jeudi 19 septembre 2024
Les commentaires, les remous politiques, les non-dits politiciens que ce discours suscite couvrent tout Brazzaville et s’infiltrent dans la société congolaise avec, dans l’air, une odeur de souffre et de sang.
Quelques années plus tard, l’historien Théophile Obenga, écrira entre autres : « Le contexte social et économique est au marasme. Les recettes pétrolières reçues par le gouvernement du Premier Ministre Henri Lopès (1973-1975) ont été gaspillées par le parti révolutionnaire…
Dans l’ensemble, le pays reste toujours une mare de misère… Le président est sur le gril. Il pense que le parti doit préparer un congrès économique dont il voulait confier la confection des dossiers à Yhombi Opango. Voici que les marcassins, hostiles à Yhombi (ils pensent déjà à l’après-congrès), s’émancipent. Un coup catastrophique s’annonce. Marien Ngouabi le pressent, par instinct.
Qu’importe, le président tient son (dernier) meeting public avec les pétroleuses de l’U.R.F.C., au grand complet. Il croit nécessaire de laver les saletés et les crimes de la révolution avec son propre sang. L’allure est messianique, cependant personne ne comprend vraiment. Ngouabi bat les buissons, mais le temps déjà respire la fin d’un processus social ».
L’Archevêque de Brazzaville, qui entend, écoute et voit vivre cette société congolaise et l’Église qui s’y incarne, offre et intercède en remettant tout dans le Sacré-Cœur de Jésus et Marie.
Il continue la visite des chantiers du diocèse en cours dans la ville, tout en restant ouvert aux autres Églises chrétiennes avec lesquelles il partage le souci de l’unité et de la paix pour le Congo, le problème encore crucial des réfugiés Cabindais, dans la zone de Loubomo. La conclusion de la fête de l’URFC coïncide avec une grande manifestation de l’Armée du Salut.
En effet, depuis vendredi 11 mars, les fidèles salutistes ont reçu M. Wiseman, Général mondial de leur association.
Ce dimanche 13 mars, ils fêtent leur quarantième anniversaire d’implantation au Congo-Brazzaville. Un défilé grandiose parti, pour eux, du Plateau des 15 ans, vient aboutir au rond-point du quartier Poto-Poto. Là, ils inaugurent leur nouveau lieu de prière. Son Éminence le Cardinal Émile Biayenda, qui a été cordialement invité à la manifestation y participe, de 15h30 à 20h. Il prononce une allocution sur le Temple, demeure de Dieu.
Ironie du sort ou volonté divine, comme texte public signé seul, cette allocution sera la dernière du Serviteur de Dieu. En voici quelques lignes : « Voici « la demeure de Dieu » parmi les hommes ! Ce temple, cette salle, ce lieu de réunion et de culte est l’« Arche d’Alliance », le signe visible de l’existence de Dieu et de sa présence dans ce quartier de Poto-Poto, dans notre ville et dans notre pays. Ce temple constitue, à la fois, un signe, un symbole et un appel. Signe de vos efforts conjugués pour bâtir, à Dieu, un lieu digne de lui… Oui, mes frères et sœurs en Christ, nous sommes le « temple de Dieu, la demeure de la Trinité sainte, le Tabernacle de l’Esprit. C’est pourquoi, ce temple de béton, où nous nous trouvons, devient finalement un appel, un appel pressant à notre sanctification, à la sainteté… ».
L’appel pressant à la sainteté est lancé : pour lui-même, d’abord, comme berger d’un grand troupeau, ensuite, pour chacune des brebis que lui confie le Seigneur, même ceux et celles qui ne sont pas du même enclos (cf. Jn 10,16).
A son retour à la maison, il s’informe sur le match de Football de la fête de l’URFC et celui des Diables-Noirs, au Gabon. La vie du Congo et du monde, moissonnée quotidiennement et pieusement recueillie dans le cœur-autel du paisible Cardinal congolais, constitue son offrande et sa prière nocturnes.
Une vie pour les autres ; une vie de prière pour les autres, une intercession incessante pour que les hommes et les femmes, les jeunes et les adultes, les malades et les gens valides, les prisonniers et les voyageurs aient la vie en abondance. Il faut que le Règne de Dieu advienne aussi dans chaque tissu social congolais, grâce au témoignage authentique des chrétiens.
Il disait le Jeudi-Saint 1975 : « Vivant dans le monde comme les autres hommes, travaillant comme eux et avec eux, pour une humanité meilleure, nous vivons aussi avec Dieu, en harmonie avec Lui, nous sommes de sa Famille. Il a fait alliance avec nous. Au- delà des légitimes espérances humaines, nous avons l’espérance de l’éternité bienheureuse. Soyons en témoins dans notre monde. Ce témoignage de notre foi et de notre espérance, nous devons le donner, chaque jour et dans notre vie de chaque jour. Nous devons aussi le donner dans notre effort pour la construction du Royaume de Dieu sur terre. Les difficultés sont peut-être nombreuses. Mais nous savons que Dieu nous aime et Dieu n’est pas pauvre… ». En somme, le chrétien doit être présence du Christ au milieu des Congolais !
La semaine du 14 mars s’ouvre par l’écoute. Cinq jeunes de 20 à 28 ans, en lien avec la communauté œcuménique de Taizé (France) ont obtenu une audience auprès du Cardinal. Ils viennent lui soumettre leur projet d’organiser, durant la Pâques, une rencontre œcuménique au Centre catéchétique (aujourd’hui Centre Interdiocésain des Œuvres).
L’un d’entre eux, Raymond Sita témoigne : « C’est un mercredi, le Cardinal nous reçoit, de 15 heures à 18 heures. Nous lui parlons. Il nous écoute, presque avec déférence. Nous ne sommes pas ses familiers, pourtant, pendant trois heures d’affilée, nous parlons familièrement de l’Église, de l’œcuménisme, de la jeunesse.
Il nous révèle, de temps en temps, ses joies et ses peines de Pasteur. Le Cardinal nous conseille d’organiser la rencontre dans la simplicité des enfants de Dieu, à partir de 16 heures du dimanche de Pâques. Chacun aura ainsi le temps de vivre la fête de Pâques dans sa propre paroisse. Nous sommes à l’époque de la propagande marxiste.
L’Église est très souvent critiquée et son action est strictement consignée dans l’enceinte des paroisses. Comme pour nous encourager, le Cardinal ajoute, avec autorité : il faut réussir votre rencontre, les gens sauront qu’il y a des jeunes chrétiens dans ce pays !
La nuit tombe, le Cardinal nous remet la somme de 500 francs Cfa, pour payer une course en taxi. Si nous avons su qu’il allait nous quitter, une semaine après, nous aurions gardé ce billet comme relique. Nous étions très émus et étonnés de l’amitié et du temps que le Cardinal nous avait spontanément accordés. Nous n’avions pas de titres ou de références grandiloquentes pour imposer au Cardinal cette si profonde attention.
Nous avions vécu un moment fort merveilleux avec lui. Ce moment m’avait personnellement fait grandir dans ma foi. Ce souvenir m’aide encore à vouloir découvrir le visage du Ressuscité ! Quand, une semaine après, toutes les homélies et les oraisons, sur la vie du Cardinal, mettaient l’accent sur l’humilité du Bon Cardinal, je disais : c’est vrai, j’en suis un témoin privilégié ! ».
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