Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

lundi 14 octobre 2024


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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Arrêté et emprisonné injustement, le Cardinal Émile Biayenda pardonne, tout simplement

SOUVENIR

Jeune prêtre, Émile Biayenda est arrêté injustement sur une fausse accusation en février 1965. Il passe un séjour de 44 jours au commissariat central de police puis à la maison d’arrêt de Brazzaville. A sa sortie, il déclare simplement : « Je ne garde rancune contre personne. De tout cœur, j’ai voulu pardonner à tous ceux qui m’ont infligé cette injustice, en pensant au Christ du haut de sa croix... ». Aussi, dans son cahier journal de janvier - décembre 1976, nous avons découvert l’audience qu’il avait accordée aux parents de celui qui l’avait torturé.

Dans notre parution n° 30 relatant les 44 jours de prison de l’Abbé Émile Biayenda, ce prélat avait écrit pour raison de mémoire un document confidentiel qu’il a gardé par devers lui des années dans lequel il raconte ce qu’il avait vécu, subi dans sa chair et dans son âme concernant des outrages, des persécutions et des fausses accusations de février à mars 1965.

Cette affaire sans fondement, montée de toutes pièces par son frère de Mpangala, de surcroît cadet d’un confrère prêtre, un ancien petit séminariste qu’il avait vu autrefois arriver tout jeune au séminaire. C’est « cette prétendue affaire » qui a failli lui coûter la vie. Oubliant que le jour de son mariage, le jeune prêtre Émile Biayenda en compagnie du Curé de sa paroisse, honorèrent de leur présence la fête familiale qui avait été organisée dans la clôture de son oncle.

Abbé Émile Biayenda

C’est donc ce dernier, qui conduisait la bande qui devait mettre la main sur lui à la paroisse Saint Jean Marie Vianney de Mouléké. Émile Biayenda écrit : « Je le saluai et m’enquis du motif de son arrivée. D’ailleurs, une voiture était stationnée derrière l’école sur la grande route. Cependant, le temps passe et avec l’âge, les souvenirs s’estompent. C’est pourquoi, en ce troisième anniversaire, je me résous, enfin, à écrire.

« Jamais, je n’ai voulu rien écrire là-dessus, tellement cela me répugnait et peut-être aussi pour continuer à vivre cela tout seul dans le silence et la méditation ».

A travers cet article, nous voulons démontrer la grandeur de cœur qu’avait Émile Biayenda dès son jeune âge. Un cœur plein de bonté et de pardon. Nous reprenons ici quelques extraits de ce document comme le prélat l’avait écrit : « Les commissaires étaient là, debout, penauds l’un des deux balançant un lot de clés sous ses doigts pour se donner une certaine contenance. C’est seulement ce jour-là que j’entendis par la lecture du juge d’instruction, le contenu du fameux tract. Ça devrait être un manifeste de mécontentement des fonctionnaires provoqué par une affaire de leurs allocations familiales ; le juge s’étonna ironiquement que ce furent des prêtres qui se chargèrent de cela. Car, jamais, il n’avait encore su que les prêtres touchaient des allocations familiales. Les commissaires commencèrent, évidemment, à se fâcher, mais toujours est-il que le juge nous déclara, pour son compte, exemptés de toute culpabilité et qu’on avait tous souffert sans mériter cela. Les commissaires sortirent furieux et l’on nous remit à la maison d’arrêt. Cela allait durer jusqu’au 24 Mars 1965, 11h30.

Entre-temps l’avocat touché prouva sans peine notre innocence.

L’Ambassadeur de Suisse résidant à Léopoldville, intervint assez énergiquement pour son sujet qui était le Père Robyr. Monseigneur MBEMBA continua à multiplier ses démarches.

A partir de ce jour également, il fut permis qu’on vienne nous rendre visite.

