Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

mercredi 8 janvier 2025


L'église Ste Anne


Mgr THÉOPHILE MBÉMBA


Mgr BARTHÉLÉMY BATANTU


L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« Le clergé Congolais sait que l’on parle aujourd’hui de la crise d’identité du prêtre ; le prêtre, paraît-il, ne sait plus ce qu’il est »

déclare le Cardinal Émile Biayenda

Profitant de l’assemblée nationale des prêtres diocésains qui aura lieu à Brazzaville du 8 au 13 septembre 2009, au cours de cette année pastorale décrétée par le Saint Père, le Pape Benoît XVI « Année sacerdotale », La Mémoire votre journal, publie une interview du Cardinal Émile Biayenda. Réalisée en février 1973.

Question : Éminence, comment l’opinion publique congolaise a-t-elle accueilli votre élévation au cardinalat ?

Réponse : L’opinion publique de notre nation, et je dirais, de l’Afrique Centrale, et sans doute aussi, de l’Église Universelle, a jugé parce que nous avons rencontré, ici, à Rome, lors du Consistoire, a été donc très bien impressionnée, en même temps que cela a été une très grande surprise. Surtout chez nous, là-bas, dans notre pays, le petit Congo, et cette joie a été remarquée tant chez toute la population que chez les responsables politique de chez nous, puisque dès que cette nouvelle a été communiquée, peu après, je me voyais invité chez le Président de la République pour me féliciter et pour faire prendre note de cela aux journalistes et à la Télévision nationale et ainsi faire communiquer cette nouvelle à tous les compatriotes.

Question : Pourriez-vous nous dire, Éminence, comment réagit actuellement le clergé congolais face aux problèmes du prêtre ?

Réponse : Le Clergé Congolais n’est pas indifférent aux problèmes qui se posent au prêtre aujourd’hui. Il sait que l’on parle aujourd’hui de la crise d’identité du prêtre. Le prêtre, paraît-il, ne sait plus ce qu’il est, mais à mon avis, si le prêtre ne sait plus ce qu’il est, c’est peut-être parce qu’il ne voit plus ce qu’il doit faire, car, par exemple, aucun maçon ne peut se demander qui il est, s’il sait qu’il est celui qui doit construire et bâtir les maisons dont les hommes ont besoin.

Le prêtre lui, que fait-il ? Pour moi, je dois l’avouer, je ne sais pas quoi répondre de neuf ; je ne sais pas exactement ce que dit la théologie soi-disant après-Concile. J’attends qu’elle clarifie les choses, mais en attendant, il faut bien servir, il faut bien croire et il faut bien travailler, pour mettre en application ce travail de rédemption que le christ est venu et nous a apporté. Alors, j’attends qu’elle clarifie les choses. En attendant, je m’en tiens à ce que disait la théologie d’hier, dite « dépassée ». Elle disait en effet : « Sacerdos alter Christus » (le prêtre est un autre Christ). C’est une expression qui semble heureuse et très dense de sens et de signification.

Le prêtre, un autre Christ ! il faudrait donc nous demander assez durement : qui est le Christ ? le Christ c’est l’envoyé du Père ; le prêtre doit se considérer jusque sa psychologie, comme un envoyé, un apôtre à la manière et l’exemple du Christ. Le Christ c’est le porte-parole de Dieu ; il annonce le Père, et par sa parole et par sa vie de service : je suis parmi vous, comme celui qui sert. Le prêtre, donc, doit être celui qui annonce Dieu, à la manière et à l’exemple du Christ, et par la parole (« Malheur à moi si je n’évangélise pas »), disait Saint Paul, et par la vie de service et de charité. Le Christ, c’est celui qui fait la volonté du Père. Et que veut le Père ? Le Père veut que ce monde soit dans l’ordre.

Alors, le christ, c’est celui qui remet l’ordre dans le monde, en annonçant la loi de l’ordre : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. ne fait pas à l’autre ce que tu ne veux pas que lui te fasse ». il annonce encore, en lançant cette humanité nouvelle bien ordonnée : « qui vous écoute, m’écoute » et saint Paul précisera que « l’esprit de dieu a donné à chacun sa charge pour le bien de tous » : à tel, la charge d’être médecin, à tel la charge d’enseignant, à tel autre la charge de commander.

Alors, le prêtre, comme le Christ, sera celui qui fait et annonce la volonté du Père. Le prêtre, et par sa parole, et par sa vie, sera celui qui proclame « Aimons-nous comme des frères ». Le prêtre est celui qui unit, qui rassemble les hommes divisés par la haine. Le prêtre, c’est celui qui réconcilie ceux qui se sont brouillés. Voilà, ce que je peux brièvement dire du prêtre. C’est en me considérant humblement, sans prétention aucune, avec toute ma faiblesse, comme Alter Christus, que moi, prêtre, je sais qui je suis et qu’est-ce que je dois m’efforcer de faire et de vivre chaque jour.

En résumé, comme le Christ, je suis envoyé, apôtre, je dois annoncer la Parole de Dieu, je dois faire ce que Dieu veut, à savoir unir les hommes par la loi d’amour comme les enfants d’un même Père. Et ça, le monde en a besoin, en aura toujours besoin autant qu’il a besoin de nourriture et d’argent. Et ça, c’est du travail capable d’occuper pleinement une vie humaine, tout un prêtre, et c’est là toute sa vie. On parle beaucoup du célibat du prêtre.

