Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

mercredi 23 octobre 2024


L'église Ste Anne


Mgr THÉOPHILE MBÉMBA


Mgr BARTHÉLÉMY BATANTU


L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« Pour quelqu’un qui a été un modèle dans son pays, on élève pour lui un monument ».

déclare le couple Maouly, venu de Moanda (Gabon)

Mr Maxime Ndébéka, écrivain poète, militant politique et ancien ministre de la culture, que nous avons rencontré le dimanche 4 novembre dernier à la sortie de la messe de 11hoo à la paroisse St Pierre Claver, dans l’interview ci-dessus, il a bien voulu nous parler de Émile Cardinal Biayenda, qu’il a d’abord connu, séminariste, puis prêtre et évêque, enfin Cardinal.

La Mémoire BIAYENDA : Avant de commencer notre interview, pourriez vous brièvement décliner votre identité, à l’attention de nos fidèles lecteurs ?

Maxime Ndébéka : Je suis Maxime Ndébéka. Je suis assez connu au pays. Mais souvent en moi, les gens ne voient qu’un ou deux aspects, parce que je suis écrivain poète et militant-politique. Mais, ils ne voient pas en moi comment je suis arrivé là, d’où je viens. Toutefois, ce qui est important en moi, c’est de savoir quels sont ceux qui m’ont guidé et porté et enfin qui j’ai suivi ! Bien sûr, je suis marié et père de 4 enfants. Voilà ce que je peux dire à votre première question.

La M.B. : Maintenant, allons droit au but : Comment aviez-vous connu le jeune Biayenda, d’abord comme séminariste devenu prêtre le 26 octobre 1958, élevé à l’épiscopat le 18 février 1970 et créé Cardinal le 2 février 1973 ?

M.ND. : Merci, je disais ceci que les gens ne se rendent pas compte surtout, ceux de la nouvelle génération, même ceux de notre famille. Par notre famille, je voudrais parler, la mienne qui est soudée à la famille biologique du jeune séminariste, prêtre, évêque et Cardinal Biayenda. Pour moi, je peux dire, Biayenda est un don de Dieu. C’est lui qui naturellement est à l’origine du lien de nos deux familles qui aujourd’hui ne forme qu’une seule.

Comment cela était-il arrivé ? Tout commence lorsque mon frère aîné entre au petit séminaire de Mbamou, c’est là-bas qu’il trouve le jeune Émile Biayenda, lui était déjà sur place et plus âgé que mon frère. Or le séminaire de Mbamou est dans le village de ma grand-mère. A cette époque, elle se trouvait là et à partir donc du rapprochement de ces deux frères est née cette union de deux familles. Ici à Brazzaville, notre parcelle et celle du frère aîné de Biayenda n’étalent pas loin l’une de l’autre, et étaient devenues les parcelles des deux familles. Tellement, que nous étions très soudés, il était difficile aux gens de pouvoir distinguer nos familles. Je voudrais aussi souligner que, lorsque, mon frère aîné entre au séminaire, moi je deviens le petit du jeune séminariste Biayenda.

Après le petit Séminaire de Mbamou, le jeune Biayenda vient continuer ses études au Grand Séminaire Libermann à Brazzaville, tous les dimanches, il m’arrivait de disparaître de la maison pour me rendre là-bas. Je vais vous donner une anecdote : « j’ai mangé pour la première fois le poisson sole au grand séminaire avec lui ». A travers donc, Émile Biayenda, j’ai connu les jeunes séminaristes Barthélemy Batantu, Maurice Mbindi et bien d’autres encore.

Devenu prêtre, il est nommé aumônier de la Légion de Marie, mon père était l’un des fervents membres de ce mouvement à vocation mariale. Bien plus tard, lorsque l’abbé Albert Nkoumbou « Sourire » commence à recueillir les témoignages sur le Cardinal, il m’avait contacté. J’avais au départ hésité de me prononcer pour la simple raison, lorsque je me mets à évoquer sa mémoire, il m’arrive de pleurer, non seulement parce qu’il était mon frère, mais parce que nous avons perdu un être cher, un cardinal, un prince de l’Église. A cette époque, il était le plus jeune du collège des Cardinaux au monde.

