Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
Accueil > JOURNAL LA MÉMOIRE > 123 > Chrétien membre du Conseil Œcuménique : Comment vis-tu ta foi ?

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Chrétien membre du Conseil Œcuménique : Comment vis-tu ta foi ?

Paroles des Pères fondateurs de l’œcuménisme au Congo

Depuis vingt cinq ans, le mouvement œcuménique, après des débats difficiles, à pris dans le monde une ampleur considérable. On assiste à la réaction de Fédérations d’églises, d’organismes de coopération et de collaboration entre les Église, comme le Conseil Œcuménique des Églises, la Conférence des Églises de Toute l’Afrique, tandis que le Concile Vatican II, qui s’est voulu résolument œcuménique a bien montré qu’une église ne pouvait plus examiner ses propres problèmes, ceux de sa foi et de son témoignage sans envisager aussi leur aspect œcuménique. Enfin, la compréhension mutuelle entre chrétiens de confessions différentes progresse, rendant de plus en plus aiguë la conscience du scandale qu’est la division des chrétiens.

Quelques membres du Conseil Œcuménique au stade Félix Éboué

Or cela fait seulement deux ans que le mouvement œcuménique a vraiment pris son départ au Congo. S’il semble bien parti, on peut néanmoins déplorer ce retard, marquant notre infidélité à la prière du Christ : « Qu’ils soient un pour que le monde croie » (Jean 17 :21)

Du 20 au 23 Janvier 1970, en effet, les Églises Catholique, Évangélique, Kimbaguiste et l’Armée du Salut ont organisé, ensemble, à Brazzaville, pour la première fois, quatre offices à l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Au cours de ces cultes, les responsables des quatre Églises ont pris l’engagement de faire triompher l’amour au détriment de la haine qui existait autrefois entre leurs fidèles. Dans la même année, les responsables des quatre Églises se sont réunis d’abord pour enregistrer, avec joie, l’impression favorable produite par ces cultes, puis, plus tard, pour préparer la semaine de prière de 1971.

Pendant la semaine du 18 au 25 Janvier 1971, huit offices ont été organisés, la direction, la prédication, la prière et les chants étant confiés chacun à une Église différente, et ils ont obtenu une faveur encore plus grande de la part des fidèles des différentes Églises. Depuis, les réunions entre responsables des quatre Églises, à Brazzaville, se sont faites plus régulières encore (une par trimestre), pour étudier les possibilités de rencontres et d’actions communes permettant de renforcer les contacts, comme les échanges de prédicateurs, par exemple.

Il faut signaler aussi les initiatives prises en province par les représentants de deux, trois ou quatre Églises, comme l’organisation d’offices communs, l’échange de chorales, des rencontres diverses, contacts qui doivent se multiplier à l’avenir.

Ainsi l’œcuménisme est, à la fois tout récent et bien lancé. Mais qu’est-ce que l’œcuménisme ? Et particulièrement l’œcuménisme au Congo-Brazzaville ?

Sommes-nous déjà une seule Église, comme le demandent certains fidèles ? Que peut-on faire et ne pas faire avec un fidèle d’une autre Église ?

C’est pourquoi, il est bon, après ce départ, de préciser où nous en sommes, ce que nous faisons, ce que nous voulons, ce vers quoi nous nous dirigeons.

L’œcuménisme, c’est d’abord la réponse des hommes à la prière du Christ : « qu’ils soient un pour que le monde croie ». Comment le monde peut-il prendre notre message d’amour et de réconciliation au sérieux alors qu’il voit les chrétiens divisés s’affronter ? Nous qui nous disons le corps du Christ, Saint Paul nous interpelle : « Le Christ est-il divisé ? » C’est de la conscience aiguë de ce scandale qu’est né le mouvement œcuménique.

Mais la volonté de l’unité ne suffit pas pour que l’unité des chrétiens soit déjà accomplie.

A plus forte raison ne s’agit-il pas de la fusion des Églises ? Nos Églises restent ce qu’elles sont ; elles gardent leur organisation, maintiennent l’essentiel de leur foi, ainsi que leur piété et leur culte particuliers. Un accord sur la doctrine et l’organisation est actuellement impossible, et il n’est pas en notre pouvoir, ni même sans doute au pouvoir de quelque homme que ce soit. Seul Dieu pourra réellement réaliser l’unité par les voies et sous la forme qu’il aura choisies. Ce que nous avons à faire, et ce que nous avons fait jusqu’à maintenant, c’est d’abord de prier ensemble, chrétien de confession et d’Église différentes, afin que Dieu hâte le jour de cette unité. C’est le but précis de la semaine de prière pour l’unité que les chrétiens célèbrent dans le monde entier, du 18 au 25 Janvier de chaque année.

Nous avons à prier aussi pour que Dieu fasse de chacun de nous des ouvriers de cette marche vers l’unité. Pour cela, qu’est-il possible de faire actuellement ?

Essentiellement de s’écouter mutuellement entre chrétiens de confessions différentes ; il faut que j’essaie de comprendre la foi de ce frère qui est en face de moi, de la comprendre non pas avec ma manière de penser catholique, évangélique, salutiste ou kimbanguiste, non pas en le jugeant d’après mes idées et préjugés, mais en essayant de le comprendre comme lui se comprend ; il ne s’agit pas de faire du prosélytisme pour mon Église, d’essayer de convertir l’autre ; mais, dans le respect de sa foi et de son Église, de comprendre comment il vit cette foi dans cette Église.

C’est pour cela que l’une des démarches essentielles de l’œcuménisme, c’est d’abord de clarifier et d’approfondir sa propre foi, afin de ne pas risquer un œcuménisme facile et faux, dans le genre : « après tout, on a le même Dieu ! ».

Qu’est-ce qui fait que je suis catholique, évangélique, Kimbanguiste, salutiste ?

Comment est-ce que je vis ma foi ? Alors chaque chrétien sera capable de rendre compte de sa foi auprès des autres chrétiens, de la faire comprendre, et un contact vrai et profond pourra s’établir. Quand déjà l’ignorance de l’autre et de sa foi, l’incompréhension et l’hostilité auront disparu, quand les chrétiens des différentes confessions auront conscience d’être des frères cheminant sur la même route, un grand pas aura été fait vers cette unité du corps du Christ pour laquelle nous prions.

Le Cardinal Émile Biayenda saluant le Lieutenant Colonel BARONOWSKY

C’est pourquoi, nous invitons instamment les chrétiens des différentes confessions au Congo à prier pour que Dieu hâte la réalisation de l’unité des chrétiens, à fréquenter les chrétiens des autres confessions dans un esprit de compréhension mutuelle, et à participer aux manifestations œcuméniques au niveau de leur paroisse, comme au niveau national, dans l’esprit de cette déclaration, afin d’être fidèles à la prière du Christ et à la vocation qu’il nous adresse : « qu’ils soient un, afin que le monde croie ».

Brazzaville, le 1er Janvier 1972
 

Pour l’Église Catholique,
Monseigneur Émile BIAYENDA

Pour l’Église Évangélique du Congo,
Le Pasteur R. BUANA KIBONGUI

Pour l’Armée du Salut,
Lieutenant Colonel BARONOWSKY

Pour l’Église Kimbanguiste,
Le Représentant légal 1er Suppléant David NSOMI


 
 
 
Haut de page