Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

La vie d’Émile Biayenda est un livre ouvert, qui se donne à lire et à être apprécié

Les cahiers utilisés pour porter ses confidences quotidiennes ne sont que de simples cahiers d’écolier, faciles à manier et à porter à travers les itinéraires ininterrompus de son laborieux ministère. Les autres notes sont souvent prises dans des carnets. Rien qui soit recherche de luxe ou de grandeur ; au contraire, tout exhale une conscience profonde pour une action pratique, efficace et durable.

 

Comme nous l’avons largement montré au cours de notre enquête, la vie d’Émile Biayenda est un livre ouvert, qui se donne à lire et à être apprécié.

A l’exception de quelques cahiers portés disparus, quelques années après sa mort, le journal personnel qu’il a tenu, du 12 octobre 1950 au 22 mars 1977, montre qu’il a été toujours présent, attentif et pleinement uni aux personnes et aux événements avec lesquels Dieu a tissé, jour après jour, sa vie de séminariste, de prêtre, d’évêque et de cardinal.

Tout ne peut être dit et bien dit dans un diaire, mais le simple fait d’en rapporter l’essentiel ne trompe pas sur les vertus de patience et de transparence du serviteur de Dieu. Cette ténacité à sauvegarder la continuité du fil de son action, de ses devoirs, lui permettait d’avoir mémoire, pour tenir présent un passé qui enfantait les promesses et les chances de l’avenir.

Faut-il suspecter là un esprit rancunier, vengeur, fermé au pardon ?

La lecture de ses manuscrits comme celle de l’ensemble de sa vie montre qu’il n’en est pas question. Ce fils du Congo avait vraiment accueilli la foi et bâti sa vie sur la Parole de Dieu. Dans le cas précis du pardon, l’hymne à la charité nous éclaire. Émile Biayenda a été un apôtre de la charité : « La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » (1 Co 13,4-7).

Ce programme, qui relève d’un idéal héroïque, est une montagne sainte qui défie les plus généreux des disciples du Christ. Émile Biayenda aimait en explorer les sommets, on dirait même sans effort ni regret. Il en est devenu premier de cordée !

C’est en présence de Dieu et presque en état de confession, qu’il prend, chaque soir ou de bon matin, son cahier-journal et son stylo pour dire au Seigneur ce qu’il a fait et ce qu’il a été durant la journée. Prière écrite, mots gravés, cœur ouvert à Dieu, existence livrée quotidiennement au Saint Cœur de Jésus et Marie, tel est le journal personnel d’Émile Biayenda.

Parmi ses livres personnels encore présents dans l’armoire de son bureau, c’est en bonne place qu’on trouve les récits biographiques1 sur Sainte Bernadette Soubirous, Saint Augustin, Charles de Foucauld, le Saint Curé d’Ars…, et les « Lettres à ma famille » du Pape Jean XXIII.

Les cahiers utilisés pour porter ses confidences quotidiennes ne sont que de simples cahiers d’écolier, faciles à manier et à porter à travers les itinéraires ininterrompus de son laborieux ministère. Les autres notes sont souvent prises dans des carnets. Rien qui soit recherche de luxe ou de grandeur ; au contraire, tout exhale une conscience profonde pour une action pratique, efficace et durable.

La correspondance

Les lettres que nous avons pu rassembler et consulter révèlent aussi quelques traits caractéristiques du serviteur de Dieu congolais. Elles peuvent être réparties en deux catégories : le courrier officiel et le courrier privé.

Le courrier officiel examiné s’adresse, en grande partie, aux dignitaires de l’Église, aux organismes d’aide de l’Église, à quelques responsables d’États et de Gouvernements. A leur égard, le Cardinal Émile Biayenda se montre très courtois et très respectueux. Noblesse oblige, dira-t-on ? Certainement. Mais, il convient de reconnaître que ce respect porte une marque de révérence sans flatterie et sans ombre, même quand il traite avec eux des sujets d’intérêt majeur. Bien plus, il ne se fait aucun complexe à se rabaisser – eu égard à son rang – quand il adresse une requête à une personnalité inférieure à lui.

Ici rejaillit une des qualités notoires que les gens reconnaissent communément au Cardinal Biayenda : l’humilité.