Je disais, le jour où, nous nous sommes donnés rendez-vous avec l’Abbé Nkoumbou, je me souviens, Mgr Batantu, l’appelle : « viens. Nous avons du travail ici ». Lui de répondre, « Excellence, je ne peux pas venir, puisque je suis avec le ministre Ndébéka ». Mgr Batantu, réplique : « le ministre Ndébéka, n’a pas encore donné son témoignage ? Mais, c’est lui le vrai secrétaire de Biayenda ! ». Effectivement Mgr Batantu avait raison de le dire, parce que pratiquement dès l’âge de 10 ou 12 ans jusqu’au moment où je vais quitter le pays pour les études, pendant les vacances, je suis resté à ses côtés. Devenu prêtre, de temps en temps, j’étais avec lui d’abord à Sainte Marie puis à Mouléké. Je me suis rendu un peu partout en sa compagnie, dans certains villages de la contrée, à Kindamba, à Vindza, à Maléla-Bombi, etc. Et pendant qu’il était au confessionnal, ou s’entretenait avec les gens, moi, je me préoccupais à enseigner les nouveaux chants de la schola populaire aux fidèles. Bien plus encore, lorsqu’il célébrait une messe, moi j’étais son enfant de chœur. Le premier jour où nous sommes allés dans le village où était inhumée sa mère, donc ma mère, son papa, notre papa tata Sémo me reçoit et me conduit à la tombe de sa défunte femme, "Ma" Biyela, la mère de l’Abbé Biayenda.

Ce que nous avons vu là-bas, je le garde au très profond de moi. Je regrette seulement une seule chose, je le dis parce qu’il faut le dire. Au début de la constitution de son dossier pour le procès diocésain de béatification et de canonisation, il a manqué à la commission dûment constituée des réactions spontanées. A l’époque, je possédais beaucoup de photos sur lui. Mais, avec tout ce que j’ai connu dans mon cursus et tout ce qui s’en est suivi dans le pays, j’ai perdu toutes les photos de lui que je détenais par devers-moi. A sa mort, lorsqu’on le nettoyait et l’arrangeait à la sacristie avant l’exposition de sa dépouille à l’église, j’avais fait des photos, tout ça s’est parti, avec le gâchis qu’a connu le pays.

Je voudrais aussi relever un fait, dans l’une des parutions du journal « La Semaine Africaine », on avait publié une photo faite le jour de son ordination sacerdotale. Sur cette image, il y a son père, tata Sémo, l’Abbé Émile, mon père et ma mère, Mme Massengo ma Mounimbou et moi petit de taille en culotte.

Cela confirme mes propos de proximité avec ce pasteur jusqu’à la période, où moi aussi ferai ma crise, de tourner le dos à la prière. Cette crise commence quand mon frère quitte le séminaire. Pour les parents, je devais le remplacer Jamais le jeune abbé Biayenda ne me le demande.

Donc, après la sortie de mon frère aîné, je fais le concours d’entrée en 6e au séminaire,. Admis, je me prépare à y aller, lui l’Abbé Émile, suit cela de loin, mais ne dit mot lorsqu’on se retrouvait. Avant de partir pour le séminaire, nous sommes à la paroisse Saint Pierre Claver de Bacongo, un prêtre me gifla en pleine messe, je sais pourquoi et jusqu’aujourd’hui, je n’ai jamais oublié ce moment-là, alors j’étais un gamin. J’avais donc pris la ferme décision de ne plus partir au séminaire. Pour cela, mes parents vont voir « Ya Émile » pour lui en parler. Il dit aux parents « calmez vous, on le mettra d’abord à Chaminade et avec le recul, on verra après la sixième s’il voudrait bien changer d’avis ». Après, je confirmais mon refus. Ce qui est extraordinaire, jamais, il ne me fera de reproches à ce sujet, jamais !

