Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Le martyre de BIAYENDA

La mort du cardinal continue à soulever nombre de questions au milieu du clergé et du laïcat congolais. Il semblerait que 31 ans après le martyre de BIAYENDA mille et une questions n’arrêtent pas d’être posées. Pourquoi a-t-il accepté un tel martyre, n’aurait-il pas mieux fait en fuyant, sachant bien que possibilité il y avait ? « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant » nous dit Saint Irénée. BIAYENDA s’est-il sacrifié inutilement ? Son martyre n’a-t-il pas aujourd’hui plus d’impact que la vie qu’il aurait menée en survivant ? que nous suggère un tel martyre ? Que nous insinue t-il ? qu’ajoute t-il au martyre du Christ qui nous a dores et déjà sauvés par la croix ?

Étymologiquement, le martyr, du grec témoin, est celui qui accepte de mourir pour rendre raison de la foi qu’il professe. Dès les débuts du christianisme beaucoup de chrétiens acceptèrent de mourir pour faire valoir les vérités qu’ils professaient : « la mort et la résurrection du Christ ». Le martyre fut jusqu’au moyen âge un moyen privilégié pour l’Évangélisation des juifs et gentils hostiles au message du Christ. Un martyrologue fut aussitôt ouvert : celui-ci contient la liste des témoins qui avec zèle apostolique ont proclamé l’Évangile jusqu’au don total de leur vie : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». (Jn. 15, 13).

Notons bien que tous ces témoins n’ont pas décidément choisi le martyre, cependant c’est sur le chemin du témoignage qu’ils l’ont rencontré. « La lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue » (Jn1, 5). Le martyre est la conséquence directe du témoignage. L’Afrique dans ce concert de martyrs, a la grâce de trouver les siens dont BIAYENDA parmi les plus récents.

Comme nous le savons, la vie quelle qu’elle soit est précieuse : celle de toute sorte de plantes et d’animaux. Elle est précieuse pour toute l’humanité que pour tout individu. L’offrir pour autrui ne s’explique guère naturellement. Car, tout le monde s’y attache. L’offrir donc pour la multitude au détriment de celle de soi est un acte surnaturel qui relève du domaine de l’Incréé et de ceux qu’il a choisis parmi les hommes pour lui rendre témoignage.

Nous disions que le témoignage et le martyre sont deux concepts compénétrant. L’un ne se comprend ni n’a de véritable sens qu’avec ou dans l’autre. Le témoignage précède le martyre et ce dernier n’a de véritable sens que s’il a été consommé pour une cause noble et juste, c’est-à-dire suite à un témoignage authentique grâce auquel la multitude trouve le salut.

Le Christ, témoin par excellence, fut crucifié au mont Golgotha avec des bandits. Lui, le fils de Dieu ayant sauvé l’humanité, n’a pas remué ciel et terre pour se sauver de la croix. Il avait su que le martyre était le couronnement de sa vie de témoin.

Tous ses actes, ses paroles, ses œuvres et son enseignement y trouveront d’ailleurs leur sens exact. On comprend mieux par conséquent ses paroles au mont des oliviers : « Père que ta volonté soit faite » (Lc. 22,42). Le christ a sauvé l’humanité par le martyre de la croix en laissant aux disciples l’exemple le plus parfait duquel ils doivent s’inspirer pour dénoncer sans crainte et avec force les injustices et les souffrances causées et infligées par les puissants aux plus vulnérables.

Pierre, Paul et autres témoins à la suite du Christ à travers le monde ont suivi jusqu’au martyre le Maître. BIAYENDA a fait autant. « Si, lui le bois vert a été ainsi traité qu’arriverait-il au bois sec  » (Lc. 23,31). Dans le contexte que voici, la mort de BIAYENDA serait lue positivement plutôt que négativement.

Quand nous dirions heureuse passion du Christ qui a valu à l’humanité le salut ! Nous n’oublierons guère de dire, heureuse mort du Cardinal qui a valu à nous congolais la paix et nous rappelle que la foi en Christ veut dire prendre sa croix pour se mettre à la suite du Maître. « Celui qui perdra sa vie pour moi la conservera et celui qui la conservera la perdra » (Mt. 10, 39).

BIAYENDA, comme Marie, a choisi la meilleure part. Entre les besognes serviles et l’écoute du Christ, Marie a choisi l’écoute du verbe incarné ; entre l’attachement à la vie et le martyre pour Dieu, BIAYENDA a choisi le martyre à l’instar du Christ. Ainsi, il a donné au peuple congolais, surtout au clergé le témoignage d’une vie chrétienne vécue selon la volonté du Père : « qui met la main à la charrue et regarde encore en arrière n’est pas digne de moi ». (Lc. 9, 62).

