Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Émile Biayenda, à son jeune âge, lorsqu’il commettait une faute, en pleurait longtemps

Je connais le Cardinal Émile Biayenda depuis 1938, à l’école primaire de Kindamba. Il était au cours élémentaire, première année (CE1) et moi au cours préparatoire 2e année (CP2). Notre maître, Monsieur François Loubayi, venu en congé de Noël à Brazzaville, se fit embaucher aux PTT, fuyant ainsi l’enseignement et nous abandonna à nous-mêmes. On nous mélangea, alors, avec les élèves du CE1 ; je devins collègue d’Émile Biayenda. Notre maître commun s’appelait monsieur Albert Mvouama.

Biayenda et moi fument les seuls admis à l’examen, en 1941, au CM1. Nous fûmes envoyés à Brazzaville par le Père Houchet, pour participer au concours et monter étudier à Kibouende. Nous avions logé chez son frère aîné, M. Martyr Milongo.

Nous fûmes éliminés au concours parce qu’à Biayenda il manquait 1,5 point et à moi 2 points pour avoir la moyenne fixée.

Nous avions longuement pleuré, là devant la Cathédrale ; le concours ayant eu lieu à l’école Jeanne d’Arc, en face de l’actuelle place mariale. Le frère Samuel nous consola jusqu’à nous poser sur ses genoux.

Le camion du Commandant nous prit à la Mairie et nous ramena à Mayama, d’où Monsieur Mbemba Ange nous indiqua la route de Kindamba, que nous rejoignîmes à pied, tout fatigués, découragés et pleins de honte.

Nous avons donc redoublé le cours Moyen 1 (CMI).

Le Père Durand revenant d’une tournée pastorale à Bikié yala, non loin de Zanaga, informa la direction des écoles que l’aide-moniteur Urbain Mvouama avait fui l’enseignement et s’était fait élève téléphoniste, à Jacob, l’actuelle gare de Nkayi.

Envers tout et contre toutes les interventions des Religieuses et des Frères, je fus envoyé par le Père Morvan à Bikié, comme Moniteur. Une vraie punition : « Puisque le papa de Mbemba Paul ne se confesse pas, son fils doit aller à Bikié », disait le Père Morvan.

Biayenda Émile resta à Kindamba et fut séparé de moi qui était déjà son ami. Il ira à Kibouende, puis à Boundji (1944) où je le rejoindrai (1945).

Comme élève à Kindamba, Émile Biayenda était un écolier laborieux, intellectuellement et manuellement. Comme camarade, puis mon ami, il était un compagnon agréable. Ses meilleures qualités sont :

Quand il commettait une erreur grave, il en pleurait amèrement et s’appliquait par la suite à se surpasser, pour atteindre l’excellence dans ce domaine.

Deux exemples de cette période :

Il me remplaça comme cuisinier des Frères à Kindamba, pendant que je fus envoyé comme aide infirmier au dispensaire tenu par la Sœur Maria. Un des Frères, je crois le Frère François Idzia, ordonna à Biayenda de « griller » les arachides.

Tout naïvement, Biayenda se dit en lui-même que les Frères, les Pères, les Sœurs, toutes ces personnes civilisées ne mangent certainement pas les arachides grillées à la manière du village. Les lavant proprement et les grilla avec de l’huile. Quand il les servait aux Frères, ce fut le tonnerre et les rires.

Biayenda en pleura longtemps et depuis lors s’appliqua à la cuisine au point qu’il mérita le titre de « Émilio Cordon bleu » au Petit Séminaire de Mbamou.

Une autre fois, le maître, en classe, posait des questions de vocabulaire. Il demanda : « Qu’est ce que le coton ? ». Personne ne savait comme expliquer ce qu’est le coton. Biayenda lève tout bonnement son doigt et répond : « le coton ni Koto » ! (le coton c’est le genou). La similitude phonétique des deux mots français et laadi l’avait induit en erreur. La classe éclata de rire, Biayenda éclata en sanglots. Mais, après cela, il fut difficile à battre en vocabulaire.

Je l’ai suivi à Boundji, puis à Mbamou, je suis de la promotion de Barthélémy Batantu, Maurice Mbindi, Didace Malanda. J’ai été renvoyé du Séminaire en classe de 4e . Le Père Morizur, le Directeur, trouvait qu’il y avait trop d’élèves de l’ethnie lari, et dans chaque classe il y avait toujours un garçon venu de Kindamba-Vindza. Puisse Dieu lui pardonner ces discriminations antiévangéliques. Biayenda est resté mon ami.

J’ai enseigné à Kindamba, de 1954 à 1958. Il est venu me rendre visite avec d’autres grands séminaristes. A la mort de ma première épouse, il a transféré les obsèques de St Esprit de Moungali notre paroisse pour St Jean Marie Vianney de Mouléké, pour mieux les célébrer lui-même.

Devenu évêque et Cardinal, il n’a jamais négligé notre amitié. Il avait un sens aigu de la fidélité dans l’amitié, et les exigences évangéliques. Je n’ai l’ombre d’aucun doute pour dire devant vous que le Cardinal Émile Biayenda est un Saint. Il aime notre pays et il intercède déjà pour nous tous.

Par Paul MBEMBA,
31, rue Gamboma, Moungali Plateau des 15 ans BRAZZAVILLE

 


 
 
 
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