Devenu grand, après mes études, je repars à la paroisse Saint Pierre Claver pour m’occuper des jeunes parce qu’à l’époque nous étions Louveteaux, Scout, tradition oblige. Lorsque je regagne la paroisse, ses mouvements de jeunesse n’existaient plus, il n’y avait plus que les pionniers. Là, je retrouve certaines personnes qui s’occupaient des Scouts, qui encadraient les pionniers. Ainsi, je me mets moi aussi à encadrer les pionniers. Je ne m’imaginais pas qu’un jour, je serais un grand militant politique et je dirais même marxiste, ce n’était pas ma culture. Avec les pas, la vie, le quotidien, les lectures, je m’engage de plus en plus. Je prends des positions assez athées...

Là aussi, il y a un autre fait que je tiens à relever : « mon père va voir le jeune abbé, pour lui dire ton frère.. Hier voilà ce qu’il a dit sur Dieu ..., il est devenu un marxiste ». Alors « Ya Émile » dit à mon père, « Papa, laisse-lui le temps ». Mon père rétorque, « l’enfant que j ai mis au monde, devient un marxiste, on verra ». L’abbé Émile de lui dire : « Laisse-lui le temps, ne t’inquiète pas, laisse-le ». Tout cela, papa me le raconte avant sa mort. Quant à l’Abbé Biayenda, lorsqu’on se retrouvait, aucune fois, il n’a osé me faire des reproches. J’ai bénéficié d’une confiance de cet homme.

La M.B. : Quels rapports avait-il avec votre famille ?

M.ND. : De quelle famille voulez-vous parler ? Je vous ai dit tantôt que, ma famille et la famille biologique de l’Abbé Émile n’étaient en fait qu’une seule famille. Par lui et à travers lui, nos deux familles se sont soudées, il n’y avait plus de différence. Son grand frère vivait à deux pas de chez nous, à plusieurs fois, je suis allé régler les problèmes là-bas. Il arrivait aussi quand il buvait trop et dérangeait son entourage, j’y allais l’engueuler. Aussi, lorsqu’il y avait un décès dans la famille, l’on me confiait certaines charges. Tout cela c’est pour vous dire que nous étions devenus un à travers lui. Cette rencontre de deux familles, je ne sais pas comment elle en est arrivée là. En Biayenda, j’ai bénéficié de son amour, de son affection, et de sa proximité, depuis l’âge de 10 ans. C’est extraordinaire.

La M.B. : Vous dites que vous avez bénéficié de son amour, de son affection et de sa proximité. Que savez-vous alors de son arrestation en février 1965 ?

M.ND. : Je n’étais pas au pays, quand il est arrêté. J’étais aux études lorsque cela arrive. Quand je reviens, il y a comme quelque chose entre lui et moi. Je n’ose pas lui poser la question sur cette affaire et lui aussi ne veut pas m’en parler. Étant donné que je me trouvais sur un autre chemin, je m’écartais apparemment de lui à cause de ma nouvelle idéologie, mais lui de son côté savait que ce n’était que de l’apparence. Bien plus tard, une fois, j’ai pris mon courage de lui poser la question sur son arrestation, il n’a pas osé ouvrir sa bouche pour m’en parler. J’ai insisté en lui disant : « Yaya », c’est-à-dire grand frère, lorsque cette situation était arrivée, je ne me trouvais pas dans le pays, qu’est-ce qui s’était passé ? ». Il ne voulut rien savoir et ce jour-là, nous sommes restés de longs moments en silence face à face. Devenu même Cardinal, une fois encore, je lui posai la même question de 1965, il était là silencieux, fixant son regard sur moi. Par-devers ce silence, je devais imaginer les souffrances endurées lors de cette arrestation.

La M.B. : N’était-il pas rancunier et qu’avez-vous pu remarquer en Émile Biayenda ?

