Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

dimanche 27 octobre 2024


L'église Ste Anne


Mgr THÉOPHILE MBÉMBA


Mgr BARTHÉLÉMY BATANTU


L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« L’héritage familial, un autre sujet tabou »

Chers Frères et Sœurs,

Un des gros obstacles au dialogue provient de la situation qui est faite à la femme, et même au mari, par leurs proches parents.

Dans son foyer, bien souvent, la femme ne se sent pas libre, elle se sent comme une étrangère dans la maison du mari. La famille du mari ne perdra pas une occasion, de le lui faire sentir : « tous ces biens ce n’est pas à toi, quand ton mari ne sera plus là on viendra tout prendre ». La femme subit, mais si le mari ne parvient pas à mettre de l’ordre vis-à-vis de sa famille, après 10 ou 12 ans d’épreuve ne sera-t-elle pas tentée de divorcer ?

Si elle a eu 2 ou 3 enfants avec son mari, elle se retrouvera parfois, avec 10 ou 12 personnes à nourrir : frères, neveux ou cousins et il faudra parfois aussi les habiller et payer leurs études. Le mari, s’il a un salaire, dira qu’il ne peut donner plus pour la nourriture, car ses sœurs viennent lui réclamer des pagnes et sa famille lui demander sans cesse de l’argent.

Si hélas le mari vient à disparaître, sa famille vient prendre sa case et tous ses biens. La femme est jetée dehors, dépouillée de tout avec ses enfants, même si elle a contribué à la construction de la case et à l’acquisition des biens du foyer.

Si la femme se plaint de toute cette situation, on l’accuse d’être contre sa belle-famille, d’entêter son mari, de vouloir accaparer les biens de son mari pour ses propres enfants et de le pousser à délaisser les enfants de sa famille. Alors, on la menace ... et la pauvre femme, sans moyen de défense, si elle n’est pas soutenue par son mari, capitule devant les exigences de la famille.

N’a-t-on pas vu une veuve à qui pourtant la famille avait donné la succession de son défunt mari, venir remettre quelques temps après, l’argent et touts les biens, en disant : « depuis que j’ai cet argent et ces biens, je me sens malade, c’est parce que j’ai pris ce qui vous revenait ». Tant sont fortes la force de la coutume et la peur de la sorcellerie.

Le mari, d’ailleurs, n’échappe pas non plus à cette insécurité et à ces pressions de la famille. S’il tarde à payer la dot, il sera menacé, lui-aussi. S’il n’aide pas assez sa famille ou si la femme ne plaît plus à la belle-famille et qu’il refuse de la renvoyer, ce seront toujours les mêmes menaces qui pèseront sur lui.

Mais le plus souvent les menaces sont pour la femme, et c’est elle qui se sent étrangère dans le foyer de son mari.

Comment s’étonner alors qu’entre mari et femme, le dialogue soit difficile, qu’il n’y ait pas de confiance, pas d’assurance pour l’avenir et que soit tenté d’organiser sa vie de son côté ?

La femme se sentant irresponsable dans un foyer où elle n’est pas chez elle, se désintéressera de la vie de la famille et n’y prendra aucune responsabilité.

Comment s’étonner également que dans le cas où la femme gagne un salaire, elle se refuse à le partager avec le mari et à participer aux dépenses du foyer, préférant remettre tout ou une partie de ce salaire à sa famille, qui l’accueillera le jour où son mari viendra à disparaître ? Salaire d’ailleurs que sa famille saura bien réclamer en disant : « on t’a élevée, on a souffert pour toi... S’il te renvoie, tu seras bien contente de nous trouver ».

Sans sécurité dans son foyer, la femme cherchera donc à assurer, elle-même et avec sa famille, sa propre sécurité. Elle s’achètera une parcelle sans le dire au mari : construira sa case, et le jour où une petite difficulté surgira avec le mari, elle sera toute prête à lui dire : « Tu peux me renvoyer j’ai ma case et j’ai mon salaire : je peux me débrouiller sans toi ». Qui ne voit pas qu’une telle situation favorise le divorce ?

Comment s’étonner que des jeunes époux qui s’aiment et veulent rester unis, aient tendance à prendre leurs distances et à chercher à aller vivre loin de leur famille.

Pourtant, si ce problème présente de graves inconvénients, il contient aussi des valeurs qu’il ne faudrait pas perdre. En particulier : il n’y a pas d’enfant abandonné : un enfant qui n’a pas à manger chez ses parents, en trouvera toujours chez un oncle ou chez un cousin. Une certaine redistribution des richesses s’effectue à travers la famille : celui qui gagne plus aidant celui qui gagne moins. Mais ce système ne favorisent-il pas aussi la paresse et le parasitisme de celui qui ne veut pas faire un effort pour travailler et vit aux dépens d’un frère ou d’un cousin ?

Cette prédominance de la famille sur le foyer est contraire au plan de Dieu, comme nous l’avons rappelé plus haut : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et ils feront à deux un seul être » (Gn. 2. 24) : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt. 19, 6).

Que les parents comprennent aussi qu’il y a d’autres valeurs dans le foyer que la procréation et la continuité de la lignée !

Que l’amour des époux, lequel s’exprime à travers leur union et à travers toute leur vie conjugale, que leur épanouissement que l’éducation des enfants sont aussi des valeurs qu’il faut respecter et dont les époux, eux-mêmes, sont les premiers responsables !

Qu’ils comprennent que le père et la mère se perpétuent à travers eux et qu’après la mort de l’un ou l’autre parent, leurs biens doivent revenir au conjoint qui reste et aux enfants, et qu’il est indigne de fils de Dieu, de traiter, comme cela se fait trop souvent la veuve et les enfants du défunt.

Certes, il est souhaitable que l’État légifère sur ces points et en particulier sur le problème de la succession ; qu’il fasse en sorte que la veuve et les enfants soient respectés dans leurs droits. Et que ceux qui ont pris conscience de cette exigence de justice et qui s’efforcent de la mettre en pratique, soient soutenus par la loi.

Mais les meilleures lois risquent de demeurer lettre morte, si elles ne sont pas accompagnées d’un changement des cœurs. Il faut de bonnes lois, mais il faut aussi de bonnes gens pour les appliquer.

Que les chrétiens prennent donc position quand ces problèmes se posent dans leur propre famille. Le frère est-il décédé ? : « Je refuse de prendre ce qui lui appartenait, cela revient à la veuve et aux enfants, et je n’accepterai pas que la veuve soit maltraitée et humiliée ».

Une nièce se marie-t-elle ? : « Je n’accepterai qu’une dot symbolique. Pour la cérémonie, je n’accepterai pas que beaucoup d’argent soit dépensé, cela endetterait ce jeune foyer qui commence sa vie conjugale ».

Un neveu m’est-il confié ? : « Je l’élèverai comme mes propres enfants »...

C’est par des exemples de ce genre, qu’un peu à la fois, la mentalité changera, et alors que les lois pourront être appliquées, bien plus, elles seront souhaitées par tous.

Cardinal Émile BIAYENDA,
Carême 1974.

 




 
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