Ici, encore, la définition Sacerdos Alter Christus aide à comprendre cette attitude, qui n’a de valeur qu’en référence avec le royaume des cieux. Il est tout à fait évangélique d’essayer d’imiter le Christ, lui qui, de condition divine, s’est fait obéissant comme le dernier des hommes, prenant la condition d’esclave. Le prêtre aussi de condition humaine, peut ne pas regarder comme une proie le rang qui l’égale aux autres hommes, se faisant passer pour le dernier des hommes, à cause du royaume de Dieu. Le Christ dit à ses apôtres : en vérité, celui qui quitte son père, sa mère, ses enfants, ses champs, recevra le centuple. Il dit aussi : va, vends tout, donnes-en le prix aux pauvres, ensuite, viens et suis-moi. Tout cela peut permettre à un prêtre de quitter même la joie du foyer pour la cause de l’Évangile, comme ont fait les premiers apôtres.

On parle aussi du prêtre salarié. Ici, évidemment, il y a la générosité de la communauté chrétienne qui doit comprendre, comme dit le Christ, que « l’ouvrier à droit à son salaire » et que l’apôtre mangera ce qu’on lui présentera. Dans quelques maisons où vous entrez, mangez ce que l’on vous présentera, dit le Christ. L’Église, communauté chrétienne, a le devoir de subvenir aux besoins essentiels de ses prêtres et elle essaie de le faire, mais ce n’est pas toujours facile et surtout dans nos pays de mission, où la vie est en train de s’organiser et, où, cette population est souvent très pauvre.

Oui, il y a cette attitude de mendicité qui gêne le prêtre, mais n’est-ce pas le respect de la pauvreté évangélique qui contribue aussi à l’amour de l’Évangile. Il a pris la forme d’esclave, avons-nous dit tout à l’heure. A supposer qu’un prêtre travaille, il doit se convaincre que son salaire devra aider la communauté ecclésiale à subvenir aux besoins de ses prêtres. Ce salaire, pour la cause de l’Évangile, devra être pour la communauté sacerdotale où ce prêtre vit. Mais si le prêtre travaille pour lui-même et pour ses économies personnelles, il contribue à cimenter la rapacité et la voracité effrénée qui divise le monde à cause de l’argent. Somme toute, et en résumé, un prêtre se doit de ne pas oublier la Parole du Christ : « qui veut sauver sa vie, la perdra, mais qui accepte de la perdre à cause de moi, la gardera en vie éternelle ».

Tout cela, on dira, ce sont des arguments intégristes, mais c’est le Christ qui le dit, lui que nous voulons suivre ; serait-il, lui, intégriste ?

Question : Que demande aujourd’hui, Éminence, le laïcat congolais au prêtre et quelles sont ses attentes à son égard ?

Réponse : Il y aurait beaucoup de choses à dire là-dessus, mais le temps qui nous est imparti ne le permet pas. Cependant, je pourrais dire l’essentiel, en considérant le laïcat de chez nous, en entendant ce que nous disent et nous révèlent ces chrétiens qui viennent vers nous. Le laïcat, donc, attend du prêtre que ce dernier soit vraiment l’homme de Dieu, qu’il doit être et qu’il montre l’amour, le dévouement, le partage que son évangile annonce ; qu’il se prenne au sérieux, qu’il croit en ce pour quoi il est consacré prêtre, qu’il ne rougisse pas ou qu’il ne blêmisse pas de sa situation.

D’ailleurs, un cantique composé par une chrétienne de chez nous dit ceci : (c’est en langue de là-bas, au Congo Brazzaville : Beno banganga za Nzambi ngatu lu bebele : tomoeno kue tu longese m’samu mia sisa Yesu. « Vous les prêtres de Dieu, attention, ne foirez pas votre idéal ; enseignez nous les paroles que Jésus a laissées ». Qu’il forme donc des gens, qu’il sache instruire au mystère de Dieu, qu’il sache éclairer le mystère de la vie quotidienne des hommes. Et, c’est aussi le travail de formation à la conscience professionnelle, le travail de la formation des hommes à l’unité des humains, à travers le pays, à travers le monde.

Question : Et après plusieurs épreuves que vous avez subies là, dans votre pays, quel est le rôle que le chrétien peut jouer dans le développement de l’Église et de la nation ?

Réponse : Les épreuves sont inhérentes à l’Évangile et dans toute vie, il y a des épreuves qui sont saillantes et d’autres qui sont cachées et nous vivons cette épreuve de ne pouvoir, par exemple, vivre pleinement cet Évangile du Christ. Cette même épreuve dont Saint Paul disait : « qui me délivrera de ce corps de mort ». Et ceci dit, je crois que l’Église, à l’époque actuelle est donc, doit d’abord vivre pleinement sa foi ».

Les Chrétiens, doivent s’affirmer comme tels et ensuite, qu’ils prennent de plus en plus conscience qu’ils doivent être le sel de terre, la lumière du monde au milieu d’une communauté. Et nous avons un Maître qui enseigne, qui a travaillé de ses mains ; nous avons un maître qui a été au service de ses compatriotes et aussi, un de tous les hommes que nous sommes et, alors, les chrétiens, dans la société, notre société, devraient être conscients de cela et ne pas être le dernier à contribuer, à faire ce qui crée l’unité, à faire ce qui embellit la vie des hommes, pour la rendre moins malheureuse, parce que nous sommes corps et âme et, ce corps, c’est un don de Dieu, et ce corps a des exigences et, c’est pourquoi, nous causions dans tout ce que fait le clergé, que fait l’Église, comme elle le peut ; eh bien, nous convions le croyant et par le fait même aussi, tous nos compatriotes à être ce qu’ils sont vraiment et aussi, à se mettre au travail pour le bien de tout le monde dans tous les domaines. C’est ça l’idéal que nous avons et que nous essayons de faire passer dans nos actes, nos paroles, nos enseignements.




 
Haut de page