M.ND. : Pas du tout ! Pas du tout ! Au contraire, par son refus d’en parler, j’avais finalement compris qu’il avait pardonné tous ceux qui lui avaient fait du mal.

Est-ce qu’il y avait une différence entre Émile, prêtre, évêque et cardinal ? Je ne pense pas. Je l’ai vu séminariste, les rapports qu’il avait avec les gens que nous rencontrions aux villages. J’ai été de temps en temps à ses côtés à Ste Marie de Ouenzé et à Mouléké. Je l’ai suivi partout. Devenu évêque et créée Cardinal, je voyais de temps à autre comment il recevait les gens, que tu sois un intellectuel ou non, il vous recevait de la même manière et sans distinction de race, de sexe ou de religion. Un autre fait pour illustrer mes propos. Je suis assigné à résidence politique à Mbamou, dans le village de ma grand-mère. Le Cardinal va dans la semaine venir à Mbamou, accompagné de son chauffeur Ta Mandiangou.

A une certaine heure, je vais le voir, il me reçoit. Je lui ai fait état de la situation pour laquelle j’étais assigné à résidence à Mbamou. Je lui ai dit : « Voilà mon itinéraire, voilà ma conviction. Beaucoup sont morts dans cette affaire, voilà mon engagement. Je me suis éloigné de toi, sans vraiment m’éloigner. Qu’est-ce que tu penses de moi, qu’est-ce tu as à me reprocher », lui dis-je. Dans ses propos, il y a une constance qui est là, que votre journal avait fait ressortir dans un de ses numéros : Le vrai pasteur, c’est celui qui est capable de donner sa vie pour les autres. II me dira : « Est-ce que moi, je serais capable un jour d’aller au bout de moi-même de me sacrifier pour les autres... Les voies du Seigneur sont impénétrables ». Nous sommes là, en novembre 1973. Ce que nous nous sommes dit ce jour-là, jamais, je n’en ai jamais fait état à quelqu’un d’autre. Mais avec le temps comme aujourd’hui, je peux le dire.

Une fois encore, quand il est revenu à Mbamou, la chrétienté de ladite paroisse en avait mare de son curé. Elle était fâchée et montée contre lui. La colère était telle que, lui, informé, vient s’enquérir de la situation sur place. J’ai assisté à toutes les rencontres qu’il a eues avec les paroissiens. J’ai appris autant de choses invraisemblables qui sortaient de leur bouche. Certaines personnes venaient le voir et lui remettaient qui, de l’argent, qui, un manioc. Il arrivait que le Cardinal refuse de prendre de l’argent, en leur disant : « Mais moi, à Brazzaville, j’ai de quoi manger Gardez votre argent ou bien, donnez-le à votre Curé ». C’était une façon de voir la réaction des paroissiens.

En écoutant cette réponse, les mamans insistèrent « C’est nous qui vous l’offrons. Mais, le donner au Curé, pas question ! ». Embarrassé, le Cardinal était obligé d’accepter l’offre pour ne pas blesser de plus belle leur amour.... Voyez-vous, le contact était tellement étroit que, tout le temps que je suis resté avec lui, et je ne l’ai pas vu hausser le ton. Les paroles qui sortaient dé sa bouche n’étaient que des paroles d’apaisement, de réconciliation. Pour répondre à votre question, Émile Biayenda séminariste, abbé, évêque et même Cardinal était le même, il était resté constant avec lui-même. Un autre fait, lorsqu’une rumeur circulait à travers la ville, trois jours avant sa mort, je suis allé le voir, pour lui dire : « Yaya j’ai peur, il faut partir car tout peut arriver ». Il me dit : « Maxime. Non ! Comment toi tu peux oser me dire une chose pareille. Non ! Écoute, il ne faut pas avoir peur, rien ne se passera »... (Silence, puis il essuie les larmes)...

