Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

lundi 19 août 2024


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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Émile Cardinal Biayenda, un passé toujours présent

Il y a trente ans depuis qu’une étoile s’est éteinte au Congo Brazzaville. Cinquante autres années avant, un enfant qui sera nommé Émile Biayenda, naissait dans un village du district de Kindamba.

Son parcours sera mystérieux et phénoménal. Il se distingua continuellement de par son sens d’humanité.

Tous ceux de son époque qui ont vécu avec lui se souviennent aujourd’hui de la particularité qu’avait le visage de Biayenda.

Ses amis de l’école primaire de Kindamba (1935-1937), des missions catholiques de Kindamba (1937-1942) et de Bounji (1942-1944), puis ceux du Séminaire de Mbamou (1944-1950) et du Grand Séminaire Libermann de Brazzaville (1950-1958) : actuel Moyen Séminaire Saint Jean, peuvent se rappeler les histoires autour desquelles Biayenda se révélait toujours grand et profond dans son agissement. Nombreux disent qu’il savait se mortifier.

Pendant de nombreuses années : enfant, jeune et adulte, il a été constant dans ces habitudes. Toujours prêt à rendre service sans attendre au retour une quelconque récompense.

Très effacé, il favorisait un climat de paix dans tout milieu où il mettait ses pieds.

Jeune, il a su développer en lui le sens du sacrifice pour donner la vie pour les autres. D’ailleurs, c’est ce qu’il fit quand une dame-jeanne se cassa au séminaire de Mbamou. Après avoir interrogé les séminaristes, le directeur menaça de les renvoyer tous si jamais le coupable ne se prononçait. Les amis sont surpris de constater que ce soit Biayanda qui se prononce, car tous savaient que ce n’était pas lui l’auteur de cet acte. Il s’était sacrifié pour donner la vie nouvelle aux autres.

Si parmi les séminaristes, il y avait un qui pouvait voir, il verrait dans ce geste un signe qui dessinait déjà la vie ultérieure de Biayenda. Il se mortifiait pour être en communion avec le Christ, afin de sauver la vie des âmes innocentes. Cette mortification lui a valu son brillant parcours.

Ordonné prêtre le 26 octobre 1958 par son Excellence Monseigneur Michel Bernard, il sera sacré Évêque à Rome le 17 mai 1970 par Monseigneur Pignedoli et créé Cardinal le vendredi 2 février 1973 par le Pape Paul VI. Biayenda devient pasteur de toute l’Église du Congo Brazzaville.

CARDINAL ÉMILE BIAYENDA

Son message pastoral : la paix, la stabilité sociale, la fraternité et la concorde. Ce message de paix se trouve presque dans tous les différents écrits laissés par le vénéré disparu. Une paix qu’il a cherchée non par les lèvres mais par son témoignage de vie. Son amitié avec le Président Marien montrait combien il estimait le peuple congolais tout entier au delà des clivages : politique, économique, social et culturel.

Dans sa charge pastorale, il a été très engagé et dévoué. Tous les prêtres du diocèse dont il a eu la charge, reconnaissent d’avoir trouvé en lui les qualités d’un père qui aimait les siens et se savait aimé par ceux-ci. Beaucoup de ceux qui l’ont connu et vu vivre sont restés nostalgiques des moments qu’ils ont passé ensemble. Ils éprouvent tous un profond regret de l’avoir perdu si tôt. Biayenda est mort assassiné quelques jours après le meurtre du président Marien Ngouabi. Quand les ennemis du pouvoir ont attenté à la vie du président, à la sienne non plus on pouvait ne pas toucher.

Son amitié avec le président Marien lui a coûté le prix de la mort. Il devait nécessairement mourir pour taire la vérité. Une telle mort dramatique ne serait pas la fin d’un grand pasteur d’une telle exemplarité. Pourtant c’est de cette mort qu’il a disparu au milieu de nous et reparti au Père. Dieu aurait-il permis que son serviteur meurt ainsi ? Comme il l’a permis pour le Christ sur la croix, il l’a aussi autorisé pour Biayenda afin que le peuple congolais ne soit meurtri par la guerre. Une guerre qui dans les consciences des populations du nord, du sud, de l’est et de l’ouest avait déjà eu lieu.

Le peuple congolais par ce double crime a perdu respectivement deux grands hommes : un président et un pasteur. Tout le pays fut alors en deuil. D’où viendrait le vent qui attenterait à la paix nationale ? De nulle part, par la mort des deux leaders toute tempête avait été apaisée. La lumière qui venait d’apparaître à Maléla-mbobé un matin de l’année 1927 s’est éteinte devant nous pour briller dans le cœur de tout congolais. Dorénavant tout congolais averti, quelque soient ses origines, face à la question de la paix ne jurera plus que par Biayenda.

Le vénéré Cardinal, l’unique que nous avions jusqu’ici est plus présent à nous et dans nos esprits. Trente ans après sa mort, le nom de Biayenda reste collé aux lèvres des congolais. Le cardinal n’est pas passé avec le temps, il vit avec nous dans le temps et combat à nos cotés contre les ennemis de la paix, afin de conserver cet héritage qu’il nous a tous laissé. Si la paix au Congo est compromise, Biayenda serait mort vainement. Il se sera sacrifié pour rien. Sa mort sera comparée à toute mort sans aucune donnée particulière.

Ainsi, son passé demeure toujours présent et se transmet de génération en génération. Ceux qui l’ont connu, ceux avec qui il a vécu, même ses persécuteurs mourront, disparaîtront et seront probablement oubliés mais lui vivra pour l’éternité. A chaque époque, à chaque génération, son passé se renouvelle et se renouvellera comme si c’était chaque jour qu’il mourait pour enterrer avec lui la hache de guerre au Congo.

Nous avons certes perdu un Pasteur, c’est douloureux. Mais par sa mort nous avons eu le don de la paix. Quoique bouleversés par quelques vents contraires, nous sommes sans ignorer que la paix au Congo est déjà un acquis. De son vivant comme dans sa mort le cardinal a pardonné à ses ennemis.

Mystérieuse avait été sa vie, mystérieuse a été sa mort. Ni le peuple, ni les exécuteurs, nul ne saura les vrais raisons de son assassinat. Car ses raisons sont à extraire dans le cœur infini de Dieu. Le cœur fini de l’homme a cru trouver les raisons pour mettre fin à sa vie ; cependant, celles-ci restent insignifiantes et négligeables devant le géant plan d’amour et de paix que Dieu lui avait réservé depuis le sein maternel. Émile repose aujourd’hui à la cathédrale de Brazzaville où il a été enseveli après que son corps eut été retrouvé. A la montagne où il a séjourné, une autre demeure a été dressée, demeure qui symbolise le passage de ce Grand Pasteur en cet endroit où il a été martyrisé.

Désormais le peuple congolais, notamment celui de Brazzaville a eu le don d’un lieu de recueillement, de pèlerinage, de prière, de méditation, de rencontre avec Dieu et avec soi même... Un lieu que nous avons timidement baptisé la montagne de la paix. Cette dernière est née en cet endroit le 22 mars 1977 dès que le cardinal a rendu son âme à Dieu le Père.

Gabriel MASSEMBO
(Séminariste en stage à Notre Dame du Rosaire)

 




 
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