Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville

vendredi 24 janvier 2025


L'église Ste Anne


Mgr THÉOPHILE MBÉMBA


Mgr BARTHÉLÉMY BATANTU


L'église St Pierre Claver


Mgr ANATOLE MILANDOU

LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

« C’est dommage qu’on soit parti avant d’avoir vu la béatification et le canonisation du Cardinal Émile Biayenda »

Évocation de Mgr Barthélemy BATANTU, à l’époque Archevêque Émérite de Brazzaville

Mgr Barthélemy Batantu a été témoin de l’histoire singulière et religieuse du Congo, à l’instar de ses confrères : Théophile Mbemba, Emile Biayenda, Benoît Gassongo, Georges-Firmin Singha, Godefroy Pwaty et Ernest Kombo.
Mgr Batantu a défendu et soutenu, avec toute sa disponibilité, sa générosité, sa charité, son amour, sa sociabilité mêlée à forte dose d’humour paternellement chrétien, le souffle de l’œcuménisme au Congo. A l’occasion du 5e anniversaire de sa mort, nous publions cette évocation.

Émile Biayenda, on était ensemble au Séminaire de Mbamou. On se suivait de la manière suivante : eux, avaient une année d’avance sur nous. Nous avons suivi la même éducation. S’il y a eu des déboires, on a tous subi les mêmes déboires. Alors lui, était un séminariste excellent. Pourquoi excellent, parce que dans les notes (je ne sais pas si on en donne encore dans les Séminaires). Toutes les semaines, on venait nous lire les notes de conduite. Et ce qui était curieux chez le jeune Biayenda : il avait toujours 10 de conduite. Alors sur ce plan-là, lui était irréprochable.<

Il était aimé des Directeurs, et de nous tous parce qu’il était un bon frère et aussi un bon camarade. Émile Biayenda était très obéissant. Ses confrères de classe, le trouvaient trop obéissant. Les Directeurs que nous avions à cette époque étaient des Blancs. On l’appelait « Moundélé alobi ». C’est-à-dire « Le Blanc a dit ». « Tu exécutes tout ce que te dit le Blanc, toi Moundele alobi ».

Comme témoignages des faits vécus avec le jeune Émile Biayenda, d’abord comme séminariste puis comme confrère par la suite, je puis affirmer que le Cardinal Émile Biayenda, était vraiment pour nous un modèle à suivre. Tenez ! Au Séminaire de Mbamou ou nous étions, dans les années 44-50, quatre faits parmi plusieurs m’ont marqué sur la personne d’Émile Biayenda.

Mgr Batantu déposant une gerbe de fleurs sur la tombe du Cardinal Émile Biayenda
(Photo d’archives)

Premier fait : Au Séminaire de Mbamou où nous étions à notre époque, nous étions répartis par groupe. Chaque groupe avait son jour pour aller puiser de l’eau à la source. Mais un jour, dans le groupe du jeune Émile Biayenda, l’un d’eux va laisser briser par inadvertance une dame-jeanne d’eau pendant le transport. Le Père Directeur, pris de colère, demande au groupe de dénoncer celui qui a cassé ce récipient. Étant donné que personne ne voulait parler, le jeune Émile Biayenda va accepter que ce soit lui qui l’a fait. Alors le Père directeur a ordonné qu’il paie cette dame-jeanne. Le jeune Émile dût quitter le petit séminaire de Mbamou pour se rendre chez ses parents vivant à Vindza, distant de 150 environs, pour aller chercher auprès de son frère ainé de quoi acheter une autre dame-jeanne de substitution. Ce trajet, il l’a parcouru à pied. Aller comme retour et ceux pendant 3 jours de marche. Il pouvait ne plus revenir. Mais comme, il y avait en lui cet appel du Maître : « Émile, viens-suis moi », il était revenu au Séminaire.

Deuxième fait : Toujours à notre époque au séminaire, nous avions une bonne équipe de football avec comme gardien de but, Antoine Létembet-Ambily. Tous nos matchs nous les remportions sans problème. Un jour nous sommes allés jouer à Kinkala et à la fin de la rencontre, le Père Directeur, refusa au chauffeur de venir nous chercher. Les encadreurs nous ont demandé de regagner Mbamou à pied. Très furieux que nous l’étions tous, mais, le jeune Émile de nous dire : « mes chers frères, peut-être, c’est pour notre éducation que le Directeur s’est comporté ainsi ». Tout le monde le regardait sans mot dire. « Quelle morale aux amis ! »

Troisième fait : Il nous était demandé une fois le mois ou la semaine, je ne me rappelle plus, d’aller casser les pierres à la rivière située à 2 km du séminaire de Mbamou où nous étions logés pour la construction d’un nouveau dortoir. Ce jour-là, les anciens, nous ont demandé de ne pas emprunter le véhicule et de parcourir cette distance à pied. Après une bonne distance, nous apercevons le véhicule qui nous dépasse et à son bord, le jeune Émile Biayenda. Tout le monde hue sur lui et le chauffeur de le descendre. Antoine Letembet Ambily, de lui dire : « toi, vraiment tu as peur du blanc ? » Et, Émile de lui répondre : « Moi je n’ai pas peur du blanc, mais de mon Seigneur qui voit tout ce que nous faisons de mauvais ».

