Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

mercredi 23 octobre 2024


L'église Ste Anne


Mgr THÉOPHILE MBÉMBA


Mgr BARTHÉLÉMY BATANTU


L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Émile Cardinal Biayenda, le Mfumu-Nganga Nzambi (chef des prêtres de Dieu !) (6)

Depuis le 16 mars, le Cardinal Biayenda avait envoyé son chauffeur, M. Malanda Boniface allias « Dynamique », auprès du neveu Philippe, pour suivre une demande d’audience qu’il avait introduite auprès du chef de l’État, à propos de l’affaire du couvent Javouhey. L’État congolais voulait, après avoir nationalisé le lycée Anne-Marie Javouhey, devenu Lycée Patrice Lumumba, déloger les Sœurs de Cluny et prendre tout leur domaine. Le Cardinal Biayenda informé du litige s’était engagé à voir personnellement le Président de la République, pour un dénouement heureux de cette affaire.

Le 18 mars, vers 8h 30, son neveu apporte au Cardinal la suite de sa démarche. L’audience est accordée pour ce jour, en matinée. Malheureusement, le Cardinal est absent et l’information sur fiche est laissée à M. l’Abbé Louis Badila, le Vicaire Général.

Le Capitaine Pascal Mouassiposso, Directeur du Protocole d’État avait retenu trois personnalités pour les audiences de cette matinée-là, avec, comme agent du protocole permanent, le nommé Jean-Blaise Indzembis.

Personnalité à recevoir : Son Éminence le Cardinal Emile BIAYENDA

Qualité : Archevêque de Brazzaville

Heure : 9h30

Personnalité à recevoir : Son Excellence Monsieur Dieudonné MIAKASSISSA

Qualité : Ancien Président de l’Assemblée

Heure : 10h30
Personnalité à recevoir : Commandant Martin MBIA

Qualité : Commandant de l’APN
Heure : 11h.

Puis l’on rapporte aux responsables du Protocole d’État le résultat de la mission. Ceux-ci, en accord avec le Chef de l’État, vont intervertir l’ordre des audiences : les deux autres personnalités seront reçues en premier et le Prélat à la fin de la matinée, donc à 11h00. Le changement de l’heure est aussitôt communiqué à l’Archevêché de Brazzaville, où le Vicaire Général prend acte.

Entre temps, le Cardinal Biayenda termine son inspection du chantier des religieuses, à Ngangouoni, il repart à l’Archevêché pour se préparer à l’audience accordée par le Président de la République. Il faut aller plaider pour les religieuses de St Joseph de Cluny, à propos de leur terrain du « couvent Javouhey ». Il se fait accompagner par M. l’Abbé Louis Badila, le Vicaire général, la Sœur Claire, nouvelle Vice-provinciale et Sœur Thérèse Glaud, la plus ancienne des quatre. Le chauffeur a pris la voiture Peugeot 504, de couleur noire officielle, don personnel du Commandant Marien Ngouabi au Cardinal Biayenda. L’audience a lieu à l’État-major, non loin du « couvent Javouhey ».

Le 1er octobre 1996, Sœur Thérèse Glaud (Paix à son âme) se souvient de ce qu’ils se sont dits avec le président de la République Populaire du Congo à sa résidence de l’État-major, le 18 mars 1977. « Il devait nous recevoir pour régler le litige de notre terrain à Javouhey. L’Etat avait pris le Lycée, baptisé par eux, « Patrice Lumumba » - depuis la nationalisation des écoles (1964-1965). Maintenant, l’armée voulait nous prendre une partie de notre terrain ou même nous déplacer de là, pour nous offrir, disaient-ils, un autre terrain. Nous avons attendu un peu longtemps le Président Marien Ngouabi dans le salon. Pendant qu’il nous saluait, je lui ai demandé « comment ça va Monsieur le Président ? », il m’a dit qu’il allait bien. Je pouvais me permettre cette familiarité, parce que je le connaissais bien. Sa femme était amie à sœur Maurice et le couple présidentiel ou le Président tout seul venait nous rendre visite à Linzolo. Je lui ai demandé, ensuite, avec un peu d’autorité dans la voix : « Comment ? Vous voulez qu’on quitte notre maison ? Comment quitter les lieux où nos aînées religieuses ont vécu et travaillé ? Pour aller habiter où, Monsieur le Président ? »
.
Très gentiment et calmement, il nous a répondu : « Je n’ai pas voulu agir sans vous consulter. Si vous ne voulez pas quitter, personne ne vous fera partir de là… ». Nous lui avons dit : « Monsieur le Président, si vous aussi vous tenez à ce terrain, eh bien, nous vous céderons une partie, du côté de la maison à étages où sont les sourds-muets ; mais vous nous construirez une maison, où vous voudrez ».

Le secrétaire du Président notait tout cela et s’ils savent garder les archives, on peut vérifier que les choses se sont passées normalement. Mais une chose m’avait frappée : « Ce secrétaire n’avait pas du tout une bonne mine. Son visage était triste, presque absent ».

Avec le Cardinal, ils ont parlé d’autres problèmes, en plus de l’affaire de notre maison, mais très brièvement ; notamment, ils ont parlé du problème des réfugiés Cabindais, avec le FLEC (Front de Libération de L’Enclave du Cabinda).

Le Cardinal a parlé de l’aide alimentaire, de l’assistance humanitaire qu’on devait apporter aux réfugiés. Le Cardinal est parti avant, refusant de partager le repas avec le Président, parce que, lui aussi, avait des invités à la Cathédrale. Le Président de la République est resté, un moment, causer avec moi. Il m’a chargé de transmettre des salutations à Sœur Maurice (Paix à son âme). Nous aussi, nous sommes parties à pied ; Javouhey est tout à côté de l’État-major ».

Pendant que le Cardinal Biayenda et sa suite sont en audience avec le Président de la République, dans les jardins de l’État-major, un remue-ménage s’empare du personnel en fonction. Cela ne dure pas. Le chauffeur du Cardinal est sommé de dégager son véhicule des alentours de la salle d’attente et d’aller se mettre, plus loin, vers la sortie. Celui-ci hésite d’obtempérer ; il explique qu’une telle manœuvre obligera le Cardinal Biayenda, à la fin de l’audience, à marcher sur une distance non convenable. L’atmosphère passe à l’énervement de la part des gardes en stationnement. Le chauffeur cède et déplace son véhicule. De retour à l’Archevêché, il en parle à ses autorités. Le Cardinal Biayenda et son Vicaire Général confirment que, durant cette audience, l’ambiance était lourde dans l’ensemble. Par ailleurs, on saura que, ce jour là, d’autres audiences ont été annulées, par exemple, celle que le Président devait avoir avec l’Ambassadeur du Sénégal.

Pourquoi ? Que signifiaient ces remous qui avaient causé des va-et-vient parmi les agents de la garde ? La présence du Cardinal, dont l’audience avait connu un changement d’heure et un retard d’une heure, a-t-elle donné une heure de sursis au Président de la République ? S’il était resté manger avec le Président, aurait-il péri le même jour ?

Le Cardinal Biayenda a quitté l’État-major à 13h30. Il se passera bien une heure ou plus, avant que les coups de feu ne retentissent dans l’enceinte du prétoire. La version donnée par le communiqué officiel a raccourci à 30 minutes le temps entre le départ du Cardinal et des sœurs et l’heure de la fusillade...

 




 
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