Mgr Bienvenu MANAMIKa Archevêque de Brazzaville
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LA MÉMOIRE BIAYENDA


 
 
 
 

Émile Biayenda, l’homme du silence

Le Cardinal Émile Biayenda a marqué l’Église du Congo toute entière, par ce don de transmission de joie et d’amour. Ce que nous savons est que nous avons tous côtoyé un Saint, et qu’il fut assassiné, sans raison, injustement et sans justification, aux yeux du monde et du peuple congolais lui-même.

Pour le Cardinal Émile Biayenda, le but était de mettre en valeur tous les éléments les plus spécifiques de sa vie sacerdotale, pour la communauté des hommes et pour le bien religieux, à leur service. Était-ce cela la raison de son assassinat ?

Du Cardinal Biayenda, on disait qu’il était : « l’homme de la perception, de la volonté, du respect...  ». On sait se taire quand il s’agit de ne pas nuire à l’autre dans sa dignité.

Cette force de créativité qu’il possédait, en se familiarisant avec tout le monde, et cette profondeur d’action qu’il avait a fait dire à Blardone, son ami de Lyon : que « c’est avec une discrétion, digne de lui, qu’il a servi son pays, et auquel, il a fait le sacrifice de lui-même »

Que des moments de solitude, n’avait-il pas vécus.
Que de douleur, n’avait-il pas ressentie !
Que d’instants de vide, n’avait-il pas assumés !

Il disait, le 10 avril 1974 : « Une vie s’appuie sur les autres vies... Il ne s’agit pas de dire, il s’agit de le penser et le vivre, en profondeur. Nous ne possédons pas grand’ chose, mais les valeurs cachées en nous doivent être fleuries et être dans la solidarité, source de paix..  »

J’ai eu un grand choc, et le Cardinal Émile Biayenda m’a aidé à renaître. C’était lors du décès de mon père, encore étudiante en France, je recevais la première lettre de Monseigneur Biayenda, pour les condoléances. Sa lettre, si émouvante et si profonde m’a stimulée à croire davantage dans l’espérance. L’extrait de cette lettre datée du 24 juillet 1972, disait : « Tout nous témoigne de la bonté de Dieu, notre père. Et, heureusement, les âmes comme celle de papa Yengo saisissent son action. Que nous en soyons tous rassurés, par sa divine miséricorde. Que surtout aussi au temps de sa visite, il nous donne la force de connaître, comme le fut, le saint homme Job de la bible ou même la Sainte Vierge Marie du Calvaire ( ... ). Après avoir provoqué les circonstances qui ont suscité cette mort, il conclut : « Voilà ma chère fille, comment le Seigneur a rappelé vers lui et pour l’y récompenser, celui qui a vécu sa vie de foi jusqu’au dernier instant (...). Le Seigneur est fidèle et tient grandement compte de la fidélité de ses enfants. Que nos pleurs demeurent une prière. Ainsi qu’une consécration du don de nous-mêmes à son service (...) Que notre Seigneur Jésus-Christ te bénisse et demeure toujours au milieu de ta vie, Bon courage ».

Ton Père dans la Foi, E. Biayenda.

Une parole de lui m’a émue et tout ce qui m’émeut, est écrit, car, « Verba volant, scripta maniant  », les paroles s’envolent, les écrits restent. Il m’avait prévenue : « Garde tout, précieusement, mais en silence. Et, dans l’avenir, ce sera lu peut-être sans que tu le veuilles. La vie d’amour, de sacrifices et de don a toujours des répercussions. C’est demain qu’il faut préparer aujourd’hui, mais sans bruit, mais efficacement. Tais-toi, sans te taire. Ce qui est bien, fais-le si tu crois et que tu as confiance pour qui tu agis et tu marches. N’aie pas peur de t’affronter aux réalités de la vie. Tu souffriras énormément, aussi (...) On n’a rien sans rien (...) Mais courage, le Seigneur ne nous laisse jamais...  »

Tout le monde lui devait respect

Toujours à l’écoute des autres et dans l’effacement le plus complet, il est avec les catéchistes, les enfants de chœur, les jeunes, les fraternités de femmes, les communautés de base, les "mabundu", les Scholas populaires, la Légion de Marie. Avec toute la chrétienté, il organisait des rencontres d’échange, des sessions qu’il présidait en tant que premier responsable de l’Église Catholique, des rencontres œcuméniques aussi, avec les autres Églises de notre localité, des encouragements dans l’ensemble, et la prière. Sa présence seule suffisait pour que toute rencontre redevienne « présence », plus vivante. Les chrétiens se sentaient réconfortés.

Il avait aussi le sens du respect, et la lettre pastorale sur la famille en donne le récit dans les actions éducatives où les jeunes et les adultes se doivent du respect, réciproquement : « ainsi delà découlera la compréhension » disait-il.

Les gens s’inclinaient devant lui, par respect comme la tradition l’exige (devant une éminente personnalité, ou une autorité quelconque). Une vieille maman, comme par enchantement, venue du village, de très loin, était heureuse de rencontrer le Cardinal à la résidence épiscopale de Brazzaville. Était-ce la première rencontre ? Elle tomba à genou et on entendait tout simplement : « tata, tata père, père » selon le contexte et pour bien marquer le signe de respectabilité. Le Cardinal la releva et lui dit : « Mama » (pour signifier à son tour le respect que l’on porte à toutes les mères, en comparaison avec sa propre mère, et c’est le cas pour les hommes appelés tata = père) : « Telama, mama, relevez-vous, mère... ». Puis, le Cardinal lui avait remis une médaille miraculeuse de la Vierge Marie et un chapelet. Émerveillée, on croirait qu’elle tomberait d’émotion. Elle nous regardait comme pour être complice de sa joie qu’elle voulait partage avec nous : joie qu’elle éprouvait vivement à la suite de l’attention du Cardinal à son égard Elle disait « je ne pensais pas qu’un homme aussi important et aussi haut dans le rang d’Église, pouvait recevoir des pauvres comme nous et nous respecter comme si nous étions sur le même pied d’égalité...  ». Elle nous fixe puis nous dit, « Est-ce que vous savez qu’il es le plus grand de ce pays ?  ». Un jeune a répondu : « Il est grand, oui, dans son cœur et par son approche avec tout le monde ».

Le Cardinal établissait avec les gens un contact interne, inexplicable, Il traduisait à tous, petits et grands, sa joie. Et, cela nous secouait « Comment un homme de son rang, pouvait-il à chaque instant être disponible et en permanence dévoue ?  ». Calme, sans panique, il réagissait sans tapage. Son attitude, simple, devenait pour tout le peuple, une action irréfutable où celle de Dieu se faisait visible.

Émile Cardinal Biayenda ne se présentai pas en « vedette », bien au contraire, ce homme du « Mbongui » avait choisi l’efficacité dans la discrétion.

Dans le silence, il s’est fait immolé comme un agneau qu’on amène à l’abattoir à l’exemple de Son Maître Jésus. C’est dans la souffrance qu’il avait monté le Golgoitha de la Montagne de Djiri, le 2 mars 1977. Et dans le silence et la paix qu’il a levé sa main droite pour pardonne et nous aimés davantage au prix de son sang.

Sr Dr Marie Brigitte YENGO

 


 
 
 
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