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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« La personnalité et « la sainteté » de Biayenda ont transcendé la chrétienté et la prêtrise au Congo »

Mgr Ernest KOMBO, Évêque résidentiel d’Owando

L’an 2007 est, pour l’Église Catholique du Congo, l’année de la célébration du 30e, anniversaire de la mort du Cardinal Émile Biayenda. Cette année correspond aussi aux quarante ans dans le monde du Renouveau Charismatique. A cette occasion, nous nous sommes rapprochés de son excellence, Mgr Ernest Kombo, Évêque du diocèse d’owando et responsable du renouveau Charismatique au niveau de la conférence des Évêques, qui sans détour, donne ici son point de vue. Voici l’intégralité de l’interview.

Mgr Ernest Kombo

La Mémoire Biayenda : Père Évêque, vous êtes l’un des premiers prêtres ordonnés par son Éminence le Cardinal Émile Biayenda et votre ordination sacerdotale avait eu lieu à Sainte Anne du Congo, le 8 juillet 1973. Quels souvenirs gardez-vous de ce vénéré pasteur ?

Mgr Ernest Kombo : Avant de répondre à vos préoccupations, sur notre vénéré pasteur, il est important que nous constituons deux balises : la première, c’est l’intérêt que nous accordons à cette interview, la seconde porte sur la nature de mes relations avec lui.

Pour moi, l’intérêt de cette interview, c’est pour la canonisation. Donc, il serait important que : de temps en temps, vous nous situez, « où nous en sommes et, qu’est-ce qui manque ? ». Pour cela, l’interview répond aussi, peut être, aux questions que vous nous posez, que nous nous posons : « Que veut le Postulateur, exactement ? ». Tout ceci, ce sont des questions que nous nous posons et pour que cela ne fasse pas l’objet d’une surprise un jour. Nous avons besoin d’être informés régulièrement.

Donc, pour nous, le vénéré Cardinal Biayenda a été notre pasteur que nous proposons à la face du monde comme modèle de foi. Il sera, si tout marche comme nous le voulons, le premier à être canonisable ou canonisé. Donc, outre les diocèses, nous devons rassembler toutes les énergies de la nation, afin que cela aille dans ce sens. Ça, c’est la première balise.

La seconde balise, je peux dire que, moi, je suis un des petits frères de ce vénéré pasteur. Dans ce sens que nos relations sont celles de petit à grand frère. Quand, je suis revenu comme séminariste scholastique, je venais à Saint-Esprit de Moungali, pour les vacances, où il était prêtre. Je vivais avec un aîné, un frère. Donc nos relations sont, ce que sont les relations de petit frère envers son grand frère.

Maintenant, devenu prêtre, puis évêque, les relations peuvent trouver des colorations différentes. Ce que je pourrais aussi répondre c’est dans ce sens là. « Est-ce que je veux répondre, en tant que frère, est-ce que je peux parler, en tant que prêtre ou en tant qu’évêque ? » C’est cela ma difficulté.

Maintenant, pour répondre à votre question : quels souvenirs gardez-vous de lui ? Comme, je venais de le dire, c’est un grand frère qui est venu me voir, quand j’étais encore aux études, à Lyon. Lui était, déjà, Cardinal. Il est venu me voir et j’ai réagi en petit frère. J’étais très ému pour cette visite. Son éminence m’a demandé, pourquoi, j’avais été absent à la cérémonie. Je lui ai répondu que je n’avais pas l’information. Ce jour-là, j’ai loué une voiture, pour lui permettre de rendre visite aux parents des prêtres de la région qui ont servi au pays, parmi eux, le révérend père Gévaudan, parce qu’à cette époque, à Lyon, il y avait ce culte de rendre visite. Pour moi, le Cardinal, était plus un grand frère, que Cardinal avec tout ce qu’on peut avoir comme honneur ou décoration.

La première vénération pour moi, c’est le grand frère qui m’aide à cheminer.

Quand mon ordination sacerdotale approchait, je suis allé le voir, pour lui demander la permission de prendre l’image de son prédécesseur. A notre époque, on n’avait pas ce culte de la personnalité, dans ce sens que, celui qui est ordonné n’affichait pas sa photo, mais celle de son aîné dans le sacerdoce ou d’un saint. Et j’avais demandé au Cardinal, pour mon ordination, s’il pouvait me permettre de prendre l’image de son prédécesseur, Mgr Théophile Mbemba. Il me répondra, qu’il n’y avait pas de problème.

Par la suite, il m’a demandé : « où veux tu être ordonné ; car, ce sera ma première ordination, je voudrais que cela se passe en la Cathédrale Sacré-Cœur ? ». Je lui ai répondu que je ne me sentais pas dans la peau d’être ordonné en ce lieu. Non seulement parce que mon frère aîné était ordonné à Sainte Anne, mais pour le religieux que je suis, je veux être disponible. Donc, il serait mieux que je sois ordonné à Sainte Anne. Malgré lui, il m’a ordonné dans la Basilique Sainte Anne du Congo. C’était sa première ordination. Vous voyez quelle simplicité il avait ! Le respect qu’il avait vis-à-vis de ses frères ! Un Cardinal qui se soumet aux vœux de son cadet. Et pourtant, c’était lui le chef. Il pouvait décider du lieu où devait se dérouler la cérémonie.