La vie chrétienne est inséparable du martyre. Déjà, le fait de s’engager pour vivre à contre courant des mœurs et mauvaises coutumes de la société est un martyre. Le Cardinal en était conscient. Ce faisant, fuir, devant le climat qui prévalait à l’époque, serait une renonciation à son enfance (séminaire de MBAMOU), à sa jeunesse (séminaire Libermann), à son ordination (presbytérale, épiscopale), à son engagement (paître le troupeau de Dieu) et enfin à sa charge (Cardinal : pasteur des brebis).

BIAYENDA n’est pas mort inutilement. Il n’a pas non plus eu tord de ne pas fuir. Comme le Christ, il est mort pour une cause noble et juste. C’est pour avoir été témoin que maître qu’il a été martyrisé au mont Djiri.

L’heure avait sonné pour que la gloire de Dieu se manifestât au Congo en la date du 22 Mars. Émile se savait bien être le bouc-émissaire sur lequel seraient portés les péchés des congolais pour leur expiation.

Dans les derniers instants, qui ont précédé de quelques heures son enlèvement et son martyre, BIAYENDA avait probablement lu et relu l’épisode de la passion du Christ.

Son calme surtout dans ces derniers instants de vie fut un calme prophétique que traduisent ces mots : « A tous nos frères croyants du Nord, du Centre et du Sud, nous demandons beaucoup de calme, de fraternité et de confiance en Dieu, Père de toutes races et de toutes tribus, afin qu’aucun geste déraisonnable ne puisse compromettre un climat de paix, que nous souhaitons tous ». Le cantique « plus près de toi Seigneur… », entonné par le cardinal à sa dernière réunion œcuménique accompagnait ces mots de paix comme pour signifier que « celui-là qui nous a toujours parlé de la paix avait résolu de donner sa vie pour que cette paix passe de la puissance en acte. BIAYENDA a donné son corps à la paix ». Ce mot « paix », abstrait et invisible, a trouvé un corps pour être dorénavant visible aux congolais. 31 ans après, son martyre a, aujourd’hui, un impact considérable dans la vie de tous les congolais de quelque niveau que ce soit. En effet, la fin d’une vie donne un sens à toute la vie d’un homme. Le courage et le dynamisme de BIAYENDA d’aller jusqu’au bout de la mission : le martyre, nous a permis de faire une lecture de foi sur sa vie et son ministère.

BIAYENDA est une lumière pour toute l’Église du Congo. Certes, sa mort n’ajoute rien à celle du Christ qui est le sacrifice par excellence par lequel l’humanité est sauvée, cependant elle redynamise notre foi, restaure la profondeur des vérités chrétiennes auxquelles nous croyons, communique de manière inconsciente une lumière à chacun grâce à laquelle nous portons des choix positifs honorant notre statut de chrétien ? Nous réitérons que sa mort est riche d’enseignements et d’images prophétiques. Il faudrait s’y arrêter et qu’à partir d’elle contempler toute la vie du bon pasteur pour constater que ces évènements nous insinuent et nous suggèrent une conversion totale de notre être.

En effet, sa mort suggère à tout « chrétien » le sérieux de s’être engagé dans une voie aussi exigeante. Car les sacrements : du baptême, de confirmation…, sont pleins de signification et sollicitent de la part du chrétien une grandeur d’esprit faisant de lui «  le sel et la lumière du monde  » (Mt. 5,13-14).

Aux « prêtres », sa mort suggère, malgré la finitude humaine, la redécouverte de la grandeur humaine et spirituelle des vertus évangéliques : la chasteté, la pauvreté, surtout de cœur, l’obéissance, dans le ministère sacerdotal. Des vertus sans lesquelles le ministère du prêtre perd sa signification d’être une véritable « donation totale à Dieu ».

Aux « Congolais », sa mort suggère, comme il l’a d’ailleurs lui-même enseigné, « que le MBOCHI sache qu’il est frère du KOUYOU, le KOUYOU frère du LARI, le LARI frère du TEKE et le TEKE frère du VILI… ». Que tous les congolais s’aiment, quels que soient leurs coins distinctifs, car « ils sont tous frères ». En effet, au soir de notre vie Dieu notre père demandera à chacun ce qu’il aura fait des autres.

Gabriel MASSEMBO,
(IIe Année de théologie).


 
 
 
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