconnaissance de la réalité destructrice du mal, vérité de la création, vérité de votre libération, vérité de Dieu.
« Je suis venu dans vos ténèbres pour vous donner la lumière. Je vous ai aimés jusqu’au bout. Depuis votre premier signe de croix, vous savez que je me suis donné totalement et librement en obéissant jusqu’à ma mort sur la croix. Vous savez qu’à travers ma mort, Dieu a manifesté la puissance vivante de son amour. Vous savez que je suis vivant et que ma mission continue par mon Église et par vous.
« Je disais à mes deux disciples qui retournaient chez eux, à Emmaüs : « Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes ! ».
Frères et sœurs, c’est moi qui vous parle maintenant. Nous ne comprenons pas les évènements que nous vivons ces jours-ci à Brazzaville. Ne manquons-nous pas, nous aussi, comme les témoins d’Emmaüs, de cette intelligence du cœur que nous donne la foi en Jésus Ressuscité ?
Notre cœur est lent à croire au don de la plénitude de vie et de paix que Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, partage avec notre archevêque aujourd’hui.
Comprenez-vous que, par son obéissance et sa fidélité, notre archevêque est devenu semblable au Christ jusque dans sa passion, sa mort et sa résurrection ?
Comprenez-vous le mystère eucharistique de l’Alliance nouvelle et éternelle scellée par le sang versé du Christ ? Notre pasteur, le Cardinal Biayenda, a mis ses pas dans les pas du Christ. II a été identifié au Christ, grand Prêtre et Victime.
Comprenez-vous que le chemin de la paix et de l’amour ouvert par le Christ est le fruit de son sacrifice au Calvaire ?
Comprenez-vous que le sacrifice de notre Cardinal ouvre largement le chemin de la paix et de l’amour parmi nous ?
La paix du Christ n’est pas simplement l’absence de guerre, l’absence de conflits ou de désordres.
La paix du Christ n’est pas la possession d’un bonheur passager.
La paix du Christ est son œuvre de réconciliation des hommes avec Dieu, créateur et libérateur. Le Christ nous donne son Esprit de paix, Son Esprit de sainteté.
La paix du Christ ne peut être détruite par la souffrance, le deuil, ou la persécution. Car la paix du Christ est plénitude de vie. Cette paix ; le Christ la donne à ses disciples avant de les quitter et de vivre son chemin de Croix : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » :
La paix du Christ est le message de notre Cardinal. De cette paix intérieure, vraie, dense, prend naissance la fraternité entre les hommes, l’unité et entre nous, la concorde et la tolérance.
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Animé par cette paix de l’Esprit du Christ comprenez-vous pourquoi, Monseigneur Biayenda était un pasteur accueillant, disponible et aimant ?
Dans les moments obscurs de sa vie, il sut dire, dans sa simplicité : « Seigneur Jésus, reste avec moi, reste avec nous car il se fait tard ». Il savait que la vraie rupture dramatique de l’homme n’est pas sa mort physique mais sa séparation de l’amour du Christ. Il sut vivre cette confiance totale dans le danger, dans la persécution, dans l’angoisse.
« Qui nous séparera de l’amour du Christ ? »
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