mardi 29 octobre 2024
En 1927 naquit à Mfinkabitungu, district de Vindza, région du Pool, un enfant Kongo nommé Biayenda Émile, troisième fils de la famille Sémo. Pour comprendre la grande tragédie dont cet enfant sera victime en 1977, il convient de décrypter le symbolisme des mots soulignés.
Pour les Égyptiens de l’antiquité, le nom personnel est bien plus qu’un signe d’identification. Il est une dimension essentielle de l’individu. L’Égyptien croit au pouvoir créateur et contraignant du nom. Celui-ci sera chose vivante. Ainsi, à Joseph, qui, par la grâce de Dieu, interprétera les songes de Pharaon (Gn. 41,25-36), sera imposé le nom de "çophnat Panéah", c’est-à-dire, "Dieu dit, il est vivant" (Gn. 41,45). On retrouve alors dans le nom tous les caractères du symbole.
Ainsi chez les Juifs, le nom évoque les circonstances de la naissance, l’avenir (Gn 35,18), la mission (Mt. 1,21), le potentiel social d’un homme au point que "nom" peut aussi signifier "prénom" (Nbre 16,2). C’est dans cette perspective qu’il faudra comprendre celui de Biayenda.
Nom Kongo, "Biayenda" signifie ; "les biens ou trésors perdus". En effet, ce nom sera donné à Émile pour exprimer l’absence de ses grands parents maternels. A l’exception de son beau frère, M. Sémo (le père d’Émile) ne connaissait pas la belle famille. Personne du côté de mâ Biyela (la mère d’Émile) ne se manifestait dans les circonstances douloureuses qui affectaient la famille Sémo. Et comme pour exprimer son affliction tâ Sémo aimait bien dire : "Bià-yenda", sous-entendu ici, "ils sont morts". C’est dans ce sens que nous osons nous aussi traduire le verbe lari "yenda" qui veut dire "partir", euphémisme ou adoucissement du verbe "mourir".
"Biayenda" signifie en définitive, "les biens morts", ou tout simplement "les morts".
Émile, 3ème fils de la famille. La valeur alphabétique du prénom Émile nous renvoie à E(5) + M(13)+ I(9) + L(12) + E(5) = 44. Ce dernier chiffre divisé par 2 est égal à "22". Par ailleurs, son 3ème rang dans la famille Sémo sous-entendu le 3ème mois, soit Mars ou le 3ème jour dans l’ordre de la création, soit Mardi. D’où la date du Mardi 22 Mars qui sera celle de la mort de Biayenda.
Chiffre qui exprime l’univers en rapport avec les 22 lettres de l’alphabet hébraïque, d’après la Kabbale juive, 22 symbolise toute l’histoire d’une créature, d’un homme. Ainsi l’Apocalypse attribuée à Saint Jean compte "22" chapitres. Vingt-deux représente, dans ce cas, le total du temps écoulé : du début de la création à l’achèvement de l’organisation du monde. Il est conclusion de l’œuvre du créateur, le terme de paroles, la fin d’une histoire. Par ailleurs, dans la tradition peule (en Guinée et au Mali), le nombre 22 aurait une signification secrète, d’ordre sacrificiel et initiatique. L’on comprend alors que le prénom "Émile", d’après sa valeur alphabétique (2.2) revêt un code d’ordre sacrificiel.
André Grénard Matsoua, encore appelé "Matricule 22", n’a-t-il pas, lui aussi souffert des influences de son numéro matricule ? Il est mort martyr.
Quant au mois de Mars, a été au Moyen âge surnommé "le petit maléfice" C’est le mois de tension, d’agressivité, de violence…
A sa couleur rougeâtre, ardente comme une flamme, au nom embrasé, qui lui fut donné dans toutes les longues anciennes, Mars signifie la passion et la violence. Ceci peut bien se vérifier dans l’histoire au Congo, notre pays : C’est après un climat de tension que Youlou, le 22 mars 1961 est élu président de la République ; le 22 mars 1970, coup d’État manqué de Kinganga ; mars 1977 mort des présidents Ngouabi et Massamba Débat…
Émile, 3ème fils de la famille Sémo sera donc le 22 mars victime de l’agressivité et de violence humaines.