Homme plein de confiance en Dieu et jamais démissionnaire de l’œuvre de rédemption de Jésus Christ pour chaque homme, Émile Biayenda était patient, entreprenant et tenace dans les démarches qu’il entreprenait. Il savait chercher, demander, frapper ou même recommencer, jusqu’à ce qu’il ait obtenu les résultats escomptés. Tout est d’abord accompli pour la plus grande gloire de Dieu et le salut du monde. Le sachant et le voulant tel, il se trouve souvent affecté, mais en souffrant dans le plus grand silence, quand une mauvaise volonté entrave le bon déroulement de ce qu’il entreprend. A contrario, quand l’aboutissement de la démarche est heureux, il multiplie ses « Pour tout, merci Seigneur ! », il se montre joyeux et plein de bonheur, comme un écolier admis au certificat d’études. Ensuite, par écrit ou par visite de courtoisie, il exprime sa reconnaissance à qui de droit.

Le courrier privé qui nous a été renvoyé comporte notamment des lettres destinées à des amis, des bienfaiteurs, des connaissances de toutes sortes. Nous notons, avec éloges répétés, la régularité et l’abondance des lettres qui caractérisent le correspondant Émile Biayenda. Un admirable maître de communication épistolaire. A cause de lui, j’ai compris que Paul, à ce sujet, avait fait une authentique confession missionnaire aux Galates et à Timothée, quand il avait écrit : « Je voudrais être auprès de vous en ce moment pour trouver le ton qui convient, car je ne sais pas comment m’y prendre » (Ga 4, 20 ; 2 Tm 2,2). Incapable d’écrire une lettre au ton polémique, Émile Biayenda écrit ; il répond toujours ; il passe le temps qu’il faut sur une feuille ou une carte postale, pour trouver le ton et le mot qui conviennent. Et quelle fine et belle écriture ! Il est d’une fidélité sans faille dans ses relations d’amitié. C’est ainsi qu’il s’emploie à les préserver et à garder vivant en lui le souvenir de ses amis et connaissances, quel que soit leur rang social. Dans son Brevière et autres livres d’usage courant, il n’est pas rare de voir la photo d’une personne connue de lui : malade, en bonne santé, défunte ou loin du Congo.

De ce côté-ci, Émile Biayenda est une fine fleur de la reconnaissance. Les bienfaits reçus sont constamment accueillis dans un cœur ouvert et intarissable en remerciement. Il ne feint rien, tout est limpide, vrai et simple : « Je vous prie de croire à mes sentiments de sincère reconnaissance et remerciement », se plaît-il à dire en retour de courrier pour un don reçu. De même, il est profondément sensible à tout geste d’hospitalité ou d’accueil. Au Canada, en Irlande, en plusieurs pays d’Europe et d’Afrique, en Terre Sainte, partout où des familles, des communautés sacerdotales et religieuses, l’ont accueilli, il n’a pas tardé à renvoyer l’ascenseur rempli de « Merci ». Cela se traduit en des termes qui reviennent souvent – à quelques variantes près – dans ses lettres : « Je reste particulièrement ému et très touché de l’accueil si vrai, enthousiaste et fraternel que vous m’avez réservé ». Dans son pays natal, la sagesse recommande : « Wa dia kia nduku, vutula, Le don venant d’un ami exige un don en retour ».

Nous avons également constaté que ces lettres reflètent une autre qualité caractéristique d’Émile Biayenda, à savoir la simplicité. Dans les rapports interpersonnels comme dans son style épistolaire, Émile Biayenda s’est toujours refusé d’avoir un langage ampoulé ou recherché. Certainement qu’il n’avait jamais oublié que : « Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Le Seigneur de la transparence, Jésus de Nazareth, recommandait aux siens : « Dites oui, quand c’est oui ; non, quand c’est non. Le reste vient du diable ».

Dans tous les cas, il ne laisse jamais un courrier sans réponse. Il faut toujours répondre, même à la demie-feuille de vœux écrite par un enfant de chœur d’une paroisse de campagne. C’est là une marque de charité, entendu comme accueil, écoute et amour du prochain. Le souci de la réponse à la lettre reçue est si vif en lui, qu’il s’en fait du scrupule, quand bien même il a de sérieuses raisons qui l’empêchent de vite répondre. Le sommeil en fait souvent les frais, puisqu’il faut répondre avant qu’il ne soit trop tard. Et la patience ? Ne confondons pas négligence et patience !

Abbé Albert Nkoumbou
Extrait de son livre : « Le Cardinal Émile Biayenda Martyr de la foi chrétienne »

 

 


 
 
 
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