mercredi 20 novembre 2024
Homélie lors de la messe d’accueil en tant que nouveau cardinal célébrée au Stade des Martyrs le dimanche 5 décembre.
« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? »
1. Tels sont, chers frères et sœurs, les sentiments et le cri qui montent du fond de mon cœur, en ce moment où, rentré de la Ville éternelle, je célèbre la Messe d’action de grâce pour mon élévation à la dignité cardinalice.
2. « Que rendrai-je au Seigneur ?... » Que rendrons-nous au Seigneur ?... Car cet événement du cardinalat, le peuple, comme un seul homme, l’a perçu comme un don de Dieu obtenu grâce à ses prières. Ce don de Dieu concerne en quelque sorte tous les fils et filles de notre pays. En témoigne la foule des pèlerins congolais à Rome, qui ont tenu à célébrer l’événement. Témoin aussi la foule immense réunie dans ce stade pour la messe d’action de grâces. Je salue avec déférence le Président Joseph Kabila qui est venu prier avec nous et qui n’a pas lésiné sur les moyens pour la réussite de la fête à Rome comme à Kinshasa.
Je salue cordialement les honorables sénateurs et députés, Mgr le Chargé d’affaires a.i de la Nonciature, les archevêques et évêques de la CENCO, les membres du gouvernement, les ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques. Je salue chaleureusement Mama Antoinette Sassou N’Guesso et la forte délégation des évêques et des frères de Brazzaville. Je salue finalement la délégation de l’ACERAC et du Gabon. Et que dire de tous ces prêtres, religieux et religieuses et fidèles laïcs de toutes conditions qui, depuis ma nomination, n’ont pas cessé de me témoigner leur sympathie. Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? Sinon en élevant la coupe du salut, en renouvelant mes vœux envers le Seigneur, et en offrant le sacrifice d’action de grâce (cf. Ps 115, 13-14.17).
Mon action de grâce s’adresse d’abord au Seigneur, Maître du temps et de l’histoire, qui, à ce moment précis, a voulu m’associer plus étroitement à la mission apostolique du Christ d’annoncer au Monde la Bonne nouvelle du salut.
3. Notre reconnaissance va ensuite au Saint Père, Sa Sainteté le pape Benoît XVI, qui a daigné me juger digne de faire partie du collège de ses conseillers dans sa charge de pasteur universel, chargé d’assurer l’unité et la communion du troupeau du Seigneur. En nous imposant la barrette rouge, le successeur de Pierre nous a demandé d’être des témoins intrépides du Christ et de son évangile jusqu’à l’effusion du sang. En nous passant l’anneau cardinalice au doigt, le pape nous a dit : « Reçois l’anneau de la main de Pierre et sache qu’avec l’amour du Prince des Apôtres se renforce ton amour envers l’Église ».
4. Engagement renouvelé pour l’annonce de l’Évangile, profession fidèle de la foi jusqu’à l’effusion de sang, témoignage intrépide au Christ et à son évangile, fidélité à Pierre et à son successeur, amour de l’Église.
5. Tels sont les obligations et les devoirs auxquels j’ai souscrits et qui sont essentiels au cardinalat. La liturgie du 20 novembre (Mc 10, 32-45) a donné au Saint Père l’occasion d’inviter les nouveaux cardinaux à méditer et à contempler « l’icône de Jésus comme le Messie annoncé par Isaïe (Is 53) qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir ». L’autorité dans la communauté chrétienne est service, et non pas domination. Qui veut être premier se fera le serviteur de tous. Le pouvoir et l’autorité n’ont de sens que si l’on a le souci des autres, le souci du service des pauvres, des déshérités et des laissés pour compte.
6. Le Saint-Père a daigné m’attribuer comme église titulaire « Marie, Reine de la Paix à Ostie ». Sans doute le Pape a-t-il pensé à notre pays martyrisé par toutes sortes de conflits, de violence et de guerre, me demandant de travailler à la paix, à la justice et à la réconciliation des fils et filles de notre pays. Nous ne nous déroberons pas à cette tâche. Nous demandons à Marie, Mère de la Paix, de nous obtenir la paix qui est une promesse et un héritage de son Fils.
