samedi 30 novembre 2024
Homélie de l’Abbé Émile Biayenda à Sathonay (France) en 1967
Aujourd’hui, le monde entier est en fête. Baptisés ou non, pratiquants ou non, catholiques ou pas, tout le monde est en fête. Chacun a sa manière de célébrer Noël. Ces jours-ci quel pays, quel foyer n’a pas parlé de Père Nicolas ou de Père Noël ? Hier en traversant Lyon pour me rendre à Sathonay, j’ai croisé beaucoup de personnes et presque toutes avaient un paquet sous le bras.
En célébrant ce Noël avec vous, je pense aussi aux Noëls d’Afrique que hier les émissions radiophoniques ne mentionnaient pas. Là-bas, ils viennent aussi très nombreux baptisés et païens rendre hommage à l’Enfant Jésus. Comme c’est touchant de voir après les offices, les gens se précipiter vers la crèche et les mamans en signe d’hommage, étendre leurs petits vers l’Enfant Jésus.
Ce sont-là même des simples gestes humains, mais qui ont leur importance particulière autour du mystère de Noël où Dieu entre dans notre histoire humaine. Dieu se sert de toutes sortes de moyens et de circonstances pour faire passer aux hommes son message. Au fond : la joie, l’échange de cadeaux, les retrouvailles n’est-ce pas cela : l’ambiance que le Fils de Dieu veut voir exister entre les hommes ?
Pour nous chrétiens (et par-dessus ou en plus de tout cela), Noël nous pose en présence d’un grand mystère : le mystère de l’amour de Dieu pour nous les hommes. Dieu nous a créés en Adam et voilà que les premiers hommes jaloux de leur liberté veulent s’organiser sans Dieu. Ils désobéissent et les voilà perdus ! L’amour de Dieu invincible, c’est alors qu’il interviendra par l’Incarnation de son Fils. Le Fils unique de Dieu : Jésus-Christ se fait Homme, afin que nous autres hommes nous devenions des fils de Dieu par le don de la grâce. Ainsi, tous les hommes et toute l’histoire de l’humanité se récapitulent en Jésus.
Saint Luc dans son évangile nous retrace (toute) la généalogie de Jésus en remontant jusqu’à Adam. Jésus est l’unique Sauveur de tous les hommes et de toutes leurs institutions temporelles. Avec la naissance du Christ, c’est l’humanité tout entière qui est sauvée en puissance. Ainsi notre naissance se fait désormais dans un monde sauvé, mais parce que nous sommes des hommes créés libres, il nous faut faire notre choix. En cette vie l’homme est avec Jésus ou contre Jésus.
Il y a tellement de choses à dire. Mais la prédication de l’Avent, (la magnifique lettre de nos Évêques), la prière de notre veillée de tout à l’heure et les textes, eux-mêmes de la messe d’aujourd’hui nous parlent encore avec éloquence. La crèche, invention de Saint François d’Assise, a des révélations à nous faire.
L’hôtellerie de Bethléem : l’indifférence des foules : chacun s’installe sans beaucoup penser aux autres et sans soupçonner ce que peuvent cacher la détresse ou la richesse spirituelle ces inconnus qui se présentent et que l’on coudoie.
L’hôtellerie de nos vies et de nos cœurs : Plus d’une fois nous a été proposée une grâce d’intimité avec le Sauveur, grâce d’un appel à un dépassement, à un choix, à un apostolat... Elle nous est offerte par l’Église, notre Mère (notamment par le culte liturgique et les sacrements). La voix de nos prêtres et de nos évêques. Avons-nous accueilli ces avances ?
Notre cœur est trop souvent un caravansérail, un camping bruyant et encombré : par la vie de plaisir, l’agitation des affaires ou la simple dissipation de l’esprit. Le Christ nous y apparaîtrait encombrant et gênant : alors nous prenons et laissons en fonction de nous, sans référence à Jésus-Christ. Aussi, ne sommes-nous pas toujours empressés à le retenir, comme il le faudrait (Lc 9.51,56 ; 24.28-31). Je me rappelle l’été dernier à Rome la parole de Paul VI, parlant de l’homme moderne et de la situation de sa vie spirituelle. « L’homme moderne est devenu semblable à ces personnes qui comme ayant perdu la clé de leur chambre, cherchent et s’agitent sans cesse devant la porte de leur maison sans pouvoir y entrer ».
Et pourtant même, nous pouvons tout faire en accord avec le Christ, tant que nous sommes fidèles à ce qui est juste et notre devoir d’Etat. Marie et Joseph obéissant à l’arche impériale se déplacent pour un recensement à Bethléem et c’était l’heure et le lieu choisis par Dieu pour faire donner -le jour du Messie- Il naît à Bethléem, la maison du pain. Lieu qui convient bien à la naissance de celui qui dira plus tard : « Je suis le Pain vivant descendu du ciel ». La vraie Noël nous fait unir à Jésus par le sacrement de l’Eucharistie. Ainsi Noël nous invite pour l’honneur que le Seigneur a fait au pain et au vin tirés de notre travail de la terre que ce monde est bon et que nous devons en nous user pour le bien et la prospérité de tous les hommes.
Marie devant Jésus est toute heureuse de lui avoir donné la vie ; elle est fière de contempler son enfant, mais elle sait depuis l’annonciation la grandeur et la mission de ce petit qui vient de naître ?
Les bergers aux champs : tout à leurs devoirs de pasteurs veillent à tour de rôle sur leurs troupeaux : « Veiller », c’est une consigne constante de l’évangile pour toutes les âmes, surtout quand la nuit se prolonge. Cet enfant qui vient de naître ne sera-t-il pas lui-même le bon Pasteur qui donnera sa vie pour ses brebis ?
L’Ange du Seigneur accompagné de la gloire de Dieu effraie les bergers par son apparition, mais les rassure par ses paroles, car il annonce la naissance d’un enfant. Il apporte la joie, la joie de Noël, la joie de toute l’humanité sauvée par cette entrée de Dieu dans notre histoire.
Désormais Dieu est tout proche de nous, il est parmi nous par son Fils Jésus devenu homme comme nous. « Que le Saint exulte, nous dit le Pape Saint Léon, car sa récompense est proche, que le pécheur se réjouisse : le pardon lui est offert, que le gentil se console : il est appelé à la vie ».
Avec l’Incarnation du Fils de Dieu, nous pouvons désormais en esprit de foi le voir, l’écouter et le servir. Il suffit de rendre nos cœurs plus souples, plus ouverts et toujours prêts à l’accueillir en nos frères les hommes :
La leçon et l’exhortation finales que nous font les Anges cette nuit de Noël, c’est de rendre à Dieu toute la gloire qui lui est due et aux hommes la paix.
Sachons procurer cette gloire, nous ouvrir à cette paix et devenir autour de nous et dans le monde des artisans de paix (Mater 5.9).
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