Oui le jeune Émile, depuis son jeune âge avait toujours crainte et était très juste avec son Dieu.

Quatrième fait : Pendant les grandes vacances, chaque séminariste était envoyé en stage dans l’une des paroisses données. Moi, à Notre-Dame de Bacongo et lui à Saint François d’Assise.

Un jour, au cours de nos échanges de vie en paroisse, Émile, me révéla qu’il avait vidé sur demande de son supérieur une fosse septique insoutenable à l’aide d’un sceau. Vraiment à cette époque, il fallait le faire.

Voilà les quatre faits parmi tant d’autres que j’ai voulus mettre à votre portée pour montrer la grandeur du cœur de l’homme et l’humilité qui le caractérisait depuis son jeune âge. Aujourd’hui, vu ce qu’il a fait, vécu sur cette terre, le moment est venu que nous le proposons comme modèle de foi pour notre Église locale et pour l’Église Universelle.

Depuis son inhumation à nos jours, sa tombe devient un lieu de prière et de pèlerinage

En attendant, l’aboutissement de ce long et coûteux processus, les chrétiens catholiques, et aussi les hommes de bonne volonté doivent continuer à prier dans l’esprit des huit Béatitudes dans lequel le Cardinal Émile Biayenda a personnellement vécu. Héro, l’homme l’était eu égard aux vertus pratiquées sa vie durant.

La véracité des signes et miracles qui sont en train de se produire sur l’intercession de ce grand pasteur conduiront, sans nul doute, l’Église catholique à le déclarer « Saint ».

  • Heureux les pauvres : Le Cardinal Émile Biayenda n’a pas accumulé des richesses. Mais, il savait plutôt partager le peu qu’il possédait. De même, il ne s’est pas laissé griser par les honneurs d’un si haut rang : le Cardinalat.
  • Heureux ceux qui pleurent : Émile Biayenda, à pleuré, non à cause des souffrances qu’on lui a infligées en 1965, mais compatissait avec ceux qui souffraient, connaissant ce qu’est effectivement la souffrance. Il partageait les peines des gens pour mieux les aider à les supporter, surtout les veuves et les orphelins à qui, la société a toujours fait subir toutes les vicissitudes du monde.
  • Heureux les doux : Émile Biayenda, était doux au sens plein du terme. Dans son langage, il ne froissait et ne jugeait personne ; il était conciliant avec tout le monde.
  • Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : Biayenda avait faim et soif de la justice. il se conformait à tout ce que le Seigneur attendait de lui ; à compatir et lutter en faveur de tous ceux qui subissaient des injustices des inégalités.
  • Heureux les miséricordieux : Avant de subir la mort, Émile Biayenda a pardonné à ceux qui l’ont assassiné le 21 Mars 1977. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».
  • Heureux ceux qui procurent la paix : Durant toute sa vie de Prêtre, Émile Biayenda a œuvré pour la paix. Ses différentes homélies, ses interventions multiples ont servi à prôner l’amour du prochain. Sa dernière lettre aux chrétiens, croyants et aux hommes de bonne volonté du Nord, du Centre et du Sud, à la suite de la mort du Président Marien Ngouabi est très éloquente. Ah ! Si les congolais avaient compris leur pasteur.
  • Heureux ceux qui ont le cœur pur : Émile Biayenda, avait un cœur pur. Il savait vivre pleinement la droiture et la chasteté. C’est vraiment un modèle.
  • Heureux ceux qui sont persécutés : Émile Biayenda, Cardinal, a souffert dans sa chair. Cette souffrance que les chrétiens et les hommes de bonne volonté doivent apprendre à endurer à la suite du Christ et du Cardinal Biayenda, assassiné comme lui.

De son vivant, le Cardinal Émile Biayenda, a vécu dans sa chair et dans son âme tous les outrages, les persécutions et les fausses accusations dans la période qui a suivi le 18 Mars 1977.

Voilà, les huit Béatitudes auxquelles les autorités de l’Église Catholique du Congo se réfèrent ou vont se référer pour exprimer un réel sentiment de joie et de satisfaction légitime pour présenter Émile Biayenda aux yeux du monde comme modèle de foi.

Le Cardinal Biayenda était un homme de Dieu, au sens strict du terme. Je ne sais pas s’il a parlé de népotisme ou tribalisme. Sa charge pastorale était distribuée avec équité et justice, et il s’était entouré d’un Conseil des prêtres et avait aussi autour de lui, une Équipe de Consulteurs laïcs.

En ce qui concerne sa cause : La provocation de la démarche du processus de sa cause à Rome, nous a été sollicitée par les fidèles. On nous a même obligés de voir ce qu’il était devenu. J’ai beaucoup réfléchi et hésité avant d’associer mes confrères évêques, ainsi que quelques membres de sa famille pour éviter que l’on me taxe de tout. La suite, vous la connaissez.

C’est moi qui ai demandé sa Cause de béatification et de canonisation. C’est dommage aussi qu’on soit parti avant l’avoir vu. On serait heureux de voir sa Béatification et pourquoi pas sa Canonisation.

G. YENGO DIATSANA




 
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