jeudi 26 septembre 2024
En mars 1977, mouraient au Congo deux grandes figures dont la mémoire ne saurait s’éteindre ni s’évanouir dans l’anonymat mais demeure immortelle. Il s’agit bien du président Marien Ngouabi (le 18 mars) et du Cardinal Émile Biayenda (le 22 mars).
Toutes les chroniques jusqu’à nos jours parues pour apporter une tentative d’explication à la mort prématurée de ces deux hommes et frères, l’ont abordé sur le seul angle politico-tribal. Cette perception des évènements n’a cessé d’exhumer la hache de guerre et de déchirer le tissu sociopolitique de notre pays à peine peuplé de quelques trois millions d’habitants. Alors que bien des urgences et des défis l’attendent. C’est donc le moment où jamais de rattraper quelques "gouttes" de tolérance et de compréhension mutuelles dans l’espoir d’adoucir la haine amère qui assiège les cœurs meurtris des congolais. Bien avant tout une série de questions se heurtent et exigent des réponses autres que celles déjà données. Pourquoi les dates du 18 et du 22 mars ? Pourquoi le mois de mars et en 1977 ? Bref, qu’elle signification revêt cette période de notre histoire ? Autant de question pour relire autrement les événements de Mars 1977.
Dans l’ordre spirituel, toute mort d’un chef revêt une portée à la fois historique et symbolique, politique et mystique.
Un après-midi du 18 mars, alors que tout avait l’air calme et paisible, des rafales de mitraillettes viennent soudain déchirer ce silence qui comme une nappe rafraîchissante planait au dessus de la ville. Au Quartier Général de l’État Major, retentit la sirène. Panique dans la ville ! De bouche à oreille déjà se ventile et se colporte la nouvelle : le président de la République Marien Ngouabi a été assassiné, c’est un vendredi. Et quatre jours plus tard, soit le mardi 22 de ce même mois, était assassiné le Cardinal Émile Biayenda.
Dans les ordres ésotériques ou dans les religions à mystère, la date du 22 mars est stratégique. Elle fait suite à l’équinoxe de printemps (le 21 mars) qui est la première porte de l’année. Dans la religion babylonienne, le mois de Nisan (Mars) est celui où les dieux plus particulièrement Mardouk décident du sort des hommes pour l’année nouvelle. « Aujourd’hui encore, les ordres mystiques se servent de la date du 21 mars (tout comme des autres portes de l’année) pour programmer la destruction du monde et plus spécifiquement de l’Église ». Autrement dit, la mort du cardinal Biayenda est la conséquence d’un complot politico-mystique, mais permis par Dieu, le Père lui-même afin de racheter l’âme du président Ngouabi et réconcilier le nord avec le sud.
Par ailleurs, dans la tradition biblique, vendredi est dans l’ordre de la création, le sixième jour. C’est ce jour que tout ce qui vit, a été créé (Gen 1,24). De même dans le quatrième livre d’Esdras, encore appelé « l’ascension d’Isaïe », l’âme humaine est libérée de la servitude du péché le sixième jour. Du reste, le Christ Jésus après son dernier repas (dit la Sainte Cène) et son arrestation le Jeudi Saint, a été crucifié le Vendredi Saint. Et dans la liturgie Catholique, l’on commémore la passion du Christ le vendredi et le mardi.
Or, ce jour nous dit l’auteur sacré « les tombes s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent » (Mt 27,52). Le Christ a connu la mort pour nos péchés afin de nous mener à Dieu. (1P 3,18), non seulement nous les vivants mais aussi tous ceux qui gémissent dans l’Hadès (1P 3,19). Cette descente du Christ aux enfers pour libérer les âmes qui s’y trouvaient captivés, constitue d’ailleurs un des articles du symbole de notre foi (le symbole des apôtres).
En mourant donc ce jour de vendredi, jour de la passion du Christ, le président Marien a vécu l’expérience de son baptême comme participation à la mort et la résurrection du Christ (1P 3,21 ; Rm 6,3s ; Col 2,12). Le baptême qu’il a reçu fait mourir le corps en tant qu’instrument du péché (Rm 6,6), mais fait participer à la vie pour Dieu dans le Christ (Rm 6,11). La transformation ainsi réalisée est radicale ; elle est dépouillement et mort du vieil homme et revêtement de l’homme nouveau (Rm 6,6 ; Col 3,9 et EpH 4,24).
Le président Marien mort le sixième jour de la création, jour pendant lequel Dieu acheva son action créatrice en tirant l’homme du néant, devient par sa mort une créature nouvelle (Ga 6,15) faite à l’image de Dieu (Gen 1,27). Sa mort et celle du Cardinal s’inscrivent dans la dynamique du mystère pascal. Elle est communion à la Pâques du Christ. Ceci est d’autant plus vrai que c’est en mars qu’ils moururent tous les deux.