Dans notre société, nous savons ce que sont les grands frères avec leur dictature, leur esprit de supériorité. Mais lui, il s’est soumis. J’étais fortement impressionné et cette image ne me quitte guère. Voilà, les souvenirs que je garde d’un aîné qui savait respecter ses petits frères, malgré sa vénérabilité.

La M.B. : Père Évêques lors de votre ordination sacerdotale, le Cardinal Émile Biayenda avait prononcé une phrase qui, aujourd’hui, apparaît comme une prophétie : « Ernest Kombo, ne crains pas de ta jeunesse et, à tous ceux qui peuvent te mépriser dis : ils ne savent pas ce qu’ils font ». Quel commentaire faites vous de cette parole avec tout ce qui se dit autour de votre personne ?

Mgr E. K. : Si c’est un destin ou une prophétie me concernant, ce n’est pas à moi de le commenter. Mais, je ne peux que prier le Seigneur, pour qu’il m’épargne de tout ce que je ne mérite pas et qu’il me donne la force de surmonter ces difficultés. Je ne pensais pas être, dans ce contexte, épouser et essuyer tous ces propos. J’estime et j’espère rentrer dans le style des uns et des autres.

Même ceux à qui j’ai rendu de grands services arrivent aussi à me mépriser et cherchent même à me nuire. Je ne conçois pas la vie dans cette optique. Donc, cela me tombe dessus, comme la pluie. Si ce que le Cardinal avait dit est une prophétie, que le Seigneur me donne plus de force pour affronter ces épreuves, qu’il m’aide à supporter ce que je ne mérite pas et, enfin qu’il leur pardonne, car ils ne savent pas ce qu’ils font, ce qu’ils disent.

La M.B. : Émile Biayenda, prêtre, Évêque puis Cardinal, de ses trois étapes laquelle vous a le plus marqué ?

Mgr E. K. : C’est difficile de faire la distinction. Un grand frère qui devient prêtre, je tiens à vous le préciser que je ne l’ai pas connu laïc ; ce grand frère prêtre qui devient Évêque, c’était normal parce que le vieux Mgr Mbemba était croulant ; et cet évêque, qui, 3 ans après son sacre, est créé Cardinal, c’était ma grande surprise, parce que je n’étais pas au courant. Je venais de vous dire que la personnalité d’Émile, la sainteté de Biayenda, qu’il a gardées toute sa vie, ne pouvaient susciter aucun débat. Il n’était pas quelqu’un qui haussait ses épaules pour crâner parce qu’il était créé Cardinal. La personnalité, la sainteté de Biayenda ont transcendé la chrétienté, la prêtrise, l’épiscopat et le cardinalat. Il était un modèle irréprochable et nous le recommandons à tous de suivre ses pas.

La M.B. : Que savez-vous de ses souffrances ou de ses 44 jours de prison en 1965 ?

Mgr E. K. : Quand il fut arrêté, en février 1965, nous sommes allés, l’abbé Noël Mifounini et moi-même, lui rendre visite. Il était assis dans un coin, et ceux qui l’ont reçu à la garde à vue, nous avaient permis de nous entretenir avec lui. Lorsqu’il nous a vus, il était comme étonné et nous dit : pourquoi êtes-vous venus ? Nous lui avons répondu que nous sommes venus vous rendre visite. Après, nous nous sommes mis à parler. A l’entendre, je me disais, en mon for intérieur : Est-ce qu’il était serein ? En tout cas, à l’entendre parler, on sentait, en lui, quelqu’un qui pardonnait tous ceux qui lui ont commis ce tort. C’était incroyable, ce qu’il nous disait. Est-ce que cela était dû à son humilité ?

La M.B. : L’année prochaine, mieux, dans près de 3 mois, nous célébrerons les 30 ans de sa disparition. Si l’on venait à vous consulter, qu’auriez-vous à proposer, pour cet événement ?

Mgr E. K. : Si on me consulte, car, on n’a pas l’habitude de me consulter. Si c’est le contraire qui pourrait se réaliser, et bien, je dirai que cela correspondra aux quarante ans dans le monde du renouveau charismatique, Alors, il faudrait que nous prions pour la sainteté des prêtres et pour que sa cause de béatification et de canonisation soit admise et on ne doit plus chercher mille et une occasions pour démontrer encore sa sainteté. C’est le moment favorable.

Trente ans, depuis sa mort, et quarante ans du renouveau charismatique dans la catholicité, je pense que, le réveil, la concertation de tous les charismes doivent être mis à contribution pour ce vénéré pasteur.

