Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« ... Ce qui tue la société congolaise et le monde, ce qui bouleverse l’économie, c’est l’inconscience... »

Mes chers jeunes gens et jeunes filles, et vous spécialement les séminaristes, vous êtes l’espoir du Congo et de l’Église de demain. Le Congo, comme l’Église, compte sur vous. Il importe que vous sachiez ce qui vous permettra de ne pas décevoir cet espoir mis en vous.

Nous venons de célébrer, à Brazzaville, les 50 ans de sacerdoce d’un vieux missionnaire : le Révérend Père Le Duc dit : « Madika ». Et, à cette occasion, je disais aux jeunes que tout anniversaire interpelle les jeunes à se prendre au sérieux. Regardez ce vieil Évêque, notre Père. Qui n’est pas frappé de respect devant tout ce qu’il a fait ? N’a-t-il pas construit ce monde en étant Homme d’Église ? N’a t-il pas servi le Congo en étant Homme de foi et de prière ? Il a vieilli fidèle à son travail. Mais le Diocèse est là, vaste et étendu ; il y reste beaucoup à faire pour les Congolais. Il vous interpelle à le succéder et à faire mieux qu’il n’a fait.

Vous connaissez le bilan, vous l’avez lu dans « La Semaine » : 24 missions sans compter tant d’autres postes de ministère ; 51 missionnaires et 5 jeunes prêtres congolais ; 52 religieuses missionnaires, mais combien de Congolaises ? 14 Frères missionnaires, mais combien de Frères congolais ?

A quoi cela tient-il ? Je sais qu’il y a beaucoup d’adultes et de parents qui n’aident pas leurs enfants à être serviteurs des Hommes et de Dieu. Ils ferment les yeux sur la valeur, pour un pays, d’une vocation authentique de serviteur de Dieu. On ne veut pas reconnaître tout le bien que peut faire un prêtre, un Frère religieux, une religieuse, un catéchiste. A quoi sert-il d’être homme d’Église ? Qu’apporte la vocation ecclésiastique pour la construction de notre monde et de notre nation ? La réponse, vous la connaissez tous, croyants et incroyants : et ceux qui sont passés entre les mains des prêtres le savent encore plus.

Ce n’est pas l’appel de Dieu qui fait défaut au Congo. Dieu appelle et les hommes entendent bien et acceptent, mais ils ne persévèrent pas. Loango a toujours grouillé de vocations. Aujourd’hui, nous avons 104 petits séminaristes, 7 grands séminaristes. Ce ne sont pas les vocations qui font défaut, mais la persévérance. Pour divine qu’elle soit, la vocation demande que les hommes, eux-mêmes, s’en occupent sérieusement et avec soin, selon les moyens surnaturels et naturels qui sont à leurs dispositions.

Quel est le secret de toute persévérance ? Le secret de la persévérance en tout, mes chers fils, c’est la foi. Aujourd’hui, certes, on croit que la science et la technique seules comptent pour sauver ce monde. On ignore par là que c’est la foi qui éclaire, alimente et fortifie la conscience des hommes. Et cette conscience est capitale pour produire et construire un travail bienfaisant pour l’humanité. "Science sans conscience n’est que vaine pour la vie", a dit quelqu’un. Sans la conscience, et donc sans la foi, l’homme sera écrasé par ce qu’il sait faire, il trouvera la mort dans ce qui devait l’aider à augmenter sa vitalité.

Parce qu’il a cru en Dieu, son Excellence Monseigneur Fauret a quitté son pays pour venir se dépenser 46 ans en Afrique, et avec lui tant et tant d’autres missionnaires animés du désir de nous aider. C’est parce qu’il a cru en la récompense juste que Dieu réserve à tout homme, que Son Excellence Monseigneur FAURET a eu le courage et la générosité d’abandonner la vie de salarié qui lui souriait en son pays pour venir servir bénévolement.