Le mois de mars est le premier mois du printemps, or celui-ci est la saison de régénération où tout ce qui était mort pendant l’hiver refleurit. Et dans le calendrier juif, post-exilique d’origine babylonienne, mars est le premier mois de l’année (Ex 12,2), encore appelé mois de Nisan (c’est-à-dire mois d’HAbib ou des Épis), la particularité de ce mois est : la délivrance des fils d’Israël captifs des égyptiens (Ex 12,1s) et l’immolation des premiers nés du troupeau (Ex 13,1s ; 11-15 ; Nb 3,13 ; 8-17). Or, il est sans conteste que le président et le Cardinal furent respectivement les premiers nés du troupeau de la Nation et de l’Église Congolaises. Et la victime est un agneau ou un chevreau mâle, et sans défaut (Ex 12,3-6).
La Pâque Juive est célébrée exactement le 14 du mois d’Habib ou de Nisan. Le 18 de ce même mois soit quatre jours plus tard le président Marien mourait et quatre autres jours plus tard soit le 22 toujours de ce mois, le Cardinal Émile Biayenda est assassiné. D’un événement à l’autre, nous avons un intervalle de quatre jours ; Dans l’ordre de la création, Dieu au quatrième jour a créé les luminaires (le soleil, la lune et les étoiles (Gn 1,14-19) : Symboles de la résurrection et de l’espérance.
De plus les deux hommes ne pouvaient être assassinés le 14 mars qui dans la liturgie chrétienne s’inscrit dans le triduum pascal (passion, mort et résurrection du Christ). Le Christ en effet a supplanté la pâque juive en l’accomplissant avec sa propre mort.
Il s’est substitué à la victime pascale institue le nouveau repas pascal (son corps et son sang) et effectue son propre exode (passage de ce monde pécheur au royaume du Père (Jn 13,1) le Christ est véritable agneau pascal (1P 1-19 ; Jn1, 19 ; Ap 5,6) qui a racheté les hommes aux prix de son sang (1P1 ,18s ; Ap 5,9s ; He 9,12-15) . Il les a ainsi délivrés de la terre (Ap 14,3).
L’on comprend dès lors que le sang du Cardinal lui simple créature n’aurait suffi pour racheter celui du Président. Et si la mort du président Marien précède celle du Cardinal c’est bien pour authentifier le rachat et la rédemption du premier. Le sacrifice du Président Ngouabi s’enchevêtre entre deux victimes innocentes et saintes : le Christ et le Cardinal.
La signification symbolique du quatre se rattache également au nom de Dieu en Hébreu : « YHVH » qui compte quatre lettres. De ceci il résulte que la mort du Président et du Cardinal s’inscrit dans le plan que Dieu s’est réservé pour chaque homme et chaque nation.
Quatre se rapporte aussi à la croix et au carré, symbole de la plénitude de l’universalité et de la totalité. En effet, dans tous les continents, chefs et rois sont appelés : Maîtres des quatre parties, des quatre points cardinaux de leur territoire. Ce qui signifie à la fois l’étendue de leur pouvoir en surface et la totalité de ce pouvoir sur leurs sujets. Ainsi nous référons à la Bible notamment à l’Apocalypse où le chiffre quatre suggère aussi l’idée d’universalité, les implications géopolitiques de la mort du Président et du Cardinal ne sauraient se limiter à leur ethnie ni à leur tribu respectives mais les deux hommes seraient morts pour la cause juste de la nation congolaise : réconcilier le Nord et le Sud, deux frères ennemis historiques.
Cette réconciliation a été amorcée par le président Fulbert Youlou (prêtre, fils et homme politique du Sud) et Jacques Opangault (fils et homme politique du Nord), par la signature d’un acte fondamental portant création d’un parti unique en Août 1963. Mais ce projet de réconciliation entre l’UDDIA de tendance Kongo et le MSA de tendance Mbochi avortera à cause de la révolution des 13,14 et 15 Août entraînant la démission de Youlou et de tout son gouvernement dont Opangault fut le premier vice-président. Cette alliance entre ces deux leaders historiques se voulait une fusion des forces politiques opposées pour n’en faire qu’une seule.
Il fallait alors attendre 14 ans (soit 10 ans + 4 ans) plus tard, pour voir entre le Nord et le Sud sceller avec l’encre et le sceau du sang un pacte spirituel. Une telle alliance est assortie des conditions et des effets qui vont au-delà de leurs signataires et implique toutes les générations futures (Gn 15,7-18 ; 17,6-14).
En effet, comme toutes les religions anciennes, celle d’Israël reconnaît au sang un caractère sacré, car le sang, c’est la vie (Lv 17,11.14 ; Dt 12,23) et tout ce qui touche à la vie est en rapport étroit avec Dieu, seul Maître de la vie. De là, il en découle qu’en versant leur sang, Marien et Émile scellèrent un pacte agréé par Dieu (Lv 3,17) pour leur salut et leur vie d’outre-tombe.
