dimanche 8 septembre 2024
Jésus a largement contesté l’ordre social établi de son temps : il provoque le scandale quand, lui-même, considéré comme chef, va manger avec ceux qui appartiennent à la classe inférieure : les Publicains. On ne comprend pas qu’il aille manger chez un pécheur.
Ces paroles et ces gestes de Jésus nous montrent que le royaume de Dieu est incompatible avec l’acceptation de l’injustice. Il nous invite à lutter contre elle. Jésus nous a donné la loi du royaume dans le sermon sur la montagne : « Heureux les pauvres... les doux... le miséricordieux... les cœurs purs... ceux qui sont assoiffés de justice... » (Mth5,3-11) et surtout : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent ». (Mth5,43-44).
NIETZSCHE a déclaré que cela n’était qu’une morale d’esclavages et à sa suite beaucoup ont pensé que ces préceptes invitaient davantage l’homme à la soumission et à la résignation qu’à la lutte contre l’injustice et pour le bien. Nous croyons, au contraire, que ces paroles du Seigneur nous engagent à aller plus loin et peuvent nous préserver des ambiguïtés qui ne sont jamais absentes des luttes humaines.
Il est en effet, difficile à l’homme de rester toujours désintéressé, de ne pas profiter de façon égoïste des avantages conquis.
La pauvreté nous invite, au contraire, au don total, au service des autres, sans nous soucier des avantages personnels que nous pouvons en retirer. L’amour même des ennemis, nous rappelle sans cesse le véritable sens de la lutte qui ne doit pas se refermer sur la haine, mais permettre aux hommes de se rencontrer en une communauté de frères.
La libération que Jésus veut réaliser pour les hommes ne touche cependant pas seulement une partie de la réalité, l’aspect social ou politique. Cette libération doit aussi être intérieure, une libération de la conscience. A l’époque de Jésus, l’homme était véritablement l’esclave d’une loi qui réglementait, dans les moindres détails, ses relations avec Dieu et les relations entre les hommes. L’homme vivait sous une peur continuelle.
Jésus élève une protestation impressionnante contre cet esclavage, au nom de la loi. « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » (Mc2,27). Le Christ nous appelle à une vraie liberté intérieure ; il nous a libérés de la loi, non pour le libertinage, mais pour que nous soyons disponibles pour le service total de nos frères. En Jésus Christ, nous découvrons que la liberté est la joie de pouvoir donner sa vie aux autres jusqu’au don total de notre vie.
Libération sociale, libération intérieure ; mais aussi et surtout libération spirituelle. Jésus nous révèle le sens profond de toutes les situations d’injustice, de toutes les aliénations qui frappent l’homme, elles ne sont pas l’effet du hasard, elles sont des situations de péché.
Le péché est cette puissance de mal qui nous divise, c’est l’absence de fraternité, c’est la rupture de l’amitié avec Dieu et entre les hommes. Le péché est l’aliénation fondamentale, la racine, la cause de toute misère, de toute exploitation de l’homme par l’homme, de la domination et de l’esclavage que subissent les hommes, du péché, il les appelle tous à trouver le bonheur dans une communion nouvelle et totale avec Dieu et avec leurs frères.
Toute l’histoire des hommes est l’histoire de leur cheminement vers cette réconciliation avec Dieu et entre eux. Cette histoire des hommes progresse chaque fois que nous refusons l’injustice, l’exploitation, chaque fois que nous refusons l’égoïsme, dans chacun de nos efforts pour faire un monde plus fraternel, chaque fois que le royaume de Jésus grandit au milieu de nous, dans l’attente de sa réalisation totale qui sera l’œuvre de Dieu pour tous les hommes de bonne volonté de tous les temps.
L’Église, communauté libérée en Jésus-Christ
Nous voudrions, enfin, chers frères et sœurs, en ce jour de Noël, citer la déclaration des Pères du dernier synode. Elle engage notre communauté chrétienne à être, au milieu des hommes, témoignage et levain de libération.
« L’Église, en tant que communauté vraiment pauvre,... et fraternelle peut beaucoup pour procurer le salut intégral ; c’est-à-dire la pleine libération des hommes. Elle peut tirer de l’Évangile des arguments plus profonds et toujours nouveaux pour promouvoir un généreux dévouement au service de tous les hommes, surtout des pauvres, des faibles, des opprimés et pour éliminer les conséquences sociales du péché qui se traduisent par des structures sociales et politiques injustes ».
Frères chrétiens, reconnaissons les exigences qu’entraîne, pour notre communauté chrétienne, cet engagement de l’Église pour la libération totale des hommes. Tous nous devons être engagés dans la lutte pour une société plus juste et plus fraternelle.
Nos communautés doivent être des lieux de liberté d’où sont bannies toute soumission servile et toute crainte, surtout superstitieuses ; des lieux d’initiative, car l’amour de Jésus qui nous presse nous fera sans cesse inventer de nouveaux moyens de nous mettre au service des hommes ; des lieux, enfin, d’accueil, de fraternité, d’amitié où tout homme, quel qu’il soit, se sente accueilli...
Cardinal Émile BIAYENDA
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