La M.B. : Je comprends votre émotion, vous dites que vous étiez avec lui trois jours avant sa mort. Tel que vous l’avez connu, pouvait-il fuie ou abandonner son Diocèse lorsqu’il avait appris tout ce qui se tramait ?

M.ND. : Non ! C’est ce que je lui ai demandé. J’avais tellement peur, il fallait qu’il parte. Mais hélas. Pour le sens de sa responsabilité, l’amour qu’il avait pour ce peuple, et le respect de la parole donnée : « A tous nos frères croyants, du Nord, du Centre et du Sud, nous demandons beaucoup de calme, de fraternité et de confiance en Dieu. Père de toutes races et de toutes tribus, afin qu’aucun geste déraisonnable ne puisse compromettre un climat de paix que nous souhaitons tous ». Il est resté là à sa résidence, imperturbable.

La M.B. : La présence du Cardinal Émile Biayenda à la résidence du Chef de l’État le 18 mars 1977 était due au problème de terrain des Sœurs de Javouhey, pour lequel le président voulait avoir l’avis des responsables des Sœurs avant leur expropriation. A votre avis, si l’on rebaptise le lycée Lumumba en lycée Émile Cardinal Biayenda ?

M.ND. : Cela regarde les autorités de ce pays. Pour moi, il y a quelle importance baptisé, rebaptisé, débaptisé. Le plus important, c’est la reconnaissance de la Nation vis-à-vis de ce prince d’Église, qui a fait et fera la fierté du pays. Pour moi, le plus important, c’est le message d’amour, que le Cardinal Biayenda apporte dans le pays. Vous voyez comment les fondations, les confréries naissent spontanément à travers le pays et même à l’extérieur du pays ! Les pèlerinages qui se font individuellement ou par groupe à la montagne et à sa tombe. Les étrangers qui viennent à Brazzaville se recueillir à sa tombe.

La M.B. : A vous entendre parler, vous ne jugez pas opportun que le Cardinal Biayenda, aie un monument dans son pays ?

M.ND. : Non ! Je n’ai pas dit cela. Émile Cardinal Biayenda mérité bien un monument comme vous le dites. Mais, la chose plus importante dans tout cela, c’est la reconnaissance au plus haut niveau de sa Nation. Si un jour, cela pouvait arriver, je dirais simplement, merci la Nation et merci au Seigneur, pour avoir touché les cœurs des Congolais. Sachiez-le dans un pays responsable, on élève toujours un monument pour quelqu’un qui était un modèle, c’est une tradition.

La M.B. : Que retenez-vous encore de lui, il me semble vous avez plein de choses sur ce vénéré pasteur ?

M.ND. : La complicité qui existait entre lui et moi. Là, il était encore évêque en 1972, Archevêque de Brazzaville. Je suis arrêté, condamné à la peine capitale. Connaissant les rapports que le prélat avait avec le Président, mon père va le voir à sa résidence afin qu’il demande la grâce présidentielle pour moi. Dés que papa lui en parle, le Cardinal l’arrête. « Non papa ! ». Subitement mon père tombe à genoux et pleure. (Silence, il essuie les larmes).

Après, il continue en disant : « Je ne peux pas aller seulement demander la grâce de Maxime au président. Non ! Même s’il est mon frère. Et les autres ? Mais si Maxime n’a pas versé une seule goutte de sang et si c’est par amour qu’il s’était engagé dans cette affaire, mon Dieu que ta volonté soit faite ». Lui aussi a pleuré à son tour. Il a dit : « papa prions ! »

