vendredi 13 juin 2025
Le bon pasteur était heureux de se retrouver toujours au cœur du champ apostolique. Tous les jours lorsque son programme le lui permettait, il était ici et là dans les paroisses et communautés religieuses, aux séminaires, bref il était partout. A la mort de son prédécesseur Mgr Théophile Mbemba, il prit la paternité de ses œuvres. Les Religieuses Congolaises du Rosaire et les Frères de Saint Joseph, ont trouvé en lui, à la fois un père généreux et un modèle de pauvreté, d’obéissance et de chasteté évangéliques. Il leur répétait souvent : « Jésus est le modèle achevé de l’idéal humain du chrétien que nous devions être ; puisque le Christ révèle pleinement l’homme à l’homme et Dieu à l’homme ».
Le Cardinal Émile Biayenda assis devant son armoirie écoute attentivement les mots de bienvenue adressée par son Vicaire Général
La mort de Mgr Mbemba a fortement ébranlé son successeur, qui l’avoue dans sa première lettre circulaire : « Frères, après une pareille perte, tous vous vous sentez déboussolés, désorientés, désemparés et Nous-mêmes avec vous ».
Mgr Mbemba aura été pour les chrétiens et les citoyens congolais « plus qu’un ami, un frère, plus qu’un frère, un père ; un Pasteur bien-aimé ». De lui, le successeur va hériter d’« une vie lumineuse et silencieusement rayonnante, avec une âme profondément unie à Dieu ». En travaillant avec lui et en l’assistant dans sa maladie, Monseigneur Biayenda s’inscrira à une école de foi et de don de soi pour l’Église. Il en retiendra les leçons : « Nous qui avons eu l’immense grâce de l’assister en votre nom à tous, nous savons combien il offrait ses souffrances en sacrifices d’agréable odeur pour la prospérité spirituelle et matérielle de son pays, de son Église, de son Diocèse, de son Clergé et de ses œuvres ».
Au cœur de sa démarche spirituelle, il y a un engagement personnel pour une insertion quotidienne dans la vie de l’Église locale et universelle. Le prêtre marqué par la vie spirituelle de Charles de Foucauld et de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus vit son enfouissement au cœur des communautés chrétiennes, tout en étant à la tête du troupeau qui lui a été confié. Il ne cesse d’affirmer sa volonté de développer les œuvres de son prédécesseur ; il veut le faire avec l’ensemble de ses frères et sœurs chrétiens de l’Archidiocèse : « Les heureuses circonstances qui ont entouré sa mort silencieuse et paisible, c’est le signe que les hommes et Dieu l’ont approuvé et aimé dans sa vie et dans ses œuvres.
Aussi c’est sans hésitation aucune que nous pouvons, à notre tour, tenir en lui un modèle discret à imiter et dont nous devons poursuivre sans tergiverser, les consignes et les œuvres par lui entreprises durant ses neuf années d’épiscopat. Et c’est, tous ensemble, que nous devons nous convaincre du devoir de nous engager à emboîter ses pas, pour la construction de cette Église et par là de notre cher Congo ». Les consignes sont précises : « voir se bâtir ici une Église solide et adaptée, les conseils presbytéraux, les conseils pastoraux, les œuvres de formation, les vicaires généraux, bref tout ce que notre vénérable prédécesseur avait érigé, devra poursuivre son fonctionnement ».
En allant remercier le Président de la République pour sa contribution personnelle et celle du gouvernement aux obsèques de Mgr Théophile Mbemba, le nouvel Archevêque s’engage à continuer de travailler pour l’unité du pays et le développement moral, spirituel et matériel des congolais. En réponse et de façon très cordiale, le Commandant Marien Ngouabi reconnaît le rayonnement du christianisme au Congo, l’engagement de Mgr Mbemba pour l’unité du pays. Il rappelle aussi que l’Archevêque défunt s’est, une fois, dérangé pour aller, lui-même, dire au Commandant Joachim Yhombi le mal que causait aux chrétiens ses émissions radiodiffusées. Depuis 1968, constate-t-il, aucun fait ne peut être reproché à l’Église ; s’il y a eu quelques faits regrettables, ils ont été isolés, on ne saurait les généraliser.
La Constitution de la République reconnaît la liberté de culte ; des religieuses exercent aussi leur compétence ici et là pour le bien de tous, notamment dans les lycées et les hôpitaux.
Enfin, il souhaite que Monseigneur Biayenda revoit le Commandant Yhombi pour l’église de Mpila. A la fin de la visite, pour la première fois, un journaliste vient recueillir les impressions de l’Archevêque sur sa rencontre, ce 2 juillet, avec le Président de la République.
