jeudi 29 août 2024
JE N’OUBLIERAI JAMAIS ARS
Et pourquoi ? Depuis le petit Séminaire, le récit du Saint Curé d’Ars m’avait énormément intéressé et je portais dans mon missel de ses images que j’aimais souvent relire pour les méditer.
Rentré au Grand Séminaire, l’on nous lit, au réfectoire, la grande vie de Monseigneur Trochu, me rendant toujours plus sympathique la vie de cet homme de Dieu.
Lorsque je devins prêtre et vicaire à Sainte-Marie de Ouénzé (Brazzaville), le Père Supérieur, Jean Grivaz, un savoyard et donc un proche voisin d’Ars, me confia le quartier de Mouléké, où, peu après, il allait construire une chapelle, fondement d’une future paroisse. En mai 1961, ce fut chose faite. Au Centre donc de ce quartier dénommé « Indochine », à cause des scènes cruelles et sanglantes qui s’y étaient passées deux ans auparavant, à la suite d’un conflit ethnique, au cœur de ce quartier se dressait la maison de Dieu de paix et d’amour.
Le Père Curé ne trouva pas mieux que de solliciter de cette église, auprès de l’Évêque, le patronage de son « ndoy » (homonyme), celui de Saint Jean-Marie Vianney. Quelle joie et quel secret contentement cela causa à mon âme de Prêtre ! La première fête patronale se prépara par une neuvaine de prière durant laquelle, étape par étape, la vie de notre Saint patron était expliquée et commentée aux fidèles.
Une relique que l’aimable curé nous avait envoyée aida beaucoup à notre dévotion. Bientôt une caisse d’objets de piété, don de la Paroisse d’Ars à nous. En ce moment, un bienfaiteur d’Ars nous a fait parvenir une jolie statue de 60 cm du Curé d’Ars. Qu’il soit de nouveau remercié ici et se rassurer du concours de notre prière.
Mais la libération du Curé d’Ars est allée beaucoup plus loin encore puisqu’il m’a été donné, pendant ces vacances, d’y aller. Alors, ce soir-là, du samedi 15 septembre 1962, j’arrivais de Lourdes à Ville France par train. Je demandai la direction d’Ars et l’on m’indiqua la station de l’autocar. J’y vins attendre jusqu’à 18 heures.
J’étais silencieux, attentif aux écoutes du message d’Ars. Bientôt, le car me déposait à un endroit d’où l’on me montra encore la direction de la basilique. Et me voilà devant l’Église ! Celle-là même que fit construire et orner le Saint Curé d’Ars. J’entrais et priais avec quelle émotion et sentiments de reconnaissance ! J’étais là, pauvre, mais le cœur plein d’intentions de tous mes paroissiens et de chacun, en particulier, de tous les Prêtres. Ma prière, durant les deux jours vécus à Ars aura cette orientation.
Mes impressions sur Ars ? C’était partout ce sentiment de la présence de Saint. A tout instant, j’avais l’impression de vivre en sa compagnie. Le soir ; l’idée de coucher sur un lit ne me vint jamais. Pour un pèlerin, il ne pouvait d’ailleurs en être autrement. Son église avec ses deux chaires de prédication et de séances de catéchisme de 11 heures, le confessionnal qui attira tant d’âmes et d’où elles sortiront purifiées et converties. Enfin, son corps demeure intact, en vêtements sacerdotaux et tenant un chapelet entre les doigts. Tout cela rappelle le prêtre, l’homme de Dieu et de la prière. C’est pourquoi, aussi, à Ars, tous les soirs, prêtres, religieux et religieuses, fidèles, au son de la cloche, accourent pour le chapelet aux multiples intentions et à la prière commune. Ce dimanche soir où je présidais les complies, Mouléké et le Diocèse de Brazzaville étaient cités.
Le 17 septembre, j’avais le bonheur de célébrer en tremblant à l’autel de la châsse et au calice du Saint.
Après ce pèlerinage à travers le sanctuaire, il y a celui de son humble presbytère où sont conservés tous les objets lui ayant appartenu : la cuisine, son bureau, sa bibliothèque, sa chambre à coucher avec son lit à moitié brûlé et le fusil qu’un jour employèrent les fidèles d’Ars, pour guetter celui qui venait troubler le maigre sommeil de leur saint curé. Il y a aussi le monument de la rencontre du Saint Curé avec le petit berger Antoine Givre. Enfin, la maison natale, à Dardilly, où l’on revit l’existence du petit Jean-Marie Baptiste Vianney, où il apprit, de bonne heure, à aimer Dieu, la Sainte Vierge et les âmes.
Je voudrais clore ces impressions par des sentiments de vive reconnaissance envers Monseigneur le Curé d’Ars, envers les religieuses des deux Congrégations qui se dévouent toutes aux œuvres d’Ars et qui, désormais, nous ont adoptés, ce qui, très fortement, nous engage à nous souvenir d’eux dans notre prière. Puisse le Saint Curé d’Ars rayonner de plus en plus en nos vies et nous aider les uns et les autres à être dociles sur les sentiers par où le Seigneur voudrait nous conduire.
Abbé Émile BIAYENDA
Paroisse St Jean-Marie Vianney de Mouléké
Brazzaville 30 Novembre 1962.
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