Monseigneur vint, ce fut un très grand réconfort moral. Beaucoup d’autres pères, religieux et religieuses, beaucoup de fidèles et d’amis viennent nous rendre visite apportant chacun quelque chose à manger. Les parents : papa, mes frères, mes belles-sœurs, mes neveux et nièces viennent évidemment et obtiennent même des permissions permanentes.

Un matin, on téléphona que nous sortirions ce jour-là, ce fut le mercredi, 24 mars 1965, la veille de l’Annonciation qu’eut lieu notre relâchement à 11h30 exactement. Monseigneur vint lui-même nous chercher dans sa voiture et nous conduisit à l’Évêché où il nous garda pour notre repos ».

Émile Biayenda, l’homme du pardon

« Voilà ce qui m’était arrivé en 1965. Je me suis décidé à transcrire cela pour mon compte personnel. Je ne garde rancune contre personne. De tout mon cœur, j’ai voulu pardonner à tous ceux qui m’ont infligé cette injustice, en pensant au Christ pardonnant du haut de la croix. Après 3 ans, je sens cependant encore combien tout cela a opéré de coupure dans ma vie ».

Lorsque vous avez lu ce document à la fin, l’abbé Émile Biayenda écrit :

Comme le dit un adage : la nuit porte conseil, 7 ans après, l’Abbé Émile Biayenda devenu Archevêque de Brazzaville, écrit dans son cahier journal daté du 1er janvier au 31 décembre 1976) : « l’oncle du Père Didace Malanda, Monsieur Nguele accompagné d’un certain Malonga et de son neveu Florent Malanda ex-commissaire qui me tortura en février 1965 sont venus me rendre visite. C’était pour demander pardon ».

Connaissant, l’homme nous pouvons affirmer sans nous contredire qu’en acceptant ce rendez-vous, le Cardinal Émile Biayenda voulait à son tour accorder de vive voix son pardon à son frère de Mpangala.

Outre cela, nous avons aussi découvert dans un autre texte écrit dans son cahier journal 1954-1958 à la page 39, qui montre le degré de la dimension spirituelle de ce grand et bon pasteur qui dit : « Soyez miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux. Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on fît à vous-mêmes. Voilà qui doit être la règle générale de notre conduite. Nous tenons à ce qu’on nous pardonne cependant nous ne le voudrons pas pour le prochain ? Nous sommes impatients, intraitables. Le Vénérable Père Libermann nous fait beaucoup de recommandations sur ce sujet. Soyez confiants en Dieu et Il ne nous abandonnera pas. Qu’elles s’éloignent de nous les impatiences, les mauvaises humeurs. Dans les occupations de zèle, soyez modérés. Ne vous troublez pas facilement quand quelque chose vous manque.

Soyons patients, calmes dans notre action apostolique. Tout sentiment, toute aspiration qui ne se présente pas dans la paix, doit être rejetée comme une tentation du démon. Le grand prix de la souffrance et de la patience se trouve dans la douceur ».

Ce qu’est la colère

Selon un texte écrit par l’Abbé Émile Biayenda, « la colère, c’est un mouvement qui nous porte à repousser avec violence ce qui nous résiste, nous contrarie ou nous déplaît. Il existe cependant une juste colère, celle-là est modérée, dans son juste milieu et toujours menée dans un esprit de charité.

L’homme qui se met en colère perd son âme et son Dieu, il est pareil à une mer agitée par le vent. L’homme calme est une image sensible de Dieu et le coléreux celle du démon. Les expressions du démon sont malédictions : celles du coléreux sont les mêmes.

Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas contre l’Esprit. C’est qu’il existe des saintes colères comme celle de Moïse devant le veau d’or, celle du Christ chassant les vendeurs du temple ou enfin celle du pasteur d’âmes pour réprimer le vice ou les abus.

Pour éviter la colère, prévenons-la. Nous débarrasser de tout ressentiment de toute vengeance, en nous souvenant toujours du Pater oublions pour de bon les injures reçues ; prions pour ceux qui nous ont offensés », affirme l’Abbé Biayenda.

Grégoire YENGO DIATSANA

 




 
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