Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
Accueil > JOURNAL LA MÉMOIRE > 101 > Emile Cardinal BIAYENDA : Le Visionnaire

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Emile Cardinal BIAYENDA : Le Visionnaire

La destinée d’un homme, comme l’histoire d’un peuple ou d’une région, se lit à rebours. C’est ainsi qu’il faut bien interpréter le passé à la lumière de ses aboutissants dans le présent. De fait, c’est cet exercice herméneutique que nous tenterons, dans cet article, pour saisir la dualité de l’influence du dessein de vie d’Émile Cardinal BIAYENDA.

31éme anniversaire de la mort du Cardinal

Comme nous le savons bien, ceux qui exercent sur nous un effet durable nous persuadent par la capacité de vivre pleinement leur vie en puisant aux ressources spirituelles, humaines, morales, psychologiques ; capacité qui donne la preuve d’une figure exemplaire. Dans cet article, il s’agira, pour nous, de parler d’Émile Card. BIAYENDA : homme religieux de son temps dont le projet de l’éducation promu en lien avec le respect de la culture qui l’habitait semble trouver l’écho, de nos jours, dans les aspirations de l’UNESCO. C’est pourquoi, nous osons dire de cette figure exemplaire : un visionnaire.

1- Homme-religieux

Sans nul doute, la foi et l’appartenance à l’Église avaient la priorité dans sa vision consciente de lui-même. L’habitude de prière, le désir du partage, le souci de la responsabilité trouvaient chaque jour chez lui l’expression des vertus théologales sans forcément les invoquer. Ceux qui l’ont vraiment connu, en l’occurrence l’Abbé Emmanuel VINDOU d’heureuse mémoire, nous parlait - concernant ce Pasteur- de la distance qu’il prenait vis-à-vis des pratiques et des formules de sacristie en donnant une valeur de prière à ses activités quotidiennes. La qualité de sa piété était - comme qui dirait - celle d’un Denis De Rougemont ou d’un Romain Rolland (des auteurs qu’il rejoignait sans certainement les avoir lus).

L’impressionnant ici est le peu de valeur qu’il accordait à ce qu’il faisait. Attitude qui nous rappelle le conseil du vieil oncle Gottfried au jeune Jean Christophe qui disait : « Sois pieux devant le jour qui se lève. Ne pense pas à ce que tu seras dans un an, dans dix ans. Pense à aujourd’hui. Laisse les théories.

Toutes les théories, vois-tu, mêmes de vertus, sont mauvaises, sont sottes, font le mal. Ne violente pas la vie. Vis aujourd’hui. Sois pieux envers chaque jour Aime-le, respecte-le, ne le flétris pas surtout, ne l’empêche pas de fleurir » (Cfr. Dansereau, 1964, p.218)

Une telle piété trouve sa source dans la contemplation ; la contemplation de la création qui nous est donnée et dans laquelle Émile Card. BIAYENDA intensifiait son intériorité se traduisant par le regard et la parole. C’est ainsi qu’il était toujours très présent à son interlocuteur. Dans la contemplation, Émile Card. BIAYENDA a ficelé sa pédagogie dans le rapport Éducation et Culture.

2- Éducation et Culture :

La pédagogie proposée par Émile Card. BIAYENDA venait de sa conviction que toute éducation est enracinée dans la culture ; celle-ci considérée comme « royaume de l’homme » (regnum hominis), c’est-à-dire la réalité grâce à laquelle l’homme devient humain. Dans ce sens, la culture est donc inséparable des valeurs selon lesquelles l’homme réalise ses activités dans l’univers de la nature, dans les relations avec les autres et face à lui-même. La culture, selon Émile Card. BIAYENDA, recouvre un domaine plus vaste que les réussites artistiques.

Elle lui semblait une dimension propre à la vie d’une nation comme à celle d’un individu. La culture, c’était, pour lui, plus une vocation ou un appel qu’un patrimoine accompli. Et l’éducation est un processus qui permet à l’individu de s’épanouir en accomplissant des taches, de plus en plus difficiles, complexes, en atteignant ses possibilités les plus voilées, les plus endormies ; tandis que la culture est un processus conforme à l’épanouissement de l’homme ; à chaque instant, elle compte pour l’épanouissement de l’humanité toute entière. Le sens propre de la culture, c’est la valeur, la participation et la responsabilité.

Voilà pourquoi, nous pouvons comprendre le motif profond pour lequel Émile Cardinal BIAYENDA donnait de prière, de responsabilité à ses activités quotidiennes, comme nous l’avions déjà mentionné plus haut.

Le rapport fondamental entre l’éducation et la culture, essentiel pour la pensée pédagogique du Cardinal, connaît une importance exceptionnelle à l’époque actuelle. Ce n’est point un hasard, mais au contraire une nécessité, si les propositions récentes formulées à ce sujet par l’UNESCO mettent en valeur la dimension culturelle de l’éducation et sa mission envers les aspects culturels du développement non seulement du développement de la culture elle-même, qui va de soi, mais encore du développement économique et social conditionné par l’apport du facteur humain.

Nous pouvons citer, à propos, les paroles prononcées par le Directeur Général de l’UNESCO, Mr Frédérico Mayor, à la quarante-troisième session de la Conférence Internationale de l’Éducation (CIE, Genève, 1992) :

« Toutes les sociétés humaines témoignent de cette conjonction structurelle de l’éducation et de la culture.

L’exemple peut-être le plus parlant de cette convergence nous est fourni par l’Allemagne et son concept de Bildung dont le contenu sémantique associe culture et formation éducative (...] La Bildung est à la fois culture formatrice et la formation donnait accès à la culture ».

Ces idées du Cardinal trouvent, aujourd’hui, l’écho dans certains travaux de l’UNESCO dans ce domaine. II faut à ce propos non seulement évoquer le célèbre rapport Apprendre à être, mais surtout Les contenus de l’éducation (1987), où l’on admet une formule large et générale de la culture et l’importance de la formation globale à laquelle appartient aussi bien une formation esthétique que scientifique et technologique.

Il faut enfin mentionner la Recommandation de la Conférence évoquée ci-dessus sur la « contribution de l’éducation au développement culturel », fondée sur les principes du programme de la Décennie mondiale du développement culturel. Émile Card. BIAYENDA a toujours été persuadé que la culture constitue à la fois le contenu et l’effet de l’éducation, que si l’éducation est le véhicule de la culture, c’est la culture qui constitue en revanche son inspiration, le sens et la méthode de l’activité éducative.

Les intuitions créatrices du Cardinal, nées il y a bien longtemps déjà, se sont révélées non seulement durables mais en accord avec les activités actuelles, réalisées dans une perspective globale et à l’échelle mondiale, pour rendre l’avenir plus réceptif aux valeurs de l’humanisme, pour incarner les humanités.

Ainsi donc, le rêve du Cardinal d’établir une culture chez les hommes de tous les temps touche à la réalité. Car il parlait d’une éducation pour l’avenir, entendue comme une force motrice allant bien au-delà de l’objectif traditionnel d’adaptation des jeunes générations à la réalité existante et invitant aux activités créatrices en faveur d’un avenir meilleur, qui épouserait les transformations démocratiques du monde et s’inspirerait des valeurs humanistes.

Abbé Aristide MILANDOU
Roma - Italia


 
 
 
Haut de page