Les hommes doivent le savoir, les jeunes doivent en être instruits : c’est en croyant en Dieu que l’homme s’efforcera de produire seulement ce qui concourt au bonheur de tous. C’est la foi en Dieu qui aide l’homme à faire que sa technique serve pour le bien de tous les hommes, ses frères. C’est Dieu lui-même qui, seul, dit et montre à l’homme ce qu’il faut faire pour que tout son travail concoure au bonheur du monde. C’est cela la perle dont parle l’Évangile qu’il faut que les Congolais cherchent avant tout, s’ils veulent connaître un épanouissement harmonieux et humain.

Il n’y a pas de façon plus digne de participer au développement et à la construction d’un monde plus juste et plus humain que de s’engager à former la conscience des hommes, c’est-à-dire de s’engager à apprendre à l’homme à faire toutes choses uniquement pour le bien des autres hommes. C’est cela le travail fondamental irremplaçable du Prêtre, du Frère religieux, de la religieuse. C’est cela la mission et la fonction de l’homme de l’Église. Qu’aucune autre participation à la construction de l’Église ne supplante celle-là pour l’homme de l’Église. Ce qui tue la société congolaise et le monde, ce qui bouleverse l’économie, c’est l’inconscience. Et l’inconscience vient du manque de foi. Le manque de foi fait que la générosité devient rare dans notre société ; la cupidité et l’égoïsme envahissent les cœurs des jeunes et des adultes : chacun court après son argent et oublie de servir les autres, même sa femme, ses enfants et sa vieille mère.

Que le Royaume de Jésus soit annoncé et la générosité refleurira et deviendra monnaie courante, dans notre jeunesse ; et nous comprendrons mieux la splendeur et la nécessité de ces hommes qui se sont dévoués toute leur vie pour notre bien comme les Mgr Fauret, Louis Derouet, les Mgr Friteau et Mgr Fauret, ainsi que tant d’autres missionnaires qui ont donné leur vie. Voilà la merveille de la foi : faire des hommes généreux, capables de se dépenser sans compter, sûr qu’un autre s’occupe de sa vraie récompense, car l’ouvrier a droit à son salaire. La foi vraie fait des hommes de devoir, des hommes mangés comme le Christ par les autres.

Voilà, chers Frères, ce qui a permis à Son Excellence Monseigneur FAURET à persévérer à son poste et à sacrifier sa vie. Voilà ce que Mgr FAURET attend voir s’épanouir en ces régions : c’est le plus grand merci, la plus tendre récompense qu’il attend de ces régions qu’il sert depuis des années : il sera bien remercié lorsqu’il verra fleurir des Prêtres, des Religieux, des Religieuses, des laïcs engagés et conscients, des jeunes gens généreux et héroïques qui se donnent sans compter pour servir le monde et les autres.

Un jubilé est une occasion de grâces nombreuses de la part du Seigneur. C’est pourquoi, nous demandons à Son Excellence Monseigneur FAURET de prier pour nous pour que fleurisse la foi qu’il a voulu semer. Qu’il nous obtienne des vocations solides parmi les fils du Congo. Qu’il demande la paix et l’entente fraternelle. Prions pour lui aussi pour que le Seigneur continue de l’agréer et de le fortifier.

Encore une fois, merci et honneur aux parents de Son Excellence Monseigneur FAURET. Merci et honneur à tous ceux qui ont contribué à former ce qu’il est. Nous disons aussi merci à toutes les mamans et à tous les papas qui ont donné leurs enfants au service de l’Église au Congo. Que tous, vivants et morts, trouvent leur part de joie dans ce jubilé des noces d’argent de Son Excellence Monseigneur FAURET et que cette messe privilégiée obtienne pour les vivants et pour les morts la grâce de paix, de concorde et de pardon pour la joie qui dure à jamais.

Émile BIAYENDA,
à l’occasion des 25 ans d’épiscopat de Mgr FAURET, en 1972

 


 
 
 
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