La M.B. : Au niveau de votre diocèse, nous avons appris qu’il y a un certain relâchement de la prière pour la Cause du Cardinal Émile Biayenda, et aussi par la même occasion, l’on a appris que ce n’était pas facile, de votre part, de pouvoir accepter la Confrérie Émile Biayenda à Owando ?

Mgr E.K. : Il y a deux mensonges ou contrevérités dans votre question, dans ce sens que j’ai, personnellement, autorisé M. l’abbé Dieudonné Nathanaël Samba, Aumônier national de la Confrérie Émile Biayenda, d’aller dans mon diocèse en mon absence, parce que j’estime qu’en dehors de moi, personne ne pouvait lui donner l’autorisation. Je pense que mes diocésains sont les plus visités par le Cardinal, au point que, nous avons déjà construit une chapelle à Moudzieli qui risquerait d’être baptisée, je dis risquerait d’être baptisée « Chapelle Cardinal Émile Biayenda ».

Donc, il y a plusieurs événements marquants dans mon diocèse. Nous avons beaucoup, je dis bien, beaucoup de témoignages à mettre à la disposition de notre Église, si on nous consultait. Malheureusement, on semble être indifférent à l’égard des autres diocèses. C’est l’occasion de le dire, peut être que nous sommes restés dans le vieux schéma, dans la vielle problématique de « l’Enquête diocésaine ». Mais qu’est-ce qu’un diocèse, chez nous Congolais : Je prends pour exemple la capitale Brazzaville. Je peux dire que tous mes diocésains ont pour capitale Brazzaville.

Donc, il n’y a pas une concession classique qu’un tel est de .... Non ! Et le Cardinal, il n’y en avait qu’un pour tout le pays, il était métropolite. Lorsque vous parlez de diocèse, dans le cadre de la Cause, ne voyez pas seulement votre portion, parlez plutôt du pays tout entier. Nous n’avions qu’un seul Cardinal qui était Archevêque métropolitain, donc un Archevêque pour tout le Congo. Le Cardinal et bien d’autres pasteurs qui sont partis n’avaient pas la conception du diocèse, mais ils voyaient le pays.

Maintenant, l’idée selon laquelle la confrérie n’est pas acceptée, est archifausse. Ce n’était qu’un relâchement.

La M.B. : Père Évêques quel message pourriez-vous adresser au peuple de Dieu que le Seigneur vous a confié, à propos de la Cause du Cardinal Émile Biayenda, puisque les fidèles et certains membres du clergé sont très impatients et peut être lassés d’attendre l’issue heureuse de ladite Cause ?

Mgr E.K. : Non ! Le peuple de Dieu n’est pas impatient. Vous voulez parler, peut être, de découragement. Il attend, sans impatience, l’aboutissement heureux de cette cause. Regardez, à Owando, pour construire cette chapelle, nous n’avons pas attendu l’issue de cette cause, au contraire, ce sont les fidèles qui nous l’avaient demandé de la dédier au bon Cardinal. Ce que je peux leur dire : c’est de continuer à prier, jusqu’à ce que Rome dise son mot.

La M.B. : Un éminent pasteur de notre continent nous avait dit ; si cette cause retarde, c’est parce que vous, les pasteurs du Congo, ne prêtez pas une attention particulière à ce dossier.

Mgr E.K. : Ah bon ! Il peut avoir raison, en partie. Là aussi, comme je venais de vous le dire, nous devons être informés de temps en temps de l’évolution du dossier, ce n’est pas mauvais !

La M.B. : Vous lisez, de temps en temps, le journal « La Mémoire Biayenda », quelles sont vos impressions ?

Mgr E.K. : Une fois encore, vous avez épousé le concept de diocèse. Votre journal n’est ventilé qu’à Brazzaville et peut être aussi à Pointe-Noire, alors que le Cardinal était pour tous les diocèses, pour toute l’Église. Votre journal, je le lis et si je n’ai pas le temps, je me contente, au moins, des grands titres, Ne vous arrêtez pas seulement aux informations de la capitale. Ailleurs aussi, le Cardinal fait des merveilles. Il faut sillonner partout.

La M.B. : Père Évêque, pour sillonner partout, il faut avoir des moyens financiers, permettez que je vous dise : le journal n’a pas de budget. Nous paraissons avec le fruit de la vente. Quelquefois, il nous arrive aussi de faire d’importants invendus ce qui hypothèque la parution suivante. Les moyens financiers, le journal n’en a pas, surtout que nous n’avons pas d’insertions publicitaires.

Mgr E.K. : Mais, vous me faites-là une révélation. Avez-vous intéressé les grands mouvements d’apostolat pour vous aider à avoir un stock important de matières premières ? Comment voulez-vous tenir le coup jusqu’à l’aboutissement de cette cause ? Personnellement, je n’ai pas vu sur mon bureau une correspondance de votre part qui va dans ce sens.

Propos recueillis par Grégoire YENGO DIATSANA

 


 
 
 
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