7. Le choix par le Pape de la solennité du Christ Roi de l’Univers pour le couronnement de ces cérémonies du consistoire n’est pas le fait du hasard. C’est tout le sens de la mission que nous recevions, à savoir : édifier le royaume de Dieu, « royaume sans limite et sans fin, royaume de vie et de vérité, royaume de grâce et de sainteté, royaume de justice, d’amour et de paix » (Préface du Christ Roi)
8. La Divine Providence a disposé que cette eucharistie, nous la célébrions à quelques jours de l’anniversaire du martyre de la bienheureuse Marie Clémentine Anuarite, béatifiée par le pape Jean-Paul II voici vingt cinq ans (1985). La bienheureuse Anuarite, fleuron de l’évangélisation dans notre pays, demeure un modèle d’amour, de fidélité, de virginité et de pureté, de courage et d’endurance, de foi et d’espérance. Elle nous invite tous(tes) à aimer Dieu par-dessus tout et à donner notre vie pour lui. Si une fille de notre peuple a pu professer sa foi au Christ jusqu’au sacrifice suprême, c’est dire que la sainteté est à portée de la main et que tout(e) congolais avec l’aide de Dieu peut accéder à la sainteté.
Chers frères et sœurs,
9. Telles sont les considérations qui entourent l’événement que nous célébrons aujourd’hui. En demandant à l’Archevêque de Kinshasa un engagement renouvelé dans l’annonce de l’Évangile et le témoignage au Christ Messie, au besoin jusqu’à l’effusion du sang, le Pape, et à travers lui, l’Église demande aux fidèles de Kinshasa et du Congo ce même zèle pour la diffusion de l’Évangile et la profession de la foi chrétienne : une foi conséquente « Kinshasa lève-toi et resplendis de la lumière du Christ ».
10. En me conviant à servir dans la modestie, la simplicité et l’humilité le peuple qui m’est confié, le Pape invite tous ceux (celles) qui sont investis de l’autorité dans le pays au même souci du peuple. Il leur rappelle que l’autorité est service du bien commun. Une autorité et un pouvoir qui ne s’occupent pas en premier lieu du bien commun et du peuple, mais de ses propres intérêts, est un pouvoir sans objet.
11. En m’attribuant l’église titulaire de Sainte Marie « Reine de la Paix », le Pape nous demande à nous tous d’employer toutes les voies de droit national et international pour mettre fin à la guerre au Congo en général et singulièrement dans l’Est du pays. Que tous les accords et tous les partenariats aillent dans le sens du bien du peuple et d’une paix juste et durable. Point n’est besoin de tuer tant d’hommes et de femmes, point n’est besoin de tant de violences innommables pour se faire de l’argent. C’est de l’argent criminel. Nous invitons les personnes concernées par cette guerre à déposer les armes et à faire la paix dans la justice d’abord et ensuite dans la réconciliation. Cette réconciliation que le Christ donne à ceux et celles qui tuent la haine dans leurs cœurs.
12. Le jubilé d’argent de la béatification de la bienheureuse Anuarite, tuée à la suite de désordres moraux et politiques, doit aujourd’hui plus que jamais détourner les fils et filles de la RD Congo de la guerre, des rébellions, des désordres moraux et des violences sexuelles, pour cultiver l’État de droit et la discipline personnelle de vie.
13. J’ai été consolé par la présence massive des compatriotes, évêques, prêtres, religieux(ses), laïcs de toutes conditions, qui se sont imposé des sacrifices financiers pour participer à mon élévation au Cardinalat. J’ai été fort sensible à la contribution généreuse du Chef de l’État et de plusieurs autres pour la réussite de l’événement et je leur en suis reconnaissant. Je remercie les Ambassades de Belgique et d’Italie pour avoir mené à bien les démarches consulaires de ceux qui ont fait le voyage à Rome. Je remercie les deux comités d’organisation au Congo et à Rome, pour leur contribution au succès de la fête.
14. « Que rendrons-nous au Seigneur pour le bien qu’il nous a fait ? » (Ps 115). Tous, comme un seul homme, rendons-lui un pays toujours plus beau et plus développé, sans chamailleries inutiles ni disputes partisanes. Tous, édifions une Église de Dieu toujours plus splendide, sans taches ni rides, ni aucun défaut, mais sainte et irréprochable (Eph 5,27), debout et non pas prostrée, au pied de la Croix : resplendissant de la lumière du Christ.
15. Que rendrons-nous au Seigneur… comme le dit Jean-Baptiste dans l’évangile de ce jour, rendons-lui un fruit qui exprime notre conversion et notre amour. Puisse la Vierge Marie nous couvrir de son manteau et nous accompagner dans ce cheminement de foi, elle qui « a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Lc 1,45).
Amen.
+Laurent Cardinal Monsengwo
Archevêque de Kinshasa
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