Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

samedi 22 mars 2025


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L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Vérité ou illusion

Émile Biayenda, Un bon pasteur :


Il existe dans toutes les langues culturelles dont regorgent environ 82 ethnies congolaises, un adage presque identique de par les explications qu’en donnent les congolais : « nionso ya muntu ya kufua ke vuanda kaka ya mboté » ; « bolamu nionso ezalaka se ya mowei » ; « wa fua wa toma »... En français cet adage traduit ce qui suit : « on dit généralement du bien d’un mor t », devrions nous en dire autant pour le Cardinal Émile BIAYENDA ?

Les avis de ceux qui osent ou ont déjà osé répondre à cette question sont partagés. Autant que nous rencontrons un nombre considérable d’individus : chrétiens ou non chrétiens, qui rapportent qu’Émile BIAYENDA fut un bon pasteur, autant nous en rencontrons qui infirment ce témoignage.

En Afrique, notamment au Congo, comme d’ailleurs nous le constatons un peu partout dans le monde, les morts, malgré leur vécu, sont vénérés avec beaucoup d’exaltation et d’affection. Le regret d’une éternelle séparation, le chagrin, la nostalgie, les mines abattues, la détresse, les pleurs, chantent et vantent les qualités de ceux qui nous ont précédés dans la mort : "Ils auraient été la civilisation et à la barbarie". En effet, les discours prononcés lors des cérémonies funèbres attribuent aux décédés les premières, si non les bonnes places de la conduite humaine gratifiante. Pourtant, de leur vivant, les hommes sont plutôt méconnus qu’exaltés.

Il y a même des traditions qui vont jusqu’à brûler les dépouilles mortelles et conserver leurs résidus comme symbole- non seulement d’une présence continue mais aussi d’une communication continuelle entre les vivants et les décédés. Beaucoup de pratiques ont lieu dans les unes ou les autres cultures pour honorer les morts. La mort, comme toute séparation, blanchit les actes de ceux qui, dans le temps effectuent, soit un déplacement, soit un voyage d’un lieu à un autre ou d’une vie à une autre.

Ces arguments font bonne presse et endurcissent en même temps le cœur de ceux qui émettent un doute cartésien au caractère exceptionnel qu’a le visage de BIAYENDA. En effet, homme comme tout autre, ayant vécu parmi nous et au milieu de nous avec toutes peines et faiblesses possibles liées à la nature humaine, comment pourrait-il aujourd’hui être un si grand nom ?

Il est probable, pensent certains esprits, que l’on rapporte à son sujet beaucoup d’événements qui, historiquement, ne sont guère scientifiques. Le cardinal vécut-il avec tant d’humanité, fut-il un bon pasteur au sens définitionnel et effectif du mot ? Autant de questions se posent.

Aujourd’hui, il s’est écoulé numériquement 31 ans depuis que BIAYENDA est décédé. Notre génération, ne l’a pas réellement connu. Celle de nos parents au moins. Et tout ce que nous connaissons de lui de nos jours nous a été rapporté par nos parents ou grands parents qui, pour la plupart, .avoisinent la vieillesse. Or les guerres sanglantes, les maladies et le climat de défavorable de l’absence de guerre qui prévaut dans nos contrées, nous semble t-il ont porté atteinte à leur mémoire.

Leur intelligence a plus ou moins régressé, leur capacité de rétention a peut être diminué. De ce fait, faut-il prendre leurs discours comme une parole d’évangile ? Faut-il ne pas croire à leurs assertions ? En tout cas, de tout événement rapporté au sujet de BIAYENDA, l’on ne saurait concrètement et rationnellement les quels sont historiquement véridiques. BIAYENDA pour nombreux est plus un mythe, une légende, un conte qu’un père, qu’un aîné qui nous a précédé et nous a montré l’exemple d’une vie simple, équilibrée et responsable.

Au Grand Séminaire National, d’ailleurs `dédié à son nom, nombreux sont les Séminaristes qui méconnaissent son histoire et gèrent tout de même un flou sur le dossier de sa canonisation. Certaines langues veulent ou ont tendance à réduire la portée de son élévation à un niveau ethnique. Pourtant, Émile n’a jamais été un pasteur d’une seule ethnie, d’un clan ou d’une tribu donnée.

Il a été, est et restera toujours l’héritage de l’Église Universelle au sein de laquelle sont représentées toutes les ethnies, races et couches sociales sans exclusivité et discrimination quelconque : une Église où « il n’y a ni grec, ni juif, ni pauvre, ni riche, ni esclave... ».

Certes, chez nous, les morts sont exaltés mais n’oublions guère que nous en avions en nombre inqualifiable, y compris les martyrs, mais tous ne sont pas commémorés et honorés de la même manière. Et, ceux qui le sont, leur vécu n’a vraisemblablement pas assez d’impact sur notre vie que celui de BIAYENDA : « Figure d’unité pour notre Église locale et notre pays ». D’une centaine de prêtres et parmi plusieurs Évêques Congolais, c’est lui qui a été élevé au rang de cardinal. N’a-t-on pas besoin de nombreuses vertus pour être digne d’une telle confiance ? Les esprits habiles trouveront un chapelet de raisons soient politico-religieuses, soient stratégiques qui auront fait qu’Émile soit créé Cardinal. En tout état de cause ; BIAYENDA a été cardinal selon le dessein de Dieu, de l’Église et celui du peuple congolais tout entier.