Au sortir de là, découragé, mon père qui auparavant avait déjà perdu son premier fils (juge d’instructions de son état, tué par balle à Makoua), ne savait plus que faire. Vous comprenez, la foi n’est pas quelque chose d’impénétrable. Mon père quitte l’évêché et prend la direction de Goma Tsétsé, pour aller voir Mgr Roch Auguste Nkounkou, où il arrive tard dans la nuit. Il prie dans l’église et y passe une partie de la nuit. Très tôt le matin, il va voir Mgr Nkounkou et après avoir présenté ses civilités, c’est extraordinaire, alors que mon père n’avait pas encore livré le motif de sa visite, Mgr Nkounkou lui dit : « Mais pourquoi viens-tu me voir ? Hier n’as-tu pas été reçu par Émile ? Vous n’étiez ensemble. N’avez-vous pas prié ? N’as tu pas assez de foi ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ! ». Mgr Nkounkou de poursuivre : « bon si tu es venu pour l’église va prier et si tu penses que ta prière ira plus vite que là où tu étais, bien entre, va prier. Je n’ai pas autre chose à te dire ». Toutes ces choses là, mon père va me le dire lorsque je quitte la prison de Ouesso pour être assigné à résidence à Mbamou, c’est là où il me les raconte. Vous voyez la réaction spontanée du Cardinal vers mon père qui est aussi son père : « Oui, mon frère d’accord mais, et les autres ? ». Il ne voit pas seulement son frère que j’étais, mais tous ceux qui étaient pris dans cette affaire. Je vous dis que Biayenda avait la compassion pour tout le monde. C’est extraordinaire non, ce degré d’amour pour les autres !

La M.B. : L’Église du Congo a introduit depuis le mois de Juin 2002, à Rome, le dossier concernant sa Cause de béatification et de canonisation. Quelle lecture faites-vous à propos. Êtes-vous pour ou contre le processus engagé par l’Église. Ce n’est par parce qu’il est votre frère ?

M.ND. : Non ! Non ! Ce n’est pas parce qu’il est mon frère que je ne pourrais pas être contre. Pas du tout ! Vous savez que ce processus de béatification et de canonisation s’engage pour faire remarquer et donner un exemple parmi tant d’autres à la face du monde d’une vie chrétienne bien menée et un modèle à suivre. Si cela est engagé, ce n’est que tout à fait normal pour l’Église qui considère que la vie de Biayenda est un exemple que les autres peuvent suivre. Il faut des personnalités de cette trempe pour nous guider, pour nous permettre d’avoir une orientation, mieux, une boussole de vie. Je le dis, ce n’est pas parce que c’est mon frère, mais parce que sa vie est là. Je le dirais aussi pour quelqu’un d’autre qui se serait comporté de la sorte. Aussi, je ne le dis pas seulement pour les pasteurs, les prêtres, je peux le dire même pour les laïcs qui savent se comporter, les exemples sont légion.

Maintenant pour ce qui est du procès de béatification et de Canonisation, je dirais qu’il y a de ceux qui vont très vite et d’autres qui durent plus longtemps. Mais pour Biayenda, cela m’engage, je dirais que le dossier est allé très vite pour arriver à Rome. Maintenant, il ne nous reste qu’à attendre les conclusions de la Sacrée Congrégation pour les Causes des Saints avant que le Saint Père ne puisse se prononcer, contrairement à ce que disent certaines personnes que la Cause de Biayenda retarde, non !

Au niveau de l’Église, la béatification et la canonisation sont une tradition d’élever les hommes qui ont été des modèles au rang de bienheureux et de saint.

Quelquefois, il m’arrive d’entendre, les gens dire, que cette cause ne fait pas l’unanimité. Mais ce n’est que normal, c’est cela aussi la vie. Tout le monde ne peut être de même avis. Ce n’est pas possible. Il y a des gens qui aiment des visions, des songes etc., par contre moi, je ne les aime pas, Bien sûr il y a des moments où il m’arrive de me rappeler revoir en moi les images passés. Et quelquefois encore, j’ai comme l’impression qu’iI y a la présence du Cardinal en moi. Quand cela m’arrive, je me concentre et je prie.

La M.B. : Vous connaissez beaucoup sur lui, comptez-vous écrire un jour un livre ?

M.ND. : J’avais commencé, mais j’ai arrêté pour le moment.

Propos recueillis par
Grégoire YENGO-DIATSANA

 




 
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