La fraternité de l’Église sœur du Congo-Kinshasa a été manifeste durant les obsèques de Mgr Mbemba. Au moment où le diocèse de Matadi va avoir un nouvel évêque, il convient que l’Église du Congo-Brazzaville participe effectivement à l’action de grâce d’un tel événement. Du 3 au 8 juillet 1971, accompagné de huit clercs et une quarantaine de laïcs, Monseigneur Biayenda séjourne à Matadi via Kinshasa, pour l’ordination épiscopale de Son Excellence Monseigneur Raphaël Lubaki.
De retour à Brazzaville, la joie du séjour à Matadi trouve son prolongement dans la réussite au Brevet de deux juvénistes des Religieuses Congolaises de Notre-Dame du Rosaire. Les séminaristes de Mbamou ont été également brillants ; mais le chou blanc des candidats Frères diocésains de St Joseph arrache quelque regret à l’Archevêque.
Après la mort de Mgr Théophile Mbemba, Fondateur des deux congrégations diocésaines, Mgr Biayenda, son successeur, prend la paternité l’œuvre. Les Religieuses Congolaises du Rosaire et les Frères de Saint Joseph, vont trouver en lui, à la fois un père généreux et un modèle de pauvreté, d’obéissance et de chasteté évangéliques. Il leur répète souvent : « Jésus est le modèle achevé de l’idéal humain du chrétien que nous devions être ; puisque le Christ révèle pleinement l’homme à l’homme et Dieu à l’homme. Il est notre Rédempteur et Sauveur, fait homme parce qu’il est pleinement Amour… Mettons-nous à son école ».
Plus spécialement aux religieuses, il recommande : « Ayez un cœur de Mère, un esprit de jeunesse, une disponibilité d’enfant, un don de dévouement, une main offerte… ». La croissance de ces deux familles religieuses va le hanter et prendre une large part de son savoir-faire jusqu’à l’épuisement. Sœur Jacqueline Moundele témoigne sur ce bon pasteur qui deviendra Cardinal par la suite : « Le Cardinal était bon, conciliant et patient ».
Il a fait tout ce qu’il a pu pour continuer l’œuvre de Mgr Mbemba. Il a dû gérer et faire face à tous les malentendus provoqués par la création des Congrégations des Sœurs Congolaises du Rosaire et des Frères de St Joseph. Il tenait à venir lui-même célébrer les messes chez nous pour nous réconforter. Maintes et maintes fois, nous avons eu des réunions avec lui et M. l’Abbé Louis Badila sur les vocations religieuses. Tant qu’il était à Brazzaville, nous ne passions jamais un mois sans le rencontrer. Il venait parler fréquemment aux juvénistes ».
Le train des visites pastorales continue son parcours, le bon pasteur est heureux de se retrouver au cœur du champ apostolique. Pour que la communion profonde des cœurs ne soit pas perturbée, l’effort de s’exprimer en langues vernaculaires est maintenu dans les échanges avec les gens, même dans les zones où il maîtrise moins le teke et le lingala.
Quand une communauté chrétienne reçoit Monseigneur Biayenda, il aime que le mot d’accueil ou les allocutions de circonstance des responsables soient dits dans la langue du milieu. Il veut que tout le monde comprenne ce qui lui est adressé. Les chrétiens lui en savent bon gré et c’est fréquemment qu’ils lui citent le proverbe qui loue l’assistance d’un parent proche, en cas de maladie : « Disu dia mbevo dia tsiela he w’aandi : le cœur du malade retrouve espoir à la vue des siens ». Quelle communauté chrétienne peut rester insensible à la visite pastorale de son évêque, surtout quand celui dont il s’agit ici suscite et encourage la participation des laïcs à la construction et à la vie pastorale de la paroisse ? Le pasteur écoute, dénoue, refait l’unité des uns et des autres.
A son avis, la réussite de la construction de l’Église de Jésus Ressuscité, au Plateau des 15 ans, à Brazzaville, doit voir s’implanter aussi une communauté des religieuses au sein de la paroisse. Il s’active pour les trouver. Il demande également que soient bien définies les limites territoriales de la même paroisse, surtout pour savoir si le quartier de l’Office Congolais de l’Habitat (O.C.H.), près de l’Hôpital Général, fait partie de la Cathédrale Sacré-Cœur ou de Jésus Ressuscité. Il veut que les chrétiens y soient « plus militants » dans une ville rouge d’idéologie antichrétienne. Chacun doit s’enraciner dans ce qui fonde et justifie sa foi chrétienne. Ceci est valable pour les fidèles et pour les prêtres.
Ainsi, du 26 au 31 juillet 1971, une retraite spirituelle rassemble les ouvriers apostoliques au Grand Séminaire Libermann. Monseigneur Biayenda est participant fidèle, il ne revient, chaque jour, à sa résidence que le soir pour dormir.
Abbé Albert NKOUMBOU
Ya Sourire
Texte tiré sur son livre à paraître
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