Émile est né en 1927. Ce dernier chiffre peut être décomposé comme suit : 19,2,7. Or un procédé original pour marquer l’emphase du dernier chiffre consiste, par l’effet des sons, à renchérir ce chiffre selon la valeur de celui qui le précède. Ainsi 19,2,7 sous-entend : 19,2 fois le chiffre 7 ; ce qui donne 19,77 ou 1977.
Sept, d’après Apocalypse 7, est le chiffre de ceux-là même "qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau" (v-14). Le martyre apparaît comme conflit suprême avec Satan qui, en dernier ressort est vaincu. Dès lors le martyre se voit comme une configuration à la passion du christ et à sa résurrection (Ac 7, 55-60) : le martyre d’Étienne, l’un des 7 diacres choisis pour le service de table. Dans l’histoire du Congo, cette aspiration au martyre, comme voie vers la totale transformation en Jésus-Christ, a trouvé sa plus haute expression dans le témoignage de celui-là qui est né en 1927, Émile Biayenda.
Toutefois, ce martyre inscrit sous le chiffre 7 a une valeur rédemptrice. Il est une œuvre de charité fraternelle : Le martyre des "7" frères d’Israël (2 Mac. 7,1s). Ceux-ci donnent leur vie pour le salut de leur peuple plutôt que pour un intérêt égoïste. Chercher le salut de ces frères, telle est la marque d’un vrai et solide amour. Ce dernier aspect de la théologie du martyre trouvera ses lettres de créance en Biayenda.
Ce chiffre "7" qui se répète deux fois dans la vie du cardinal, constitue, en termes exégétiques, une inclusion, figure de style qui délimite un texte, qui marque le début et la fin d’une période, d’une vie. Ainsi, débutée en 1927, la vie d’Émile s’achève en 1977.
De plus, le nom et prénom, Biayenda Émile, a comme valeur numérique "13" parce qu’il compte 13 lettres.
Dès l’Antiquité, le nombre "13" fut considéré comme de mauvais augure. En effet, Philippe de macédoine, ayant ajouté sa statue à celle des douze dieux majeurs, lors d’une procession, mourut assassiné peu après au théâtre. De même dans l’amphithéâtre de l’histoire de notre pays seront jouées à la date du "13" de grandes tragédies : Matsoua Grenard , fondateur de l’Amical, meurt un 13 (janvier 1942), et le plus grand mouvement populaire ayant occasionné la chute de Fulbert Youlou débute un "13" (août 1963).
C’est dire tout compte fait, le "petit" Émile de par son "Nom" et "prénom" portait en lui les germes de la mort, mais d’une mort tragique.
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Enfin, le "petit" Émile était de la tribu "Kongo". Le concept "Kongo" signifie "Royaume", de l’ancien Royaume Kongo qui s’étendait de l’actuel Angola à la république du Congo en passant par la république démocratique du Congo (ex zaïre) : C’est le Kongo "dia Ntotéla" (le Royaume de tout l’univers). Ainsi le mot "Kongo" nous renvoie au Roi, au chef.
Or en 1973, Émile sera élevé au Cardinalat. A la fin du pontificat d’Innocent III, déposé en janvier 1180, le titre de Cardinal - attribué autrefois aux diacres, aux prêtes des plus anciennes églises, et aux évêques des églises suburbicaires - sera synonyme de "chef" ou de "très important". De par son importance un "Cardinal" peut élire un Pape ou peut être élu Pape.
C’est dire en dernier lieu que le "petit" Émile était disposé à mourir "chef" donc "Cardinal".
En conclusion, loin d’être une désignation conventionnelle, le nom exprime le rôle d’un homme dans l’univers. D’où ce tableau récapitulatif :
Ainsi reprenant notre introduction, nous osons dire : en 1927, naquit… un enfant roi (chef) appelé à mourir le 22 mars 1977. Et le code sous-jacent de tout ce qui précède est la "mort"...
Brice Ruffieux BAHOUAMIO
Séminariste Stagiaire à Notre-Dame du Rosaire de Bacongo
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