Par ailleurs l’alliance entre Yahweh et son peuple est scellée par un rite sanglant (Ex 24,3-8 ; Za 9,11 ; He 9,16-21). Par conséquent, loin de récapituler le sacrifice du Christ qui s’est voulu une fois pour toutes et universel pour le salut du genre humain le président Marien et le Cardinal Émile par leur martyre qui s’inscrit dans un contexte particulier ont complété en leur chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Église (Col 1,24) particulière du Congo afin de consacrer de façon spéciale à Dieu leur pays et leur peuple. Ceci est d’autant plus vrai que tout pacte signé par un roi, un chef de l’État ou une autorité est à voir au-delà de la forme et engage son peuple (2S 24,12-17).
Les deux hommes moururent à la 77 année du deuxième millénaire. Nous avons ici un rythme binaire qui relie deux grands ensembles. Dans le cas de notre pays le Congo nous avons deux grands ensembles ethniques : les Mbochi, (au nord) et les Kongo (au sud). Ce rythme est le germe d’une évolution créatrice.
En outre dans l’Ancien Testament le chiffre 7 est utilisé 77 fois. Et dans l’Apocalypse le dernier livre de la bible le chiffre 7 en est la clef : 7 Églises, 7 Étoiles ,7 Esprits de Dieu ,7 Sceaux, 7 Trompettes, 7 Tonnerres, 7 Fléaux, 7 Coupes, 7 Rois …. 7 possède un pouvoir mystique. Il correspond aux 7 degrés de la perfection en ce sens qu’il résume la totalité de la vie morale en additionnant les trois vertus théologales (la foi, l’espérance et la charité) et les quatre vertus cardinales (la prudence, la tempérance, la justice et la force). Il est le chiffre de l’accomplissement.
Le Président Marien Ngouabi et le Cardinal étaient deux hommes parfaitement réalisés, arrivés au terme de leur cycle de vie terrestre, bref à leur achèvement en vue de leur résurrection. Il en est de même pour le Sabbat le 7e jour après la création qui est le couronnement de celle-ci et la restauration des forces divines dans la contemplation de l’œuvre accomplie. Sept comme le 7e jour est un chiffre béni et sanctifié (Gn 2,3).
Sept enfin est pour l’homme un chiffre de victoire et de résurrection acquises par la main puissante de Dieu.
En effet lors de la prise de Jéricho, 7 prêtres portant 7 trompettes doivent le 7e jour faire 7 fois le tour de la ville (Jos 6,8-16). Élisée éternue 7 fois et l’enfant ressuscite (2R 4,35). Un Lépreux plonge 7 fois dans le Jourdain et se lève guéri (2R 5,14). Le juste tombe 7 fois et se relève pardonné (Prov 24,16). Sept animaux purs de chaque espèce seront sauvés du déluge (Gn 7,2). Sept tout comme fait indique le sens d’un changement après un cycle accompli et d’un renouvellement positif. Il est comme chez les Égyptiens symbole de la vie éternelle. Est-ce pour autant dire que le Président Marien et le Cardinal Émile sont tous les deux saints ?
Le martyre du Président Marien Ngouabi et du Cardinal Émile Biayenda s’inscrivant sous le symbole 7, nous donne la clef de compréhension de l’histoire du Congo. Chiffre cosmique, 7 est la somme de 4 et 3. C’est le signe d’un homme, d’un peuple accompli et d’un acte complet. Le Président meurt le 18 mars soit 18/6= "3" ; et le Cardinal le 22 mars soit 2+2= "4", (quatre comme les quatre points cardinaux ou la quatrième dignité dans l’ordre sacerdotal). La somme de ces deux dates, c’est-à-dire 3 + 4, nous donne 7. C’est dire en d’autres termes que le sacrifice du Président Marien Ngouabi serait incomplet comme acte salvifique du peuple congolais. D’où le sacrifice du Cardinal pour compléter le martyre du premier. Du reste Marien Ngouabi et Émile Cardinal Biayenda, les deux hommes devaient mourir dans les mêmes circonstances car la somme de leur nom et prénom respectifs comptent 13 lettres. Or ce dernier chiffre nous renvoie aux 13 convives présents au dernier repas du Christ (Mt 26,20 ; Mc 14,17 ; Lc 22,14). Treize est donc un chiffre annonciateur de la mort. C’est aussi un chiffre de séparation entre deux frères (Gn 13,9) ; du sacrifice à Yahvé (Ex 13,1-2) et de la persécution des chrétiens (Ap 13,7).
En somme, le relèvement de notre pays ne serait possible que par l’application du chiffre 7, c’est à dire la réconciliation : entre le Nord (4 lettres) et le Sud (3 lettres) ; entre « Adam » (4) et « Ève » (3), entendu ici entre l’homme et la femme ; entre l’État (4) et l’Église (6/2=3). Au lieu alors de continuer à se regarder en chiens de faïence, il est temps de comprendre que : - loin d’être ennemis, les Mbochi (du nord) et les Kongo (du sud) sont frères et peuples d’une même nation car celle-ci se veut une intégration de tribus et d’ethnies ;
Brice Ruffieux BAHOUAMIO
Séminariste Stagiaire à Notre-Dame du Rosaire
Dans la même rubrique