Le contenu, la profondeur, l’immensité, voire la portée de ses nombreuses lettres pastorales nous enivre de sagesse et de connaissance. Ces réflexions ont eu une implication considérable dans la vision Sociologique, Anthropologique de notre pays en général et de notre Église en particulier. Le cardinal avait la parfaite connaissance des maux qui rongeaient la vie de ses brebis ; il savait se taire pour pouvoir écouter. Si bien que dans ses discours, loin d’effleurer la réalité, il touchait de plein pied les préoccupations majeures du peuple dont il avait la charge pastorale. Et avant de répertorier les différentes possibilités de pouvoir remédier aux différents problèmes socioculturels, il revenait maintes fois sur les valeurs statistiques de la population Congolaise : vieillards, adultes, et enfants, pour montrer en effet combien la situation de ce peuple le préoccupait.

Grand homme de science, il a plutôt dissimulé ses grandioses facultés intellectuelles dans le cœur à cœur avec le peuple, pour lequel il a eu le plus de soucis pendant toute sa vie, et pour lequel il s’est livré victime innocente comme le christ mourant sur la croix. La Sainteté : « l’unique voie par laquelle on pourrait et impérativement sauver les âmes », a eu une très forte résonance dans sa vie. Encore Séminariste en année de théologie, précisément en 1958, Émile fit déjà une réflexion très pertinente sur la « Grandeur du Sacerdoce ». Le contenu de cette réflexion est si gigantesque que sa portée couvrira toute l’éternité du temps.

L’intégralité du texte se trouve dans le N° 65 du journal « La Mémoire Biayenda » publié en 2005. En voici un extrait : « ... On ne sauve les âmes que par la sainteté ». Il est certain, disait à un séminariste, le vénérable Père Libermann et l’expérience l’a prouvé mille fois « qu’un prêtre médiocre en fait de science, mais bien avancé dans la vie intérieure et la perfection sacerdotale, sauvera infiniment et plus d’âmes qu’un prêtre très savant, même grand prédicateur mais qui ne serait qu’un prêtre commun. C’est pourquoi le Séminaire doit être une école de sainteté ».

En effet, le « Séminaire, doit être une école de sainteté » pour former des prêtres non communs, capables de pouvoir s’anéantir afin de sanctifier le peuple de Dieu, a demeuré le souci majeur du séminariste, du prêtre, de l’évêque et Cardinal Émile BIAYENDA.

Plus bas, dans sa réflexion, il dira : « je profiterai de mes années de formation pour me sanctifier. Je ne jouerai point au cache-cache avec le règlement. Je m’efforcerai de tenir à mes exercices de piété et assurer mon travail d’ameublement intellectuel par l’étude, j’apprendrai chaque jour à connaître Jésus. Je fuirai la paresse et la nonchalance. Je mettrai du sérieux dans ma vie, je chercherai à me faire une piété solide. C’est à ce prix seulement que je plairai à jésus et dédommagerai l’abus fait jusqu’ici de ses bienfaits ». BIAYENDA s’est dépensé et y a mis du prix pendant toute sa vie pour s’anéantir, se mortifier afin d’ouvrir la porte de son cœur à jésus. Et, par la grâce de Dieu il est parvenu à une telle élévation. La Bible ne dit-elle pas ’qui s’abaisse sera élevé ?

Le Cardinal n’a pas été un enfant, un adulte et enfin un « Pasteur commun ». Ce n’est donc pas par simple fantaisie ou illusion que le peuple de Dieu lui attribue le titre de « Bon pasteur ». C’est ce qu’il a été comme Prêtre, Évêque et Cardinal non selon le cœur des hommes mais selon le cœur de Dieu : étant un berger infatigable toujours au service du troupeau qui lui a été confié. Ainsi sa mort aussi événementielle soit-elle n’est donc pas l’unique et essentielle raison de son exaltation.

Son vivant fut un bon témoignage de vie vécue dans la dignité, l’amour, la loyauté, la simplicité et la bonté la plus visible que l’on n’a jamais rencontré chez un pasteur commun. D’ailleurs son martyre n’est qu’une conséquence directe d’une vie rayonnante qui, au passage, obstruait ou dérangeait la quasi-totalité des consciences obscures, des malfaiteurs qui opprimaient au jour le jour la liberté du peuple.

Son élévation, sa grâce d’être glorifié parmi les élus du ciel vaut donc l’honneur d’être portée au grand jour, dans la mesure où il a su témoigner de l’amour du christ jusqu’en acceptant le bois du supplice pour son peuple. Par conséquent, l’adage : « wa fua wa toma » ; « bolamu nyonso ezalaka se ya emowei », bien qu’acceptable ne saurait en aucune manière être probable pour BIAYENDA.

Comme l’indique son nom BIAYENDA : les richesses perdues, le Cardinal est un trésor que l’Église du Congo n’a pas jusqu’ici su découvrir et qu’elle semblerait perdre davantage. Se réunir donc unanimement, sans frontières ethniques, tribales et ou diocésaines autour du dossier de sa canonisation, permettrait à cette Église locale du Congo qui, se questionnant sur BIAYENDA, se remet elle même en cause jusque peut-être à passer dans l’oubli cette figure emblématique, à réaliser un pas positif non seulement vers l’achèvement de ce processus, mais aussi vers son avenir qui, de plus en plus, s’éloigne d’elle.

La Béatification et la Canonisation d’Émile BIAYENDA constitue bien le point focal du ’développement, progressif et véritable de l’Église du Congo Brazzaville qui, après cent vingt cinq (125 ans) d’Évangélisation, se cherche encore. Unissons nos prières et nos efforts personnels pour que ce procès arrive à bon terme.

Gabriel MASSEMBO, Sous la direction
de Adéodat BOUETOUZ,
Tous deux Séminaristes en 1ère année de Théologie




 
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